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Une planète chevelue comme une comète

Des astronomes de l’Université de Genève (UNIGE) et membres du Pôle national de recherche (PRN) PlanetS ont découvert un immense nuage d’hydrogène qui s’échappe d’une exoplanète de la taille de Neptune. Ce phénomène confère à la planète une chevelure et une queue de gaz, lui donnant l’aspect d’une comète géante. Déjà observé pour certaines très grosses et très chaudes exoplanètes, ce phénomène est perçu pour la première fois avec une telle ampleur. Le nuage pourrait fournir une explication sur la formation de certaines «super-terres» chaudes et rocheuses. Il serait aussi un indicateur pour détecter des océans extra- solaires. Enfin, il servirait à envisager l’avenir de notre atmosphère. Ces résultats paraissent dans la dernière édition de la revue Nature.

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Vue d'artiste de la planète GJ 436b

Avec une masse d’environ 23 fois celle de notre Terre, l’exoplanète GJ 436b tourne autour de son étoile en trois jours seulement et possède une atmosphère qui laisse derrière elle une gigantesque traînée d’hydrogène. «Ce nuage est très spectaculaire; c’est comme si, après avoir porté l’atmosphère de la planète à haute température, ce qui conduit à l’évaporation de l’hydrogène, le rayonnement de l’étoile était trop faible pour souffler le nuage qui s’accumule autour de la planète», commente David Ehrenreich, astrophysicien à l’UNIGE et premier auteur d’un article rendant compte de ces observations dans le dernier numéro de Nature.

Les scientifiques perçoivent en fait l’ombre du nuage, lorsque celui-ci passe devant l’étoile. Essentiellement constitué d’hydrogène, il absorbe la lumière ultra-violette émise pas l’étoile et le phénomène demeure invisible sur Terre parce que l’ultra-violet est bloqué par l’atmosphère. Il a donc fallu recourir au télescope spatial Hubble pour ces observations: «Quand on cherche dans le visible, on ne voit que l’ombre d’une planète, dont la taille équivaut à quatre fois celle de la Terre, comme Neptune. Mais si on pointe sur elle l’œil sensible à l’ultra-violet de Hubble, la planète se transforme en véritable monstre, largement plus gros que l’étoile», explique David Ehrenreich. L’évaporation est spectaculaire, mais elle ne menacerait pas l’atmosphère de GJ436b, une exoplanète qui s’est formée il y a plusieurs milliards d’années et qui n’aurait perdu que 10% de son atmosphère.

Mais l’évaporation pourrait en revanche expliquer la disparition des atmosphères observée sur des exoplanètes rocheuses, qui tournent tout près de leur étoile et sont extrêmement chaudes, les fameuses « super-terres » découvertes par les télescopes spatiaux Corot et Kepler. A l’image de GJ 436b, celles-ci pourraient avoir été des Neptunes chauds orbitant autour d’étoiles plus lumineuses qui auraient soufflé leur atmosphère, finissant par laisser à nu le cœur rocheux de la planète.

Ce type d’observations est très prometteur pour la recherche de planètes habitables car «on pourrait détecter l’hydrogène provenant de l’eau d’océans en train de s’évaporer sur des planètes terrestres légèrement plus chaudes que la Terre», comme le propose Vincent Bourrier, second auteur de ces résultats. Le phénomène pourrait encore expliquer la disparition de l’hydrogène hors de notre atmosphère, un élément qui y abondait il y a plus de 4 milliards d’années. Enfin, de telles observations pourraient permettre d’envisager le lointain futur de notre planète, lorsque, dans 3 ou 4 milliards d’années, le Soleil deviendra une géante rouge et soufflera notre atmosphère, rendant la vie impossible sur Terre. Les astrophysiciens détiennent désormais un scénario selon lequel notre planète se transformerait en comète géante et ressemblerait alors à un astre «chevelu», à l’image de GJ436b.

Voir l'article dans Nature 

25 juin 2015
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