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Percer les nuages pour mieux communiquer

Nous vivons à l’ère de l’information à grande distance, que ce soit par fibres optiques souterraines ou par radiofréquences depuis des satellites. Mais le débit est aujourd’hui tel que la radiofréquence ne suffit plus. Les recherches se tournent alors vers le laser qui, bien que techniquement complexe, présente de nombreux avantages, notamment sécuritaires. Cette nouvelle technologie, en phase de test actuellement, se heurte toutefois à un problème de taille : les nuages. De par leur densité, ils stoppent les rayons lasers et brouillent le transfert d’informations. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) ont mis au point un laser ultra chaud qui parvient à créer un trou temporaire dans le nuage, permettant le passage du rayon laser contenant les informations. Une première à lire dans la revue Optica.

Bien que performante, la communication satellite par radiofréquences ne parvient plus à suivre la demande d’informations qui circulent chaque jour. Ses longueurs d’ondes, longues, limitent la quantité d’informations transmises, les bandes de fréquences disponibles se font rares et coûtent de plus en plus cher et la facilité avec laquelle on peut capter les radiofréquences pose des problèmes toujours plus aigus de sécurité. C’est pourquoi la recherche se tourne vers le laser. «Cette nouvelle technologie est pleine de promesses, relève Jean-Pierre Wolf, professeur à la Section de physique de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Ses longueurs d’ondes très courtes permettent de transporter 10’000 fois plus d’informations que la radiofréquence, il n’y a pas de limites de canaux et le laser permet de ne cibler qu’une seule personne, permettant une communication hautement sécurisée.»

Problème : ces rayons lasers ne parviennent pas à traverser les nuages et le brouillard. En cas de mauvais temps, il est donc impossible de transmettre une information par ce biais.


Un laser perceur de nuages

Pour contrer cette difficulté, la recherche actuelle multiplie la construction de stations au sol capables de recevoir ces signaux lasers en divers endroits du monde. L’idée est de choisir la station visée par le satellite en fonction de la météorologie. Bien qu’opérationnelle, cette solution reste tributaire des conditions météorologiques et pose certains problèmes de réglages du satellite qui doivent être traités en amont de la communication, sans être certain qu’il n’y aura aucun nuage au moment choisi.

«Nous voulons contourner ce problème en perçant un trou directement à travers les nuages, afin de permettre le passage du rayon laser», explique Jean-Pierre Wolf. Pour ce faire, son équipe a mis au point un laser chauffant à plus de 1500 degrés Celsius et qui, à l’aide d’une onde de choc, expulse latéralement les gouttelettes d’eau en suspension qui constituent le nuage, créant un trou de quelques centimètres sur toute son épaisseur. C’est d’ailleurs la découverte de ces lasers ultrapuissants qui vient d’être récompensée par le Nobel de Physique 2018. «Il suffit ensuite de maintenir ce rayon laser sur le nuage et d’envoyer conjointement le laser qui contient les informations, s’enthousiasme Guillaume Schimmel, chercheur dans l’équipe de Jean-Pierre Wolf. Ainsi, il se glisse dans le trou à travers le nuage et permet le transfert des données.»


Une technologie au point d’ici 2025 ?

Actuellement testé sur des nuages artificiels de 50cm d’épaisseur mais contenant 10’000 fois plus d’eau par cm3 qu’un nuage naturel, ce «laser-nettoyeur» fonctionne même si le nuage est en mouvement. «Nos expériences permettent de tester une opacité semblable aux nuages naturels. Il s’agit à présent de le faire sur des nuages plus épais, pouvant atteindre un kilomètre», souligne Jean-Pierre Wolf. «Il s’agit aussi de tester différentes sortes de nuages, qu’il s’agisse de leur densité ou de leur altitude», continue Guillaume Schimmel. 

Cette nouvelle technologie est un pas important vers l’utilisation commerciale de la communication laser par satellite. «On parle d’une possible mise en place globale d’ici 2025, notre idée est d’être prêts en même temps et de permettre à des pays réputés nuageux de disposer de cette technologie !» conclut Jean-Pierre Wolf.

Contact

Jean-Pierre Wolf 
Professeur ordinaire à la Section de physique
Faculté des sciences

+41 22 379 05 03
Jean-Pierre.Wolf(at)unige.ch

18 octobre 2018
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