2011

Un récepteur pour détecter l’invisible

Une collaboration internationale débouche sur la découverte d’un senseur de rayons UV-B et révèle comment les plantes s’en servent pour élaborer leur «crème solaire» moléculaire

Acclimatation aux UV-B

Les rayons ultraviolets font partie intégrante de la lumière solaire et la protection contre les UV-B délétères constitue un enjeu vital pour les organismes vivants. En raison de leur sédentarité et de leur dépendance à la lumière pour la photosynthèse, les plantes ont développé des outils cellulaires pour contrer ce danger et s’adapter aux rayons UV-B. Or, les moyens mis en oeuvre par les végétaux pour détecter cette lumière invisible demeuraient inconnus. Avec ses collègues de l’Université de Freiburg (Allemagne), Roman Ulm, professeur à l’Université de Genève (UNIGE), vient d’identifier le premier récepteur d’UV-B et le rôle clé qu’il joue dans l’élaboration des défenses de la plante. Par ailleurs, étant donné sa présence ubiquitaire au sein du règne végétal, ce récepteur aurait influencé l’évolution des plantes terrestres. Les résultats de l’étude paraissent ce vendredi 1er avril 2011 dans la revue Science.

La lumière du soleil est essentielle aux plantes, car elle fournit aussi bien l’énergie pour alimenter la photosynthèse que les signaux qui coordonnent et optimisent les différents aspects de leur vie. Les végétaux ont en effet façonné diverses sortes d’«antennes» qui perçoivent des longueurs d’ondes spécifiques et les détournent à leur profit. C’est ainsi que l’énergie de certains photons est capturée par la chlorophylle en vue de produire du sucre, tandis que de nombreux photorécepteurs assurent la détection de toute une gamme de couleurs: «Les plantes sont capables de distinguer les caractéristiques, l’intensité, la durée, ainsi que la direction de la lumière. Ces paramètres régulent des processus importants, tels que la germination des graines, le phototropisme, l’évitement de l’ombre et la floraison», explique Roman Ulm, professeur au Département de botanique et biologie végétale de l’UNIGE.

Les UV-B affectent le développement des plantes

Contrairement aux photorécepteurs actifs dans la partie visible de la lumière, aucun senseur spécifique aux UV-B n’avait encore été identifié. Des physiologistes ont toutefois démontré que les UV-B sont utilisés par les plantes comme stimulus environnemental. «Les végétaux sont bien acclimatés à ce type de rayons hautement nocifs et ils produisent leur propre crème solaire moléculaire», rapporte Jean-Jacques Favory, post-doctorant à l’Université de Freiburg. Le bouclier des plantes est constitué de substances absorbant les UV, telles que des flavonoïdes, mais également d’enzymes qui réparent les dégâts causés à l’ADN durant l’exposition à la lumière.

Les UV-B influencent également la croissance et le développement des plantes. L’équipe de Roman Ulm révèle désormais comment ce rayonnement est perçu: «Le photorécepteur des UV-B est constitué de deux protéines appelées UVR8. L’absorption lumineuse provoque une séparation de ces protéines et leur interaction avec un régulateur central de signalisation de lumière présent dans la cellule. Ceci induit une cascade biochimique nécessaire à l’élaboration des réponses de survie et d’acclimatation », détaille Luca Rizzini, autre membre du groupe.

L’ozone et le senseur d’UV-B travaillent main dans la main

Les protéines UVR8 sont largement répandues à travers le règne végétal. Il est donc possible que l’évolution des plantes terrestres ait été orientée par l’acquisition des réponses induites par les UV au moyen de ce récepteur, en parallèle avec la formation de la couche d’ozone au niveau de la stratosphère. L’identification du senseur d’UV-B permettra ainsi de déterminer si son activité est influencée par les changements climatiques anticipés.

Contact

Pour obtenir de plus amples informations, n’hésitez pas à contacter le Prof. Roman Ulm (Tél. ++41 22 379 36 50).

Référence :

Perception of UV-B by the Arabidopsis UVR8 Protein, L. Rizzini, J.-J. Favory, C. Cloix, D. Faggionato, A. O’Hara, E. Kaiserli, R. Baumeister, E. Schäfer, F. Nagy, G.I. Jenkins, R. Ulm, Science, 332 (6025), 103-106 (2011). DOI

Communiqué de presse préparé par la Dr Lara Pizurki

8 avril 2011
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