2009

Un prix d’exception pour la chimie fondamentale genevoise

Le Professeur Claude Piguet, chimiste genevois de réputation internationale, est récipiendaire ce 26 août du Prix Lecoq de Boisbaudran pour ses contributions remarquables à la chimie supramoléculaire des lanthanides. Cette prestigieuse distinction, attribuée tous les trois ans, vient renforcer la longue tradition genevoise débutée il y a 130 ans avec Jean-Charles Galissard de Marignac pour ces éléments exotiques.

Triple hélice

Jongler avec les atomes et construire d’improbables assemblages : c’est depuis une vingtaine d’années la spécialité de Claude Piguet, professeur de chimie minérale à l’Université de Genève, qui a développé toute une science robuste autour du cirque des lanthanides et de leurs combinaisons. Et c’est pour ses apports fondamentaux qu’il reçoit aujourd’hui les honneurs sous la forme du Prix Lecoq de Boisbaudran (du nom du chercheur français qui isola et caracterisa trois nouveaux elements –gallium, samarium, dysprosium– dont les deux derniers sont des lanthanides), lors de la cérémonie organisée à l’occasion de la Conférence internationale sur les éléments f à Cologne.

Vous avez dit « chimie supramoléculaire des lanthanides » ?

Les lanthanides ? Une petite famille de 15 éléments qui, avec les actinides, forment 2 lignes séparées du Tableau Périodique de Mendeleev, comme s’ils voulaient se distinguer d’un monde atomique bien conscrit. On les appelle communément les terres rares, en référence à la difficulté qu’ils montrent à se laisser isoler, ou encore les éléments f, selon l’organisation de leur cortège d’électrons.

La chimie supramoléculaire ? Un art chimique récent, introduit par le Professeur Jean-Marie Lehn (Prix Nobel de chimie en 1987), qui permet de construire de grands assemblages moléculaires possédant une architecture parfaitement ordonnée. Depuis, c’est tout un pan de la chimie minérale fondamentale, mais également des applications industrielles, qui s’est ouvert à défricher ce domaine prometteur.

Un chercheur d’exception dans un lieu prédestiné

Le Professeur Piguet s’est très tôt fait fort de combiner des lanthanides et des architectures supramoléculaires à base de carbone pour créer des hélicates complexes (hélices simples, doubles comme l’ADN, ou triples) dont les propriétés dépassent parfois tout entendement. Par exemple, certaines de ses structures ont un comportement de cristaux liquides, dont l’élucidation a permis au chercheur genevois de formaliser une théorie physico-chimique et des modèles thermodynamiques robustes qui sous-tendent les propriétés de ces étranges assemblages.

Après une brillante thèse de doctorat effectuée à Genève, Claude Piguet s’en va croiser le fer chez Jean-Marie Lehn, au faîte de sa réputation. Il revient à Genève en 1991, où il est nommé 8 ans plus tard Professeur à tête de la chaire des éléments f, qui avait été occupée depuis les années 1970 par le célèbre Christian Klixbüll Jørgensen, celui qui le premier osa par exemple combiner la chimie minérale, la physique des particules élémentaires et la cosmologie.

Aujourd’hui, Claude Piguet comptabilise plus de 150 publications, dont certaines sont parmi les plus prisées dans le landerneau de la chimie des lanthanides. En 1997 par exemple, le chercheur genevois fait paraître un imposant article qui pose la clé de voûte des concepts régissant les architectures supramoléculaires de lanthanides ; cet article sera consacré en 2007 comme l’un des articles les plus cités dans la dernière décennie, prouvant par là même que la chimie genevoise affectionne particulièrement la science fondamentale durable, hors des sentiers battus et des applications en vogue aujourd’hui.

Claude Piguet n’est pas un novice en matière de Prix. Avant le Prix Lecoq de Boisbaudran, et sans compter les 5 Prix reçus alors qu’il terminait le Collège de Genève (Prix Gillet, Rotary Club, Givaudan, Alfred Treuthard, et Mark Birkigt), il a été récompensé par la Médaille Werner (1995), puis par la Bourse Werner (1995-1998), pour souligner ses contributions majeures dans l’étude des architectures supramoléculaires à base de lanthanides.

Dresser le panégyrique du Professeur Piguet, c’est immanquablement aborder Genève et son creuset propice au développement de la chimie fondamentale des terres rares. Il faut en effet remonter à 1878 et 1880 pour se rappeler que c’est à Genève que l’ytterbium puis le gadolinium ont été découverts par Jean-Charles Galissard de Marignac.
Ce célèbre et humble savant, calviniste convaincu comme il se devait à Genève, est plus connu des scientifique pour avoir déterminé, de 1842 à 1883, les poids atomiques de 28 éléments du tableau périodique (plus du tiers des éléments alors connus), avec une minutie et une précision inégalées à l’époque. Il est enterré à Genève, au cimetière des Rois, à quelques mètres d’une autre célébrité des atomes, le chimiste anglais Humphrey Davy découvreur de 6 éléments du Tableau Périodique au début du XIXe siècle.

La boucle est bouclée

Ou presque ! De Marignac à Piguet en passant par Jørgensen, l’Académie suisse des sciences naturelle (ASSN) s’intéresse de près à Genève comme l’un des berceaux de la science des lanthanides. Dans le cadre de l’année internationale de la chimie, décrétée pour 2011 par l’ONU et l’UNESCO, l’ASSN vient de nominer le projet genevois d’inscrire au patrimoine suisse de la chimie la bâtisse dans laquelle Jean-Charles Galissard de Marignac vécut et expérimenta jusqu’à son décès. Belle reconnaissance pour la place scientifique genevoise !

Notice d'information scientifique préparée par le Dr Didier Perret

Contact :

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Professeur Claude Piguet (Tél. ++41 22 379 60 34).

26 août 2009
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