2004

20 ans de la Fondation Archives Institut Jean-Jacques Rousseau

L'éducation genevoise face à son passé

Des traces du passé, que faut-il conserver? A qui revient-il d'en décider? Et que faire de ce que l'on conserve? Tout le monde s'est un jour posé ces questions à titre personnel. Vendredi 3 décembre 2004, Genève accueille une Rencontre internationale et interdisciplinaire pour en débattre dans le cadre des manifestations marquant les 20 ans de la Fondation Archives Institut Jean-Jacques Rousseau (AIJJR). Née en 1984, celle-ci a pour but de sauvegarder et de mettre en valeur la mémoire de l'Institut Rousseau fondé en 1912 par Edouard Claparède, et devenu, en 1974, la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève. Deux expositions figurent également au programme de ce vingtième anniversaire.

Ce n'est qu'un heureux concours de circonstances qui a permis de sauver de la destruction certains des documents ayant appartenu à Edouard Claparède - ainsi que diverses archives de l'Institut Rousseau - jetés pêle-mêle dans des bennes lors du déménagement de l'Ecole de psychologie et des sciences de l'éducation du Palais Wilson à Uni Dufour. L'incident a, par lui-même, valeur historique. Il indique à quel point la mémoire est fragile et dépend de notre rapport au passé. Si l'on est peut-être davantage conscient aujourd'hui de l'importance de préserver de telles traces, et outillé pour le faire, on se trouve parfois désemparé face à la multiplication des documents et des supports sur lesquels ils existent. Que faut-il garder?

Valoriser la mémoire
Sauver et valoriser la mémoire de l'Institut Jean-Jacques Rousseau, tel était donc l'objectif des professeurs Mireille Cifali et Daniel Hameline lorsqu'ils créaient, en 1984, la Fondation Archives Institut Jean-Jacques Rousseau. Si aujourd'hui les responsables de la Fondation tiennent à marquer cet anniversaire, c'est qu'ils veulent souligner l'intérêt patrimonial de ces archives et leur valeur pour la construction de l'histoire de l'éducation et des sciences de l'éducation à Genève. C'est aussi qu'ils souhaitent enrichir les AIJJR de nouveaux "trésors", banals ou non, qui dorment peut-être encore dans les greniers d'anciens étudiants ou enseignants en sciences de l'éducation ou en psychologie. La manifestation est donc aussi une forme d'appel au public.

La Rencontre du 3 décembre est complétée par deux expositions, l'une à l'Espace Ami Lullin de la Bibliothèque publique et universitaire, l'autre au 4e étage d'Uni Mail.

Que faut-il conserver?
Concrètement, la Fondation conserve à Uni Mail, où se trouve la salle de consultation des AIJJR, ainsi qu'au Dépôt central des bibliothèques au quai du Seujet, de nombreux fonds d'archives ou des bibliothèques ayant appartenu aux fondateurs de l'Institut Rousseau, aux professeurs et aux assistants qui ont contribué à faire de Genève une ville de grande renommée pédagogique. Les AIJJR possèdent ainsi des documents relatifs à l'Institut, de même qu'à ses figures connues ou moins connues: Claparède bien sûr, mais aussi Pierre Bovet, Adolphe Ferrière, Charles Baudouin ou encore Marc Lambercier et Alice Descœudres. On y trouve notamment de la correspondance, des manuscrits, des photographies, des revues, jusqu'aux chapeaux et lunettes des illustres pédagogues. Elles conservent aussi des documents relatifs à la Maison des Petits, l'Ecole d'application de l'Institut Rousseau, ainsi qu'à différentes autres "écoles actives" d'hier et d'aujourd'hui.

Que faut-il conserver? Qu'en est-il, par exemple, des travaux d'étudiants, jusqu'ici peu archivés? Pour Charles Magnin, président de la Fondation Archives Institut J.-J. Rousseau et organisateur de la manifestation avec Martine Ruchat, également enseignante à la FPSE, "la question de l'archivage est fondamentale en raison de ses incidences sur l'écriture possible de l'histoire, de même que sur la nature et la texture de la mémoire dans laquelle la collectivité peut se réfléchir".

Conserver pour quoi faire?
Une question se pose dès lors avec acuité: quelles sont les responsabilités des institutions et des individus dans cette conservation? Les institutions sont-elles seules responsables de ce travail de mémoire? Ne faudrait-il pas encourager les non-historiens, simples citoyens, à y participer? Les archives ont une valeur du point de vue de la recherche, mais elles ont aussi une forte charge affective. L'archive privée, le billet gardé par-devers soi, la photo, l'objet tellement usité, la trace oubliée de soi, diffèrent à cet égard de la trace obligatoirement conservée, également instructive bien sûr, mais sur d'autres plans. Dans l'un et l'autre cas, la question demeure du droit à l'oubli comme pendant du devoir de mémoire.

Enfin, comment mettre en valeur ce que l'on conserve? Les expositions apportent un élément de réponse à cette question, mais, à l'avenir, il s'agira aussi d'élargir et de faciliter la prise de connaissance directe de ressources documentaires conservées aux AIJJR. "Ces dernières années, nous avons commencé à passer de l'âge de l'archivage orienté essentiellement sur le chercheur à celui d'une documentation ouverte potentiellement à tous, via le web. L'un des prochains défis des AIJJR sera de réussir intelligemment cette transition", conclut Martine Ruchat.


Rencontre internationale et interdisciplinaire
3 décembre 2004, Uni Mail
> Programme détaillé

Attention: la conférence d'Arlette Farge, programmée jeudi 2 décembre à 20h30 est annulée.

> Expositions, "Une mémoire de l'éducation à Genève" et "Le Don de l'archive, les présents du passé"

> Le site de la Fondation Archives Institut Jean-Jacques Rousseau

Jacques Erard
Université de Genève
Presse Information Publications
Novembre 2004

25 novembre 2004
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