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Séminaire 12

RRENAB 2010 / Samedi 12 juin de 14h30-16h00. Salle 2106.

Titre : Les phénomènes de réécriture et la formation du corpus prophétique

Animation : Christophe Nihan (Université de Genève)

Thème : Avec les textes législatifs, les écrits prophétiques sont, dans la Bible hébraïque, ceux où la notion de « réécriture » a été appliquée avec le plus de bonheur et de pertinence. Le concept de réécriture fait aujourd’hui partie intégrante de la recherche sur les livres prophétiques (És-Ml), notamment à la suite des travaux de Odil Hannes Steck et de plusieurs de ses disciples (notamment Konrad Schmid et Reinhard G. Kratz). L’essor, surtout à partir des années 1980, de l’analyse des phénomènes de réécriture dans la littérature prophétique coïncide avec un changement progressif de paradigme dans la recherche sur les Prophètes, qui demeurait jusque là très largement focalisée sur la reconstruction des paroles « authentiques » (ipsissima verba) du prophète. À l’inverse, le concept de réécriture permet de faire droit à la complexité du processus de formation des livres prophétiques, processus qui s’étend en règle générale sur plusieurs siècle. En particulier, la notion de réécriture offre notamment un cadre théorique et méthodologique pour aborder un aspect essentiel de la formation et la transmission des livres prophétiques, à savoir la réactualisation et la re-contextualisation continuelles des oracles anciens, qui en préserve l’autorité tout en les adaptant à des situations toujours nouvelles.
Cet atelier a pour objectif principal de faire le point sur la notion de réécriture appliquée aux écrits prophétiques, en s’intéressant notamment aux aspects théoriques et méthodologiques de cette notion. Par-delà la diversité des études individuelles consacrées à l’un ou l’autre aspect des phénomènes de réécriture dans le corpus prophétique, il vise notamment, d’une part, à mettre en évidence les mécanismes propres à la réécriture prophétique ; et d’autre part, à réfléchir aux modalités et à la nature de la réécriture prophétique en tant que forme particulière de réception des oracles antérieurs au sein de la littérature prophétique. Sur ce dernier point, la question du rapport entre réécriture et relecture, mais aussi entre réécriture et phénomènes de canonisation au sein de la littérature prophétique, sera également au centre de cet atelier.


Les exposés :

Konrad Schmid (Université de Zürich)
L’auto-compréhension des livres prophétiques comme littérature de réécriture

Dans les dernières décennies, la critique rédactionnelle des livres prophétiques a mis en évidence de manière indiscutable à quel point ces derniers relèvent d’une littérature basée sur le principe de réécriture (Fortschreibungsliteratur). Mais s’agit-il là seulement d’un constat accessible à l’analyse critique ? Ou bien y a-t-il au sein des livres prophétiques des indices textuels suggérant que ces livres portent en eux-mêmes la conscience d’être une telle littérature de réécriture ? La contribution qui suit cherchera à montrer sur la base de différents exemples à quels endroits de la littérature prophétique c’est effectivement le cas, et pourquoi.

Jean-Pierre Sonnet (Institut Grégorien)
Jonas : récalcitrance prophétique et repentir divin mis en intrigue. La fonction parabolique d’une réécriture narrative au sein du canon des Prophètes

Les phénomènes d'intertextualité, en fait de réécriture, qui unissent le livre de Jonas au reste du canon prophétique ont fait l'objet de multiples enquêtes. Il reste sans doute à mieux comprendre l'enjeu de la réécriture narrative du matériel prophétique intégré, recyclé dans une double intrigue où le repentir divin déjoue la récalcitrance du prophète. Il y aura alors à se demander: quelle est l'incidence d'une telle parabole à l'intérieur du canon des Prophètes?

Christophe Nihan (Université de Genève)
Phénomènes de réécriture et autorité des recueils prophétiques

La question du rapport entre réécriture et autorité textuelle a déjà souvent été abordée dans le cas des textes législatifs de la Bible hébraïque (B. Levinson), mais moins souvent pour ce qui est des textes prophétiques. À partir d’exemples concrets, cette contribution s’intéressera à trois questions en particulier : (1) En quoi la réécriture est-elle un phénomène constitutif du genre du « livre prophétique » à l’époque du second temple ? (2) Comment peut-on caractériser le rapport entre réécriture et autorité textuelle dans le cas des écrits prophétiques, et en quoi la réécriture induit-elle un programme de lecture spécifique pour les livres prophétiques ? (3) Quel est le rapport entre les phénomènes de réécriture prophétique et la création d’un « canon » des Nebiim, et dans quelle mesure la création d’un tel canon signale-t-il (ou non) l’arrêt des phénomènes de réécriture prophétique ?