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Des astronomes apportent la 3e dimension à l'éruption d'une étoile condamnée

 

Au milieu du 19e siècle le système d'étoiles binaires massives eta Carinae a subi une éruption qui a éjecté au moins 10 fois la masse du Soleil et en a fait la deuxième étoile la plus brillante dans le ciel. Aujourd'hui, pour la première fois, une équipe d'astronomes s'est servi des toutes dernières observations du système pour créer un modèle détaillé en 3D du nuage en expansion produit par l'éruption stellaire.

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Un nouveau modèle de la forme de la nébuleuse de l'Homoncule révèle des protubérances, des tranchées, des trous et de irrégularités dans ses émissions d'hydrogène moléculaire. Les protubérances apparaissent à proximité d'une jupe de poussière que l'on peut voir au centre de la nébuleuse en lumière visible (en médaillon), mais pas mise en évidence dans cette étude, de sorte qu'elles constituent des structures différentes. Ces caractéristiques apportent les premières preuve de la forte influence - peut-être toujours actuelle - du système binaire central sur le nuage en expansion. (Image : NASA's Goddard Space Flight Center)

"Notre modèle indique que cette vaste coquille de gaz et de poussière a une origine bien plus complexe que ce qu'on pensait jusqu'à présent," annonce Thomas Madura, chercheur post-doc au NASA's Goddard Space Flight Center à Greenbelt, Maryland, et membre de l'équipe. "Pour la première fois, on a des évidences qui montrent que d'intenses interactions entre les deux étoiles ont joué un rôle déterminant pour sculpter la nébuleuse telle que nous le voyons aujourd'hui."

eta Carinae se trouve à 7'500 années-lumière dans la constellation de la Carène, visible dans l'hémisphère sud, et est l'un des système binaire les plus massifs que les astronomes peuvent étudier en détail. La plus petite des deux étoiles fait environ 30 fois la masse du Soleil et est environ un million de fois plus lumineuse. L'étoile principale fait environ 90 fois la masse du Soleil et émet 5 millions de fois son énergie. Les deux étoiles sont condamnées à terminer leur vie dans l'explosion spectaculaire d'une supernova.

Entre 1838 et 1845, eta Carinae a subi une période de variabilité inhabituelle durant laquelle elle est devenue brièvement plus lumineuse que Canopus, la deuxième étoile la plus lumineuse du ciel austral. Durant cet événement, que les astronomes ont baptisé la "Grande éruption", une coquille gazeuse contenant de 10 à 40 fois la masse du Soleil a été éjectée dans l'espace. Cette matière forme deux lobes opposés, remplis de poussière, et connu sous le nom de la nébuleuse de l'Homoncule. Ces lobes sont à présent à environ 1 année-lumière des étoiles centrales et s'éloignent à une vitesse supérieure à 2,1 millions de km/h.

Grâce au Very large telescope (VLT) de l'Observatoire européen austral (ESO) et à son spectrographe X-Shooter, un peu plus de deux nuits d'observation ont suffi à l'équipe pour obtenir des données dans l'infrarouge, le visible et l'ultraviolet, sur 92 bandes distinctes à travers la nébuleuse, créant la carte spectrale la plus complète à ce jour. Les informations sur la géométrie et les vitesses ont permis aux chercheurs de créer le premier modèle détaillé en 3D de la nébuleuse de l'Homoncule.

La forme du modèle, publiée dans le journal Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, a été développée sur la base d'une seule raie d'émission dans le proche infrarouge, émise par l'hydrogène moléculaire du gaz. L'émission à 2,12 µm se décale légèrement en longueur d'onde selon la vitesse et la direction du gaz en expansion, ce qui permet à l'équipe de sonder des zones de la nébuleuse même obscurcies par la poussière et s'éloignant de la ligne de visée de la Terre.

"La prochaine étape est de traiter l'ensemble des données avec un programme de modélisation 3D que j'ai développé en collaboration avec Nico Koning, de l'Université de Calgary au Canada. Le programme, simplement appelé 'Shape', analyse et modélise les mouvements et la structure de la nébuleuse en 3D, de sorte à pouvoir obtenir des comparaisons directes avec les observations", explique Wolfgang Steffen, astrophysicien à l'Université nationale autonome de Mexico (campus Ensenada) et chef du projet.

Le nouveau modèle pour la forme de l'Homoncule confirme plusieurs caractéristiques déjà identifiées lors d'études précédentes, y compris de profonds trous situés à chacune des extrémités des lobes, et l'absence d'émission importante d'hydrogène moléculaire provenant d'une jupe de poussière visible au centre de la nébuleuse. De nouvelles caractéristiques ont pu être découvertes, comme d'étranges protrusions en forme de bras émanant de chacun des lobes à proximité de la jupe de poussière, de vastes et profondes tranchées courant le long des lobes, ainsi que des bosses irrégulières sur la face opposées à la Terre.

"Une des questions à laquelle nous souhaitons répondre avec cette étude est de savoir si l'Homoncule montre une empreinte de la nature binaire de l'étoile au centre, car certaines tentatives d'explications pour sa forme sont parties du principe que les deux lobes étaient plus ou moins identiques et symétriques le long de leur axe", explique José Groh, membre de l'équipe et chercheur à l'Université de Genève. "Les nouvelles caractéristiques découvertes suggèrent fortement que les interactions des deux étoiles constituant eta Carinae ont contribué à sculpter l'Homoncule."

Chaque 5,5 ans, lorsque les deux étoiles sont au plus proche (au périastre), elles ne sont séparées l'une de l'autre que de la distance moyenne entre Mars et le Soleil. Les deux étoiles subissent de puissantes éjections de gaz (appelées vent stellaire), qui interagissent en permanence, mais plus dramatiquement durant le périastre, lorsque le vent le plus rapide éjecté par l'étoile la plus petite creuse un tunnel à travers le vent plus dense de son compagnon. L'angle d'ouverture de cette cavité (130°) correspond de près à la longueur des tranchées observées dans la nébuleuse, et l'angle entre les protrusions en forme de bras (110°) indique que l'Homoncule continue de porter la trace d'une interaction au périastre durant la Grande éruption.

Après avoir développé leur modèle de l'Homoncule, les chercheurs sont allés un pas plus loin, en produisant un fichier utilisable par les imprimantes 3D, et en le mettant à disposition en même temps que la publication.

"N'importe qui ayant accès à une imprimante 3D peut produire sa propre version de cet objet incroyable", annonce Theodore Gull, astrophysicien au Goddard center et co-auteur de l'article. "Si les imprimante 3D sont un outil de visualisation formidable pour toute personne intéressée par l'astronomie, je les vois surtout comme particulièrement précieuse pour les aveugles, qui vont désormais avoir la possibilité de comparer les images astronomique en relief avec une représentation scientifique précise de l'objet réel."


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Référence :

The three-dimensional structure of the Eta Carinae Homunculus, W. Steffen, M. Teodoro, T.I. Madura, J.H. Groh, T.R. Gull, A. Mehner, M.F. Corcoran, A.Damineli and K. Hamaguchi, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society , Article first published online july 7, 2014, DOI


7 septembre 2014
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