2013

Observer, en direct, l'expression des gènes dans l'organisme

Mesure de la bioluminescence en temps réel

La plupart de nos fonctions physiologiques fluctuent régulièrement au cours de la journée. Elles sont rythmées par une horloge centrale située dans le cerveau et par des oscillateurs locaux, présents dans pratiquement toutes nos cellules. De nombreux rouages moléculaires de cette horloge interne ont été décrits par Ueli Schibler, professeur à la Faculté des Sciences de l’Université de Genève (UNIGE). Afin d’étudier comment l’horloge centrale synchronise les oscillateurs subalternes, le groupe du chercheur a eu recours à divers outils génétiques et technologiques, qui ont, eux, été développés en collaboration avec une équipe de physiciens de l’UNIGE. Les scientifiques ont ainsi pu observer en direct la bioluminescence émise par les ‘gènes horlogers’ de souris plusieurs mois durant. Cette biotechnologie est aussi applicable à de nombreux domaines de la recherche biomédicale, ce qui n’a pas manqué de retenir l’attention des éditeurs de la revue Genes & Development.

Nombreux sont les comportements et fonctions biologiques des mammifères qui sont réglés par des horloges internes. La plupart de nos cellules en possèdent une, faite d’une famille de ‘gènes horlogers’, dont l’activité cyclique atteint un pic spécifique en vingt-quatre heures. Ces oscillateurs locaux sont synchronisés par un ‘pacemaker’ central, situé dans le cerveau et ajusté lui-même par la lumière.

La luciole en éclaireuse

Le recours à des techniques d’ingénierie génétique a permis l’étude des mécanismes moléculaires actionnant les gènes horlogers directement dans des cellules de mammifère en culture : « Nous avons couplé plusieurs de ces gènes à celui de la luciférase, l’enzyme qu’utilise la luciole femelle pour produire la lumière verte qui attire les mâles », explique Ueli Schibler, membre du Pôle de Recherche National Frontiers in Genetics . Lorsqu’un gène horloger spécifique est activé dans une cellule ainsi transformée, le signal lumineux émis peut être mesuré grâce à un détecteur ultra sensible de bioluminescence. Cet appareil, s’il est capable de détecter des signaux de l’ordre de quelques photons, n’est pas utilisable pour l’étude d’organismes entiers. C’est à ce niveau de la recherche que l’atelier mécanique d’André Liani, ainsi que les équipes de Jean-Pierre Wolf et Luigi Bonacina, du Groupe de Physique Appliquée de l’UNIGE, ont été sollicités. Ces scientifiques ont alors expressément mis au point un dispositif pouvant héberger des souris pendant plusieurs mois: « Nous l’avons doté de parois réflectrices déviant les photons vers un tube photomultiplicateur ultrasensible permettant de capter la bioluminescence », détaille André Liani.

Suivre en direct l’expression journalière des gènes horlogers …

En collaboration avec l’Université d’Ulm et le Centre de génomique intégrative (CIG) de Lausanne, les biologistes ont étudié comment l’horloge centrale synchronise les oscillateurs subalternes chez la souris. Différents gènes horlogers, couplés au gène de la luciférase, pour l’émission de lumière, ont été insérés dans les cellules du foie à l’aide d’un vecteur moléculaire. Le séjour de ces rongeurs dans le dispositif à bioluminescence a permis de démontrer que l’horloge centrale génère des signaux, dont certains agissent directement sur les oscillateurs du foie, et d’autres qui les synchronisent indirectement, en contrôlant les cycles de prise de nourriture.

… ou l’effet d’un médicament, chez la souris

« Non seulement cette technologie permet de limiter de façon drastique le nombre de souris nécessaires à ce type d’expériences, mais elle est de surcroît applicable à de nombreux domaines de la recherche biomédicale », rapporte Camille Saini, chercheuse au Département de biologie moléculaire de l’UNIGE et première auteure de l’article. Ces outils complémentaires de génétique et de technologie d’ingénierie pourraient être utilisés pour suivre en direct certaines actions biochimiques de métabolites comme le cholestérol ou le glucose, ainsi que la réponse aux traitements potentiels dans le cadre de maladies telles que l’hypercholestérolémie ou le diabète. Le suivi de la réponse à différentes hormones, neurotransmetteurs ou autres messagers biochimiques fait également partie de cette gamme d’applications.

Contact :

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Prof. Ueli Schibler (Tél. ++41 22 379 61 75).

Communiqué de presse préparé par la Dr Lara Pizurki

1 juillet 2013
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