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Une famille de transitions de phase électroniques à température finie dans des multicouches de graphène

La découverte du graphène - une feuille d'atomes de carbone cristalline unique - représente une véritable avancée, car elle illustre non seulement l'incroyable capacité de contrôle du matériau, mais elle a également permis l'observation d'une multitude de phénomènes physiques fascinants. Dès les premiers jours, il a été reconnu que des couches de graphène de différentes épaisseurs représentent des systèmes physiques dotés de propriétés physiques distinctes. Les bicouches de graphène, par exemple, se comportent très différemment des monocouches individuelles et sont elles-mêmes au centre de recherches très intenses. En ce qui concerne les couches plus épaisses (par exemple tri, tétra, penta-couches, etc.), il a toujours été supposé que leurs propriétés s'approcheraient très rapidement de celles du graphite, le matériau à partir duquel le graphène est exfolié. Pour cette raison, seul un nombre limité de travaux expérimentaux a été consacré à ces systèmes au fil des ans.

 

Les travaux réalisés dans le groupe du Professeur Morpurgo à l'Université de Genève démontrent à présent que cette hypothèse est incorrecte et que de nouvelles données physiques intéressantes sont également en jeu dans le graphène multicouche d'une épaisseur inattendue. Dans une publication récemment parue dans Science, YoungWoo Nam, DongKeun Ki, David Soler Delgado et Alberto Morpurgo ont démontré que les propriétés des multicouches ultra-propres - jusqu’à ’hepta-couches - de graphène s'écartent de plus en plus de celles du graphite à mesure que leur épaisseur augmente.

 

En particulier, les multicouches constituées d'un empilement d'un nombre pair de monocouches présentent une transition vers un état isolant en dessous d’une température critique, qui augmente lorsque son épaisseur ainsi que l'écart entre la bande de conduction et la bande de valence (cet écart est appelé gap) augmentent. Pour les multicouches constituées d'un empilement d'un nombre impair de monocouches individuelles, la même transition se produit, mais dans ce cas, une bande à dispersion linéaire de fermions de Dirac demeure sans gap et les systèmes continuent à conduire l'électricité. Ces phénomènes sont le résultat des interactions entre électrons dont - dans la plupart des cas - on pensait qu’ils jouaient un rôle peu important dans les systèmes de graphène.

 

En plus de démontrer que dans les multicouches de graphène, les électrons sont fortement corrélés en raison des processus d'interaction, ces résultats posent une question importante sur la façon dont les propriétés du graphène évoluent vers celles du graphite à mesure que l'épaisseur augmente. Après avoir récusé la croyance que les aspects fondamentaux du comportement du graphite sont déjà recouvrés dans le graphène tri ou tétra-couches, il reste une question sans réponse : sur quelle échelle de longueur le graphène multicouches présentera-t-il un comportement graphite ? Les travaux actuels indiquent que de très grands écarts peuvent persister jusqu'à 30-40 couches, au-delà desquelles un nouveau régime devrait s'appliquer. Il reste à savoir si ce régime correspondrait à celui du comportement du graphite, ou si pour cela des épaisseurs encore plus importantes sont nécessaires.

 

Ces travaux sont publiés dans Science

Contacts : Alberto MorpurgoDavid Soler Delgado

13 décembre 2018
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