2017

Le froid les a tous exterminés

Grâce à des datations utilisant la désintégration radioactive de l’uranium, des scientifiques ont découvert que l’une des plus grandes extinctions de masse est due à une période glaciaire, et non pas à un réchauffement de la température terrestre.

La Terre a connu plusieurs extinctions de masse au cours de son histoire. L’une des plus importantes date de la limite Permien-Trias, soit il y a 250 millions d’années. Plus du 95% des espèces marines ont disparu et jusqu’à présent, les scientifiques ont lié cette extinction à une hausse conséquente des températures terrestres. Or des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de Zurich, ont découvert que cette extinction a eu lieu lors d’une courte période glaciaire qui a précédé le réchauffement climatique global. C’est la première fois que les différentes étapes d’une extinction de masse ont été comprises précisément et que les scientifiques arrivent à évaluer le rôle majeur des explosions volcaniques en lien avec ces processus climatiques. Cette recherche, à lire dans la revue Scientific Reports, remet complétement en question les théories scientifiques sur ces phénomènes, fondées sur l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère, et ouvrent la voie à une nouvelle vision de l’histoire climatique de la Terre.

L’équipe du professeur Urs Schaltegger, du Département des sciences de la Terre et de l’environnement de la Faculté des sciences de l’UNIGE, travaille depuis de nombreuses années sur les datations absolues, en collaboration avec l’équipe de Hugo Bucher de l’Université de Zürich. Il s’agit de faire des déterminations d’âge de minéraux dans des cendres volcaniques, ce qui permet d’établir une chronologie exacte et détaillée de l’évolution climatique terrestre. Ils se sont intéressés à la limite Permien-Trias, il y a 250 millions d’années, lors de laquelle s’est produite l’une des plus grandes extinctions de masse, responsable de la disparition de 95% des espèces marines. Comment cela s’est-il passé ? En combien de temps la biodiversité marine s’est-elle éteinte ?

Une technique fondée sur la désintégration radioactive de l’uranium

Les chercheurs ont travaillé sur les couches de sédiments du bassin de Nanpanjiang, en Chine du Sud. Celui-ci a la particularité d’être extrêmement bien préservé, ce qui permet une étude précise de la biodiversité et de l’histoire climatique du Permien et du Trias. « Nous avons effectué plusieurs coupes de centaines de mètres des sédiments du bassin et nous avons déterminé les positions exactes des lits de cendres contenus dans ces sédiments marins », explique Björn Baresel, premier auteur de l’étude. Ils ont ensuite appliqué une technique de datation absolue fondée sur la désintégration radioactive naturelle de l’uranium, comme l’expose Urs Schaltegger : « Dans les coupes sédimentaires, nous trouvons des couches de cendres volcaniques qui contiennent le minéral zircon, qui lui-même contient de l’uranium. Celui-ci a la particularité de se désintégrer en plomb au fil du temps à une vitesse très bien connue. C’est pourquoi, en mesurant les concentrations d’uranium et de plomb, il nous est possible de dater une couche de sédiment à 35’000 ans près, ce qui est déjà extrêmement précis pour ces périodes de plus de 250 millions d’années. »

La glace responsable de l’extinction de masse

En datant les différentes couches de sédiments, les chercheurs ont réalisé que l’extinction de masse à la limite Permien-Trias est représentée par une lacune de sédimentation, ce qui correspond à une période de baisse du niveau de l’eau de mer. La seule explication à ce phénomène est qu’il y avait alors de la glace qui stockait l’eau et que cette période de glaciation d’une durée de 80’000 ans était suffisante pour éliminer les espèces marines. Les scientifiques de l’UNIGE expliquent cette chute de la température globale par l’injection stratosphérique de grands volumes de dioxyde de sulfure qui réduisent l’intensité du rayonnement solaire. « Nous avons ainsi la preuve que les espèces ont disparu lors d’une période glaciaire et que celle-ci a été causée par l’activité des premiers volcans des Traps de Sibérie » ajoute Urs Schaltegger. Cette période glaciaire a été suivie par la formation de dépôts de calcaires formés par des bactéries, signifiant le retour de la vie sur Terre à des températures plus modérées. La période de réchauffement climatique intense, liée à la mise en place d’immenses volumes de basalte des Traps de Sibérie et que l’on croyait jusqu’alors être responsable de l’extinction des espèces marines, intervient finalement 500’000 ans après la limite Permien-Trias.

Cette étude démontre ainsi qu’un réchauffement climatique n’est pas le seul moyen pour expliquer des catastrophes écologiques mondiales dans le passé de la Terre. Il convient alors de continuer l’analyse des anciens sédiments marins afin de comprendre toujours mieux le système climatique terrestre.

Contact :

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Professeur Urs Schaltegger (Tél. +41 22 379 66 38).

6 mars 2017
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