2005

La théologie: approche scientifique et recherche du sens

C'est la plus ancienne des facultés de l'Université. Ancienne (bientôt 450 ans!), mais le regard tourné vers l'avenir. Jugez plutôt: à l'heure de la rentrée académique, la Faculté de théologie renouvelle la moitié de son corps professoral, entame tambour battant sa première volée de Maîtrises dans le cadre de la réforme de Bologne, tout en consolidant sa position pionnière en enseignement à distance, étant la seule faculté de l'UNIGE à proposer un cursus de Baccalauréat entièrement réalisable par écran interposé.

Doyen depuis juillet 2005, François Dermange replace ces changements dans leur contexte: "Le renouvellement du corps professoral s'explique partiellement par un concours de circonstances, le départ à la retraite de plusieurs professeurs. Mais il résulte aussi de la volonté de repositionner la Faculté dans la cadre de la Fédération romande. Nous avons ainsi engagé des enseignants à même de renforcer nos domaines de spécialisation et d'ouvrir de nouveaux horizons pour nos étudiants".

Le pôle le plus important du monde francophone
Rappelons qu'une convention, signée en 2004 par les Universités de Genève, Lausanne et Neuchâtel, a institué une Fédération des facultés de théologie des trois établissements. Objectif: conjuguer les ressources pour mettre en place le pôle de théologie protestante le plus important du monde francophone.

Chaque université occupe désormais un ou plusieurs domaines de spécialisation, les étudiants se voyant offrir des enseignements répartis sur les trois sites. Pour Genève, ont été retenus, d'une part, l'histoire du christianisme et, d'autre part, l’éthique et la théologie systématique, c’est-à-dire la recherche d'une "intelligence de la foi" dans notre monde moderne, comme le précise Andreas Dettwiler, vice-doyen. C’est dans ce cadre que la Faculté a ouvert une nouvelle chaire en œcuménisme et théologie des religions.

"Pas d'examens de foi chez nous!"
La mission de la Faculté de théologie est double: vis-à-vis de l’Eglise, avoir une exigence critique qui confronte le discours chrétien aux interrogations de la science et du monde moderne, et vis-à-vis du monde profane – et du reste de l’Université – rappeler que la science n’épuise pas les questions de sens de l’existence humaine. Rien d’étonnant alors qu’on trouve parmi les étudiants à la Faculté de théologie (une centaine au total) à la fois des croyants qui cherchent à clarifier leur foi et des non-croyants qui sont là pour essayer de comprendre le phénomène religieux. "Chacun de ces deux publics est important pour l’autre par ses questions" observe François Dermange, "c'est un élément important pour favoriser la discussion critique que d'avoir des publics de différents horizons et, même pour les enseignants, le pluralisme des approches est gage d’ouverture et d’enrichissement".

L'exercice du pastorat reste certes un des principaux débouchés professionnels pour les licenciés en théologie. Actuellement, les Eglises protestantes peinent à embaucher, faute d’argent plus que de manque de vocations, comme c’est le cas dans l’Eglise catholique, mais la situation devrait s'améliorer ces prochaines années, puisqu'on prévoit pas mal de départs à la retraite. A noter aussi que la notoriété de Genève à travers le monde en tant que berceau de la Réforme attire les étudiants bien au-delà des frontières suisses. Le premier algérien à devenir pasteur en Algérie vient ainsi d'achever ses études dans la ville du bout du lac.

Formation généraliste
Cela dit, les études de théologie ouvrent de nombreuses portes autres que le pastorat. "Grâce à notre formation, humaniste et généraliste, nos licenciés peuvent exercer par la suite toutes sortes de professions, du journalisme au travail social en passant par les ressources humaines", indique François Dermange.

Cette propension à dépasser les questions purement analytiques offre aujourd'hui une certaine visibilité aux théologiens. Ceux-ci sont de plus en plus sollicités, dans les médias ou dans le cadre de commissions, pour intervenir sur des questions sociales ou éthiques. Cette ouverture s'incarne à travers les collaborations qui se développent avec d'autres facultés ou instituts. On ne demande pas aux théologiens de dire la vérité comme un magicien qui sortirait un lapin de son chapeau, mais de poser les bonnes questions et d’aider à y répondre par les bonnes méthodes.

Un seul regret exprimé par François Dermange: l'absence de femmes parmi le corps professoral. "Ce n'est pas faute d'avoir cherché, mais nous n'avons trouvé personne et c'est un manque", regrette le doyen. "On s’arrache les quelques femmes professeures en Europe et le défi est maintenant de former des théologiennes qui puissent ensuite assurer la relève".

Parmi les nouveaux professeurs engagés cette année, Shafique Keshavjee résume à lui tout seul l'esprit d'ouverture qui caractérise la Faculté de théologie. Originaire d'Inde et né au Kenya, cet ancien pasteur de l'Eglise réformée du canton de Vaud a vécu en Angleterre, avant de s'établir en Suisse, où il a effectué des études en sciences sociales et politiques, et en théologie, couronnées par une thèse sur Mircea Eliade. Il a été, par la suite, chargé de cours pendant 4 ans à l'EPFL. A Genève, il enseignera la théologie des religions, un domaine qui traite de la pluralité des religions et des questions que soulève cette pluralité pour la foi protestante. A cet égard, Shafique Keshavjee s'intéresse à tous les phénomènes interreligieux, ainsi qu'aux liens entre religion et société, les articulations entre spiritualités, éthique et mondialisation, par exemple, ou encore les origines religieuses du conflit israélo-arabe.
17 octobre 2005
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