2008

Rencontre 2008 de la Faculté des sciences

Mme Doris Leuthard


Le lundi 31 mars 2008, la Faculté organisait une conférence, en présence notamment de la Conseillère fédérale Doris Leuthard et d'autres intervenants du monde politique, économique et universitaire, sur le thème «science et économie».

Ces deux domaines ont toujours été interdépendants. Mais les pressions qui s’exercent sur la recherche, depuis quelques années, nécessitent de recentrer le débat, affirme Jean-Marc Triscone, doyen de la Faculté. Quelques questions ouvertes: faut-il aller vers une recherche plus dirigée ou au contraire renforcer la recherche fondamentale; la pression politique augmente pour une compétition accrue entre les hautes écoles suisses mais les règles du jeu seront-elles les mêmes pour tous? Quelle est la place des différents acteurs: universités, écoles polytechniques, hautes écoles spécialisées dans les domaines de la formation et de la recherche?

Une thématique qu’il est important d’aborder en ce moment, selon la Conseillère fédérale Doris Leuthard, alors que se prépare la nouvelle loi sur les universités. La volonté fédérale est d’organiser la formation et la recherche entre les écoles polytechniques, les universités et les hautes écoles spécialisées. Les universités devraient bénéficier du même soutien que les écoles polytechniques, pense le Recteur Vassalli. Il craint que les Universités fassent les «frais» de cette «harmonisation». 

Un autre souci évoqué est le choix des critères qui seront retenus dans l’élaboration possible d’un futur paysage universitaire suisse. Si la mission des hautes-écoles est recherche–formation–services, le seul critère du nombre ou du coût par étudiant ne permet pas de refléter l’excellence scientifique qui doit être au cœur du débat selon la Faculté des sciences. La qualité de recherche devrait donc également être prise en compte.

La conférence a permis de rappeler le rôle important des facultés des sciences en matière de recherche fondamentale, plaçant la Suisse dans le groupe de tête des pays en ce domaine. Une recherche qui doit rester libre de ses choix et qui ne peut se concevoir que sur le long terme, selon Nicolas Gisin, Professeur à la Faculté. Une recherche qui débouche sur des découvertes qui donnent lieu ensuite à des applications industrielles dont notre pays a grandement besoin. Mais, ainsi que l’a montré Patrick Firmenich, PDG de la firme leader mondial des parfums et des arômes Firmenich S.A., si notre pays se situe au 2ème rang en matière d’innovation, il perd de plus en plus de terrain en matière de financement de la recherche. Il n’est plus dorénavant qu’au 8ème rang pour les financements privés et publics confondus et recule fortement en matière de croissance annuelle des dépenses publiques pour la recherche. Une croissance 20 fois moins élevée que les Etats-Unis et 15 fois moins que le Japon, la Suède et l’Italie.

Les hautes écoles suisses, et en particulier l’Ecole polytechnique fédérale de Zürich et l’Université de Genève, sont très bien placées dans les rankings internationaux en matière d’excellence de la recherche. Si un effort sérieux n’est pas consenti, la formation de la relève scientifique et la qualité des équipes de recherche seront pénalisées. Ce qui ne manquerait pas d’avoir des conséquences fâcheuses pour les entreprises suisses qui ont recours aux compétences et aux savoirs des laboratoires universitaires. Déjà aujourd’hui, ont fait remarqué Patrick Firmenich et Concetta Beneduce de Bruker Biospin AG, ces entreprises ne trouvent pas en Suisse assez de jeunes diplômés pour venir travailler chez elles. Les universités, et particulièrement les filières scientifiques, ne forment pas des chômeurs, au contraire, comme l’a démontré, statistiques à l’appui, le Professeur et vice-recteur Yves Flückiger. Nous assistons à une demande de plus en plus forte de scientifiques dans notre pays. Augmenter le soutien à la recherche fondamentale et répondre à la demande des entreprises avec de jeunes scientifiques bien formés sont des enjeux cruciaux pour l’avenir économique du pays selon Patrick Firmenich.

Pour le Conseiller d’Etat Pierre-François Unger, une alliance beaucoup plus effective entre les universités, les entreprises et l’Etat, devrait exister. Des expériences prometteuses ont déjà eu lieu, d’autres projets sont à venir. Selon le responsable de l’économie du canton de Genève, la Suisse romande dispose d’un très bon potentiel d’innovation, des scientifiques de haut niveau, une main-d’œuvre qualifiée, des entreprises performantes et un capital financier. Avec de tels atouts, il serait possible de développer des synergies importantes. Pour Concetta Beneduce, si des découvertes donnent lieu à des développements industriels, ceux-ci, en retour, adressent de nouvelles demandes de recherches fondamentales aux laboratoires universitaires. Cette stimulation croisée doit aussi être favorisée. Mais le transfert des connaissances et des technologies, s’il bénéficie déjà de structures telles que UNITEC présentée par Laurent Miéville, trouve difficilement des participations financières en Suisse comme se plaint le Professeur Nicolas Gisin, qui a une longue expérience dans la création de start-up.

L’enseignement universitaire, comme l’a rappelé le Conseiller d’Etat Charles Beer, est en pleine mutation. Le rôle des cantons et de la Confédération en matière de recherche doit être précisé. Si une compétition entre les hautes écoles doit avoir lieu, il reste encore à en fixer les règles afin que les universités ne soient pas prétéritées. Pour le responsable de l’instruction publique, il faut certes encourager les transferts technologiques, mais veiller aux questions de propriété intellectuelle et de déontologie.

Ces Rencontres 2008 de la Faculté des Sciences ont montré l’interdépendance de la science, de l’économie et du politique. Les décisions qui seront prises en matière de formation et de recherche ne peuvent faire l’économie de cette approche triangulaire. Selon Jean-Marc Triscone, aux scientifiques de mieux faire connaître les sciences, d’intéresser davantage les jeunes, de s’ouvrir encore mieux aux collaborations avec les entreprises, sans tomber sous la tutelle du court terme, de participer au débat sur leur avenir, donc d’intéresser les responsables politiques aux questions importantes que génèrent les sciences au sein de notre société. En quelques mots, la responsabilité de la science dépasse sa dimension scientifique. La Faculté des sciences entend bien jouer un rôle actif à ce propos.

Voir ou revoir l'intégralité de la conférence...

Lire le discours de Mme la Conseillère fédérale Doris Leuthard... 

2 avril 2008
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