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 Communiqué de presse 


L’Etat social sous la loupe- A l’UNIGE, deux spécialistes portent un regard scientifique sur les problèmes de l’Etat social

Notre système de caisses maladies est-il efficace? Existe-t-il en Suisse une trappe à la pauvreté? L’Etat redistribue-t-il? Et si oui, comment et à qui? Quelles mesures pour intégrer les personnes avec un handicap? Autant de questions sensibles abordées par le prof. Yves Flückiger, directeur du Département d’économie politique de l’Université de Genève (UNIGE), et par Ludwig Gärtner, vice-directeur de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), dans le cadre de leur ouvrage «Problèmes de l’Etat social: causes, fondements et perspectives». Synthèse des résultats du programme national de recherche (PNR45) sur les enjeux liés à l’Etat social, l’ouvrage apporte un point de vue scientifique sur des questions qui prêtent souvent à la dérive émotionnelle et à la controverse.

Le 1er avril 1998, le Conseil fédéral charge le Fonds national de la recherche scientifique (FNS) de lancer un programme national de recherche intitulé «Problèmes de l’Etat social» (PNR 45). L’initiative s’inscrit alors dans le contexte des développements économiques, sociaux et sociopolitiques des années 1990, développements qui ont posé de nouveaux défis aux systèmes de sécurité sociale et qui en ont révélé les lacunes.

Aujourd’hui, le prof. Yves Flückiger (UNIGE) et Ludwig Gärtner (OFAS) livrent, via leur ouvrage «Problèmes de l’Etat social: causes, fondements et perspectives», une synthèse des principales conclusions de ce programme. Les deux spécialistes y fournissent des données claires, apportent des réponses et ouvrent des pistes de réflexion relatives à quatre domaines privilégiés: les transformations et la participation au marché du travail, la situation des personnes handicapées, le système de santé et la politique sociale. Echantillon d’exemples saillants.

Le marché du travail: miser sur l’attractivité
Pour les auteurs, la forte augmentation du taux de chômage dans les années 1990, notamment du chômage incompressible, s’explique par deux tendances: un découplage entre la croissance économique et l’évolution du nombre d’emplois ainsi qu’une inadéquation grandissante entre l’offre et la demande.

Convaincus, au vu des résultats de recherche, que ces tendances ne sont pas inéluctables, les auteurs préconisent une réinsertion durable et rapide des chômeurs, que ce soit par l’accroissement de l’attractivité du travail, une accentuation des mesures préventives ou le développement de la formation continue dans les entreprises suisses. En outre, Flückiger et Gärtner plaident en faveur d’un changement dans les politiques de rémunération, basées encore trop largement sur la valorisation de l’ancienneté, afin de remédier au problème du haut taux de chômage chez les personnes de plus de 50 ans.

Politique sociale: le temps des réformes
En Suisse, un pourcentage significatif des ménages est concerné par la pauvreté. Au regard des différents travaux qui ont été effectués sur les questions liées aux assurances sociales, Yves Flückiger explique que «des réformes doivent être apportées pour adapter ce système à l’évolution du marché suisse du travail. Des modifications légales ont certes été introduites afin de tenir compte de ces mutations, mais elles ne sont souvent pas appliquées dans la pratique, comme c’est le cas en matière de partage des fonds de prévoyance professionnelle en cas de divorce.»

Par ailleurs, l’économiste encourage l’expérimentation de nouvelles formes d’aide sociale et de modes de financement inédits en vue d’une lutte plus efficace contre la trappe à la pauvreté. «L’introduction d’un revenu de participation pourrait par exemple permettre de réduire le taux de chômage des travailleurs les moins qualifiés tout en diminuant la pauvreté et les inégalités de salaires» ajoute le prof. Flückiger.

Enfin, les auteurs insistent sur la nécessité d’étudier plus en détail les effets redistributifs du système social actuel pour déterminer s’il atteint ses objectifs. En effet, d'après eux, si le PNR45 a permis de montrer que, de manière générale, le système des assurances sociales n’a qu’un effet minime sur la distribution des revenus entre les personnes actives, l’essentiel de la redistribution ayant lieu entre la population active et inactive, une recherche plus précise n’a jamais été réalisée à ce jour.

Santé: un système plus efficace et plus juste?
Dans le domaine de la santé, la problématique des coûts n’est devenue le thème central des débats politiques que depuis les années 90. En effet, les dépenses en matière de santé publique par rapport au PIB helvétique sont passées de 7,3% en 1980 à 8,3% en 1990 pour atteindre 10,4% en 2000. L’analyse montre que cette augmentation est dépendante de quatre facteurs principaux: l’offre (densité des médecins), la composition de la population (pourcentage de personnes de plus 65 ans), le niveau d’attente de la population et le progrès technologique. Le PNR45 a, en conséquence, abordé cette thématique en prêtant une attention particulière à ces facteurs.

Une étude retenue par Gärtner et Flückiger met par exemple en exergue la très faible efficacité des assureurs maladie de 1994 à 2001, en comparaison des autres domaines de l’assurance en Suisse. En effet, durant cette période, l’efficacité moyenne des caisses ne s’est élevée qu’à 23% du niveau atteint par les caisses les plus efficientes. Cependant, les chercheurs constatent une amélioration de l’efficacité à compter de l’introduction de la LAMal, amélioration qui indique qu’une certaine concurrence s’est installée.

Autre exemple: la répartition des risques fondée sur l’état de santé des assurés. Une étude empirique du PNR45 montre que la compensation telle qu’elle existe actuellement est totalement insuffisante et que la prise en compte de facteurs supplémentaires de risques médicaux améliorerait significativement le système. Dans ce cadre, les auteurs insistent sur la nécessité de regrouper les données des assurances et celles des hôpitaux, modèle qui réduirait considérablement la probabilité que les caisses adoptent un comportement de sélection des risques.
Dans leurs conclusions générales, les auteurs indiquent que, étant donné la situation, il faut poser la question d’un changement radical de système, soit en adoptant un système centralisé et piloté, soit en optant pour un système qui fasse davantage place à la concurrence.

Handicap et invalidité: vers l’intégration précoce
Les résultats du PNR45 montrent que l’égalité des chances pour les personnes avec un handicap qui vivent en Suisse est encore loin d’être réalisée. Dans sa synthèse de leurs données existentielles, Ludwig Gärtner rend compte d’une grande diversité de situations, allant d’un haut niveau d’intégration professionnelle et sociale jusqu‘à une grande précarité. Toutefois, Gärtner relève que le type du handicap ne détermine la situation que partiellement, même si les personnes avec un handicap psychique ne disposent souvent que de ressources modestes. Mais il apparaît surtout que les personnes atteintes de problèmes de santé subissent souvent un long processus de déqualification et de démotivation.

Pour remédier à ces différents problèmes, les auteurs mettent en avant le fait que, d’une part, le meilleur moyen d‘intégration consiste à ne pas exclure, que ce soit dans la vie de tous les jours, durant les études ou sur le marché du travail, et que, d’autre part, les adaptations architecturales nécessaires ne sont pas coûteuses (<2,5% du coût global de construction). En outre, ils soulignent que l’intégration des enfants avec un handicap dans le système de formation classique peut sensiblement augmenter leurs chances d’atteindre un degré de formation supérieure, garante d’une meilleure intégration.

Pour tout renseignement complémentaire, n'hésitez pas à contacter:
le prof. Yves Flückiger au 022 379 82 80 ou à
Yves.Flueckiger@ecopo.unige.ch
ou M. Ludwig Gärtner au 031 322 90 76 ou à
Ludwig.Gaertner@bsv.admin.ch


Genève, le 22 février 2007