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D'incroyables super-soleils au coeur des amas globulaires

Les amas globulaires peuvent compter jusqu’à un million d’étoiles. Agés de 10 à 13 milliards d’années, ils sont une pièce de puzzle essentielle pour notre compréhension de la formation des galaxies. Mais comment expliquer que leurs étoiles, pourtant nées en même temps et au sein d’un même nuage de gaz, aient des compositions chimiques différentes ? Une équipe internationale d’astronomes, dont des chercheurs des universités britanniques de Surrey et d’Herdfordshire, de Genève et d’Amsterdam, a imaginé que des étoiles 5’000 à 10’000 fois plus massives que le soleil, et n’ayant vécu que très peu de temps, sont venues polluer l’environnement au moment de la for- mation de l’amas. Leur modèle, compatible avec les données observationnelles, est publié dans MNRAS.

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À 28’000 années-lumière de la Terre, l’amas M80, vu ici par le téléscope spatial Hubble, est l’un des plus denses de notre galaxie.
Crédits : The Hubble Heritage Team (AURASTScINASA)

 

Les amas globulaires sont parmi les objets les plus massifs et les plus anciens de l’Univers, présents aussi bien dans notre galaxie – qui en compte 180 – que dans tous les types de galaxies, où ils sont d’autant plus nombreux qu’elles sont plus massives. Les astronomes s’y sont intéressés dès le début du XXe siècle, certains pendant plusieurs décennies que toutes les étoiles qui les composaient partageaient une composition chimique initiale identique, facilitant ainsi les études comparatives. Mais la donne a changé au début des années 2000, avec les premières observations réalisées grâce au VLT (Very Large Telescope) de l’ESO, installé au nord du Chili, puis plus récement grâce à une étude systématique des amas globulaires Galactiques avec le télescope spatial Hubble. «Les analyses chimiques détaillées ont révélé des anomalies d’abondance de toute une série d’éléments dont les proportions n’étaient pas identiques pour toutes les étoiles au sein de chaque amas, et ce de manière systématique dans tous les amas étudiés : oxygène, sodium, carbone, azote, magnésium ou encore aluminium», détaille Corinne Charbonnel, professeure au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Et comme ces éléments n’avaient pas pu être produits par les étoiles elles-mêmes, ces dernières devaient nécessairement avoir été différentes dès leur naissance. Restait à comprendre pourquoi, à trouver la source qui aurait «pollué» l’amas.

Une température de 80 millions de degrés

Seules des réactions nucléaires très précises sont à même de produire ces différents éléments. Et pour que leurs proportions respectives coïncident avec les observations, les chercheurs ont développé un modèle prévoyant la combustion de l’hydrogène à une température de près de 80 millions de degrés au sein d’une étoile supermassive, qui n’aurait vécu que très peu de temps, de quelques centaines de milliers à deux millions d’années, avant de perdre sa matière et d’enrichir le milieu avec les éléments qu’elle avait produit. Impossible de dire à ce stade si un tel objet est stable, mais les simulations informatiques à N-corps menées par Mark Gieles à l’Université de Surrey, premier auteur de l’étude, montrent qu’il produit les bons éléments, dans les bonnes proportions. C’est le premier scénario qui atteint ce résultat. Ces «super-étoiles», de 5’000 à 10’000 fois plus massives que notre soleil, seraient nées d’un «processus d’emballement de collisions entre étoiles au sein d’amas initialement très massifs et très compacts», explique Corinne Charbonnel. L’amas globulaire est en lui-même un milieu extraordinairement dense, pouvant compter plusieurs centaines de milliers d’étoiles dans un rayon d’un parsec, équivalente à environ 3,2 années-lumière. C’est comme si, à la place du vide, il y avait un million d’étoiles dans l’espace qui sépare le soleil d’Alpha du Centaure, sa plus proche voisine. Seul un tel environnement peut conduire à la formation d’étoiles supermassives, ce qui explique que ces caractéristiques chimiques n’aient jamais été observées dans d’autres types d’amas plus jeunes et moins massifs, comme par exemple l’amas ouvert des Hyades.

Une recherche dans le passé lointain

Le modèle développé par les astronomes permet de déduire les paramètres de ces hypothétiques étoiles super-massives. A partir de leur luminosité et de leur température supposées, ils pourront ainsi reconstituer leur spectre et savoir à quoi elles devaient vraiment ressembler avant de se mettre à leur recherche. Ils devront regarder loin dans le temps, à l’époque de leur formation, dans des galaxies distantes de 10 à 13 milliards d’années-lumière. «Notre modèle permet également de faire le lien entre les premiers amas stellaires qui se sont formés au début de l’évolution des galaxies, et les amas très massifs et très jeunes qui se forment aujourd’hui dans des galaxies en interaction comme les Antennes», conclut Corinne Charbonnel.

Voir l'article MNRAS

21 juin 2018
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