2003

E-learning: un nouvel environnement pédagogique pour l'UniGe

Vous voulez susciter l'enthousiasme chez Nadia Thalmann? Parlez-lui d'e-learning. La vice-rectrice ne tarira pas sur le potentiel de l'Université de Genève dans ce domaine en plein développement. Depuis la rentrée d'octobre, d'ailleurs, le rectorat multiplie les initiatives. Le Centre de compétences et de production en e-learning (CeL), en gestation depuis plusieurs mois, a finalement vu le jour. Début novembre, les enseignants de l'UniGe impliqués dans le e-learning ont été invités à présenter leurs réalisations, lors d'une séance qui a permis de confirmer la richesse des expériences menées à l'Université. Enfin, la vice-rectrice annonce son intention de transformer l'actuelle Commission de l'audiovisuel en une instance chargée de définir une stratégie pour le développement de ce secteur à l'Université de Genève. Cette nouvelle commission serait composée de professeurs et de personnes extérieures à l'institution.

Loin d'être un engouement passager, cette débauche d'énergie en faveur de l'enseignement en ligne correspond, selon Nadia Thalmann, à une évolution en profondeur de l'approche pédagogique et du mode de fonctionnement des universités.

"Les jeunes, je parle de ceux aujourd'hui âgés d'une dizaine d'années, vivent dans un environnement visuel modelé par le multimédia. Pour pouvoir les atteindre, nous devrons tenir compte de cette donnée. C'est pourquoi je suis persuadée que l'apprentissage des savoirs va sa faire de plus en plus sur un mode ludique, par le biais du multimédia", observe Nadia Thalmann.

D'aucuns mettront en doute la validité d'une telle approche, craignant de voir la pédagogie se "gadgétiser". Mais la vice-rectrice est bien décidée à tordre le cou aux idées reçues: "Il y a beaucoup de malentendus à ce propos. On pense que l'ordinateur va remplacer l'enseignant. Mais c'est faux. Tous les profs qui ont tenté l'exercice vous le diront, cela demande encore plus d'engagement. On entend dire aussi que cela rend les étudiants plus individualistes, alors qu'ils sont, au contraire, encouragés à travailler en groupe."

Nadia Thalmann voit également dans le développement du e-learning une occasion en or d'augmenter la visibilité de l'Université de Genève sur le plan international. "Comme l'a montré la séance organisée début novembre, nous avons dans cette maison une foule de compétences, et il est encore assez tôt pour que l'UniGe occupe un leadership dans ce domaine. Nous pourrions créer des modèles, qui prendront ensuite valeur de standards", envisage la vice-rectrice.

Faisant écho à cet enthousiasme, Jacques Weber, doyen de la Faculté des sciences, estime que la création d'un pôle de compétence en e-learning permettrait à l'UniGe de renforcer son attractivité pour attirer les meilleurs étudiants.

Les enseignants intéressés au e-learning peuvent d'ores et déjà s'adresser au CeL. Le Campus virtuel suisse offre des possibilités de financement. Mais, précise Nadia Thalmann, il existe d'autres pistes à explorer, notamment au niveau européen.

La relation entre enseignant et étudiant renforcée
La technologie du e-learning n'est pas l'apanage des scientifiques. La réunion organisée début novembre par le rectorat a montré que des enseignants issus de tous les secteurs s'y intéressent. Y compris à la Faculté des lettres, où depuis le printemps 2002 des cours de linguistique en ligne, en pragmatique et depuis cette année en sémantique, ont été mis en place, en collaboration avec le Campus virtuel suisse. Après une année d'expérience, Jacques Moeschler, professeur titulaire au département de linguistique et chargé de piloter le projet, a rédigé un rapport fournissant des éléments intéressants pour évaluer l'impact du e-learning auprès des enseignants et des étudiants.

Premier constat, qui contredit les idées reçues: plus l'encadrement était élevé, plus les étudiants ont fait bon usage du cours en ligne. Trois groupes d'étudiants avaient été définis, avec des degrés d'encadrement variables. Il s'est avéré que le premier groupe, réuni à intervalles fixes dans une salle équipée d'ordinateurs, en présence de l'enseignant, et avec reddition d'exercices chaque semaine, est celui qui a le plus utilisé les ressources électroniques, tandis que le troisième groupe, laissé en roue-libre, s'est vraisemblablement contenté d'imprimer tout ou partie du cours en ligne quelques jours avant le test d'évaluation.

Le rôle de l'enseignant reste donc primordial, quand bien même il est modifié. Tout l'aspect contextuel, l'introduction et les connaissances générales sont placées sur le site, avec pour avantage l'absence de limites physiques à la quantité de matériel mis à disposition. Cela permet à l'enseignant de se concentrer davantage, durant les séances présentielles, sur les aspects techniques et les questions posées, parfois à l'avance via e-mail, par les étudiants. La relation enseignant-étudiant en ressort renforcée et enrichie.

"Le fait de devoir organiser à l'avance toute l'architecture du cours incite l'enseignant à mieux circonscrire des objectifs pédagogiques", remarque par ailleurs Jacques Moeschler. Corollaire: les exigences deviennent également plus précises et élevées lors des évaluations. Un aspect certainement positif, à ceci près que les écarts entre bons étudiants et étudiants en difficulté ont tendance à s'accentuer. D'où la nécessité, selon Jacques Moeschler, de renforcer l'encadrement.

Les étudiants semblent toutefois s'être adapté à cette nouvelle donne, puisqu'en moyenne ils travaillent davantage dans le cadre d'un tel dispositif que dans un cadre traditionnel, relève le rapport. Pour chaque heure passée devant l'écran, les étudiants en ont, en moyenne, consacré trois à étudier la matière.

Enfin, cette expérience a permis de confirmer que l'utilisation de l'ordinateur ne crée pas de "bulles individuelles". "Lors des séances de travail dans les salles avec ordinateurs, des groupes se sont formés spontanément, les étudiants les plus à l'aise prenant en charge les plus lents", observe Jacques Moeschler.

 

Jacques Erard
Université de Genève
Presse Information Publications
Décembre 2003

9 décembre 2003
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