2004

Quelle politique linguistique pour les Universités en Europe?

L'UNIL et l'EPFL ont organisé le 19 novembre dernier une table ronde qui marquera la mise sur pied à Lausanne de l'une des premières Commissions de politique linguistique universitaire en Europe. L'événement a permis aux linguistes d'interpeller des autorités et des scientifiques des deux hautes écoles lausannoises sur des sujets tels que l'effet des langues sur la constitution de la connaissance scientifique, sur la mobilité des étudiants et chercheurs ou sur l' "employabilité" des futurs diplômés à l'échelle européenne. A l'heure où l'Europe met en oeuvre le processus de Bologne, il semble normal que les Hautes écoles de la Suisse multilingue soient parmi les premières à remettre en cause une formation qui se contenterait de l'anglais pour prétendre à une portée internationale.

L'initiative visait notamment à situer le débat des langues de manière moins extrême que ceux qui préconisent le "tout anglais" véhiculaire ou au contraire le "tout français" identitaire: la valeur ajoutée du plurilinguisme est considérée comme un acquis dans le domaine culturel et social, mais il reste encore une réflexion importante à mener pour qu'elle soit considérée comme telle dans le domaine scientifique.

Comme l'explique Mme Anne Claude Berthoud, professeure de linguistique à l'UNIL et vice-présidente du Conseil Européen pour les langues à Bruxelles: "l'objectif est de définir les responsabilités des universités dans la promotion de la diversité linguistique et culturelle de l'Europe et dans la construction du citoyen européen plurilingue et pluriculturel de demain. Cette initiative est également une façon de développer encore l'approche pluridisciplinaire, puisqu'elle cherche à combiner les langues avec les autres domaines scientifiques, au sens où ces dernières jouent à la fois le rôle d'outil dans la construction et la transmission des connaissances".

Cette initiative est une opportunité à ne pas manquer pour les Hautes écoles suisses de se profiler parmi les universités européennes, sur la base de l'expérience nationale en matière d'échanges inter-linguistiques et culturels. C'est ainsi que la nouvelle Commission de politique linguistique lausannoise réunira un représentant de chacune des 7 facultés de l'UNIL, de l'EPFL et du Département cantonal de la formation et de la jeunesse (DFJ).

Mobilité = 1+2
Le modèle préconisé par les travaux du Conseil européen pour les langues est la formule 1+2, soit la langue maternelle plus l'anglais véhiculaire et une autre langue européenne de proximité (ou plusieurs!). En effet, l'anglais véhiculaire permet certes à tout scientifique d'évoluer sans peine à travers les campus universitaires de la planète … mais au risque de se trouver confiné dans son campus et incapable de communiquer avec un entourage quotidien direct. Le résultat pourrait être à terme que la science soit de plus en plus déconnectée de la réalité culturelle et sociale.
Un vélo se déplace d'un point A à un point B…

Une expérience menée récemment en Allemagne a montré qu'un observateur anglophone ou germanophone ne décrivaient pas de la même manière la séquence filmée du déplacement d'un cycliste: la description du premier se concentrait sur le mouvement en cours de déplacement, celle du second sur le lieu visé par ce mouvement. Autrement dit, la construction du discours scientifique, propre à chaque culture linguistique, a un effet manifeste sur les objets de connaissance. Négocier les mots d'une langue à l'autre, soumettre l'objet scientifique au doute de la traduction apparaissent dès lors comme des gages contre la superficialité conceptuelle.

Service de presse Université de Lausanne
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Janvier 2004
15 janvier 2004
  2004