2003

Un saut de puce pour rendre les moteurs de recherche plus intelligents

Un objet mal classé est un objet perdu. Ce dicton, cher aux bibliothécaires, s'applique très bien à l'ensemble des contenus multimédia. Pour étiqueter et classer ces contenus, les informaticiens, s'inspirant des modèles mis au point par les documentalistes, ont créé des bases de données couplées à des moteurs de recherche: les objets sont associés à des catégories ou à des mots-clés, grâce auxquels il est possible de les identifier. Ces outils sont toutefois limités. Un objet ne peut être retrouvé que si l'on a introduit, dans le moteur de recherche, l'intitulé exact auquel il est associé dans la base de données. Une limitation d'autant plus problématique lorsque l'on a affaire à des images qui, contrairement aux expressions linguistiques, n'ont pas de structure reconnaissable par un ordinateur.

Assistant au Département d'informatique de l'Université, Carlo Jelmini s'est attaqué à ce problème et a mis au point un modèle d'annotation d'images susceptible de décupler la puissance des outils de recherche tels qu'ils existent aujourd'hui. Un travail de diplôme qui lui a valu de recevoir, le 20 mai dernier, le Prix Arditi en informatique. Associé au Viper Group, dirigé par Stéphane Marchand-Maillet, maître d'enseignement et de recherche, ce travail s'inscrit dans le cadre de recherches visant à appliquer l'intelligence artificielle au domaine du multimédia.

Carlo Jelmini: mécanicien converti à l'informatique

  © Emir Bisevac

L'obtention d'un Prix Arditi est déjà en soi une jolie récompense dans la carrière d'un étudiant. Dans le cas de Carlo Jelmini, c'est d'autant plus remarquable et méritoire qu'il y a encore 5 ans rien ne semblait le prédestiner aux honneurs du monde académique. Après une formation de mécanicien-électricien à l'Ecole des arts et métiers dans le Tessin, son canton d'origine, il émigre à Genève en 1991. Abandonnant la technique pour le travail social, il obtient un diplôme de l'Institut d'études sociales, mettant sur pied un système d'échange local (SEL) à Onex, le premier en Suisse, et publie un ouvrage sur cette question. Il est ensuite engagé par un centre d'hébergement d'urgence. Une activité qui l'occupera pendant 4 ans. C'est finalement en 1998, à l'âge de 28 ans, qu'il entre à l'Université, bénéficiant de la "filière sans maturité". En fait de maturité, Carlo Jelmini peut faire valoir une solide expérience du monde du travail qui, dans ses moments de doutes, lui sera d'un certain secours: "Contrairement à d'autres étudiants, je savais exactement pourquoi j'étais là. C'était le résultat d'un choix mûrement réfléchi et cela m'a évité de nourrir des regrets et d'idéaliser le monde du travail".

Ce qui l'a attiré dans l'informatique? "J'ai toujours aimé travailler en vue d'applications concrètes. Or l'informatique réduit la distance entre l'idée et sa concrétisation" Quant à combiner travail social et informatique, Carlo Jelmini reste circonspect: "il existe des réseaux civiques indépendants grâce auxquels des gens habitant un même quartier peuvent communiquer avec un aspect convivial, mais cela reste limité. L'informatique peut être utilisée pour ouvrir les esprits et faire circuler des contenus utiles au niveau social. Mais il ne faut jamais oublier que, à l'instar d'autres technologies, elle peut être employée dans des buts répressifs. Je dirais donc que l'informatique doit s'accompagner d'une bonne dose de vigilance sociale, surtout à l'heure où, suite au 11 septembre, les gouvernements sont tentés de mettre en place des politique sécuritaires qui mettent en danger les libertés fondamentales."

2 juin 2003
  2003