2013

Comment la cellule module l’activité d’un gène par son ADN miroir

ARN non codant

Les gènes qui codent pour les protéines qui nous constituent sont transcrits en de nombreuses copies, les ARN messagers, également appelés ARN sens. Etant donné que le génome est formé de deux brins d’ADN complémentaires, chacun des gènes possède donc son «miroir» qui, lui, ne contient pas d’instructions pour fabriquer des protéines. Certains de ces «miroirs» sont toutefois quand même transcrits en ARN anti-sens et Françoise Stutz tente de comprendre pourquoi.
En collaboration avec l’Université de Montréal, les chercheurs ont démontré comment certains transcrits anti-sens répriment l’expression du gène sens situé sur le brin d’ADN opposé. Chaque molécule d’ARN transcrite à partir de ces deux brins a pu être suivie à la trace dans des cellules individuelles, révélant ainsi un processus de répression inédit. Les résultats de cette étude ont été publiés le 16 juin 2013 dans la revue Nature Structural & Molecular Biology.

Seule une petite fraction de notre patrimoine génétique code pour les protéines qui nous constituent. Les gènes qui en contiennent les instructions sont d’abord transcrits en copies, les ARN messagers. Ces derniers, aussi appelés ARN sens, sont ensuite acheminés vers les ribosomes, de minuscules usines chargées de fabriquer les protéines, au coeur de chaque cellule.

Construire une phrase en miroir …

Notre génome est formé de deux brins d’ADN complémentaires. Chacun des gènes possède donc son miroir. «Certaines de ces séquences miroirs, qui ne codent pour aucune protéine, sont toutefois quand même transcrites en ARN anti-sens, sans raison apparente», note Françoise Stutz, membre du Pôle de recherche national Frontiers in Genetics. Afin de comprendre pourquoi, son équipe a étudié ce processus chez la levure, qui sert de modèle pour les cellules de mammifère.

Le gène ciblé par les chercheurs, nommé PHO84, code pour une protéine chargée d’importer du phosphate de l’extérieur pour les besoins quotidiens de la cellule. «L’activité de ce gène est hautement régulée dans la levure, ainsi que dans les cellules humaines. Il fait partie des rares gènes dont le miroir est transcrit en ARN anti-sens», rapporte Manuele Castelnuovo, chercheur au Département de biologie cellulaire de l’UNIGE.

… a du sens, en biologie

En collaboration avec le groupe de Daniel Zenklusen, de l’Université de Montréal, les biologistes ont réussi à suivre à la trace chaque molécule d’ARN transcrite de PHO84 et de son miroir dans des cellules individuelles. Grâce à cette prouesse biotechnologique, les chercheurs ont découvert que les molécules d’ARN anti-sens répriment l’activité du gène PHO84 par intermittence, à la façon d’un interrupteur. L’étude a par ailleurs révélé un processus inédit: «Nous avons été surpris de découvrir que ces ARN anti-sens sont exportés hors du noyau de la levure. Leur action inhibitrice sur PHO84 est donc transitoire et laisse une empreinte, dont la nature est encore inconnue», détaille le chercheur.

Ce type d’ARN anti-sens fait partie du fameux groupe des «ARN non codants». Les acteurs du domaine privé s’y intéressent également de près, étant donné la capacité naturelle des ARN non codants à réduire différents gènes au silence. Diverses sociétés biotechnologiques en utilisent déjà certains dans le cadre de tests cliniques. Au vu de leur potentiel thérapeutique, immense, ils constituent l’un des grands axes de développement de traitements ciblés.

Contact :

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter la Prof. Françoise Stutz (Tél. ++41 22 379 67 29).

Référence :

Bimodal expression of PHO84 is modulated by early termination of antisense transcription, M. Castelnuovo, S. Rahman, E. Guffanti, V. Infantino, F. Stutz & D. Zenklusen, Nat. Struct. Mol. Biol., Published online 16 June, 2013. DOI

Communiqué de presse préparé par la Dr Lara Pizurki

18 juin 2013
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