2004

Quand la qualité d'une université se mesure

L'Université de Genève sous la loupe des experts! Ces jours derniers, les structures qui permettent d'évaluer la qualité de la recherche et de l'enseignement à l'UniGe ont été passées au peigne fin. Une farce pour certains, un espoir pour d'autres. Entre craintes et enthousiasme : explications.

Loin de faire peur à Peter Suter, vice-recteur chargé de la recherche, l'évaluation de la qualité de la recherche et de l'enseignement est une chance. " Présenter la qualité de manière objective et transparente n'est pas chose aisée. Nous n'en avons pas encore l'habitude en Suisse, mais l'on s'en préoccupe depuis toujours. D'importantes améliorations peuvent être ainsi apportées." A l'UniGe, l'expérience est déjà menée depuis longtemps et a amené certains résultats. Par exemple, l'ensemble des cours de la Faculté de médecine sont évalués par les étudiants et par les membres de la Commission de l'enseignement de la Faculté. " Moi même, en tant qu'enseignant, j'ai dû améliorer l'interactivité avec mes étudiants et faire un effort particulier pour obtenir de meilleurs résultats aux évaluations " avoue Peter Suter.

Ce sont maintenant au tour des systèmes internes de qualité des institutions d'être évalués par des experts externes. C'est sous l'impulsion de Charles Kleiber que l'OAQ, Organe d'accréditation et d'assurance qualité des hautes écoles suisses, a été créé en 2001. Après une première période, pendant laquelle la définition des standards de qualité et la création d'outils de travail ont été réalisées, voici venu le temps des évaluations. Une opportunité selon Peter Suter: "Si nous voulons savoir si nos méthodes sont correctes, nous nous devons de les comparer avec celles d'autres universités." Chaque haute école suisse a ainsi fourni une autoévaluation au mois de novembre. Actuellement, un audit est réalisé dans toutes les universités par des experts indépendants. D'ici un mois, ces derniers fourniront un rapport qui indiquera si les systèmes d'évaluation mis en place dans chacune des universités répondent aux standards internationaux de l'OAQ. A l'UniGe, c'est le Secteur Formation & Evaluation qui, sous la houlette de Nicole Rege Colet, a pour mission de développer ces programmes d'évaluation de la qualité de l'enseignement, et cela depuis 1998. "L'Université doit se soumettre à des évaluations et à des critiques externes. C'est important pour l'amélioration constante de son enseignement et le développement judicieux des domaines de recherche", rajoute Peter Suter.

Beaucoup moins d'enthousiasme est exprimé du côté de la CUAE, la Conférence Universitaire des Associations d'Etudiant-e-s. On y montre même une désapprobation générale. Frédéric Deshusses, membre du comité, explique: "Selon l'OAQ, l'évaluation peut permettre des améliorations, en particulier l'élimination de la lourdeur des structures, alors qu'au final, l'OAQ n'est qu'une instance bureaucratique supplémentaire."

Frédéric Deshusses rajoute: "Des améliorations pourraient être amenées en favorisant le dialogue interne, avec des moyens bien moins coûteux, par exemple en nommant des étudiants dans les commissions de nominations des professeurs". Ainsi, la CUAE rejette de manière très claire l'OAQ et ses méthodes d'évaluation. "Si seulement ça ne servait qu'à rien. Mais en plus c'est nuisible, car cela met en doute les capacités des voies démocratiques existantes, comme le Conseil de l'Université, les conseils de facultés, à assurer un contrôle."

L'aide accordée aux universités par la Confédération reste un souci majeur pour la CUAE. "On se dirige nettement vers un lien évaluation - subvention. A terme, les deniers publics ne seront accordés qu'aux institutions dûment accréditées par l'OAQ, ce qui va renforcer la tendance à l'apparition de filières de formation financées par le privé". Du côté du Rectorat, les craintes sont plutôt minimes: "Le seul risque, c'est que les conclusions de cette évaluation ne puissent pas être toutes mises en pratique", affirme Peter Suter. La menace de se voir couper les vivres par Berne n'est même pas envisagée. "Une évaluation qui ne répondrait pas aux standards de qualité conduira forcément à un changement. C'est le but recherché."

Alexandra Mossiere
Université de Genève
Presse Information Publications
Janvier 2004

15 janvier 2004
  2004