2005

Pôles de recherche nationaux: le projet Affective Sciences

Révolution affective à l'Université de Genève

Le Conseiller fédéral Pascal Couchepin, en compagnie du Secrétaire d'Etat Charles Kleiber, a annoncé, mardi 22 mars à Berne, l'attribution des Pôles de recherche nationaux en sciences humaines et sociales. A cette occasion, le projet Affective Sciences, mené par le prof. Klaus Scherer de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l'Université de Genève, s'est vu officiellement attribué le seul PRN de Suisse romande. Cet ambitieux projet a pour objectif de créer le premier centre national de recherche au monde dédié à l'étude interdisciplinaire des émotions et de leurs effets sur le comportement humain et la société.

Une approche innovante pour les sciences sociales en Suisse
La "révolution affective" qui est actuellement à l'oeuvre dans plusieurs disciplines scientifiques a souligné les voies par lesquelles les affects et les émotions façonnent le comportement et la prise de décision, contrecarrant ainsi une focalisation souvent exclusive sur les inférences et les choix logiques pour expliquer les actions humaines. Le projet de PRN en Sciences Affectives a pour but de créer le premier centre national de recherche au monde dédié à l'étude interdisciplinaire des émotions et de leurs effets sur le comportement humain et la société. A cet effet, le Centre Interfacultaire en Sciences Affectives a d'ores et déjà été créé par des membres de cinq Facultés de l'Université de Genève.

Une collaboration interdisciplinaire entre des chercheurs de premier plan
Ce centre de recherche, ayant l'Université de Genève comme institution d'accueil, est constitué d'un réseau de douze groupes de recherche importants et associe des membres de six universités suisses. Il rassemble des chercheurs suisses internationalement reconnus, ayant une longue histoire de collaboration entre eux ainsi qu'avec des chercheurs de pointe dans différentes universités de par le monde. Une approche réellement interdisciplinaire des phénomènes affectifs se doit de rassembler des études empiriques et expérimentales (p. ex., en neurologie, psychologie, sciences économiques et sociales), des recherches dans le domaine de la philosophie et des lettres (p. ex., sur l'histoire des religions, les systèmes de valeurs, la philosophie de l'esprit et l'émotion dans la littérature et les arts), ainsi que des travaux consacrés à l'exploration des fondements normatifs et des applications pratiques du droit. Ainsi, pour la première fois, le projet de PRN assigne un rôle important à la philosophie, aux lettres et au droit.

Un programme de recherche ambitieux
Les questions de recherche incluent 1) L'induction et la réponse émotionnelles (p. ex., le rôle des structures cérébrales, les prédispositions individuelles, l'évaluation cognitive et les facteurs situationnels; l'expression des réponses émotionnelles et des tendances à l'action; la communication émotionnelle); 2) La régulation émotionnelle (p. ex., le contrôle des réactions corporelles et des sentiments par les normes sociales et les relations interpersonnelles; la capacité de gérer les émotions afin d'éviter le stress et l'épuisement psychologique; et les facteurs de risque pour différents troubles affectifs tels que l'anxiété excessive ou la dépression); 3) L'implication des émotions dans les processus sociaux (p. ex., l'émotion au sein des relations professionnelles et familiales, des groupes sociaux et de la société dans son ensemble; le rôle des normes sociales et des valeurs dans la réponse émotionnelle et dans son contrôle; le rôle des religions et des mythes dans les conflits ethniques; le rôle de la honte dans la socialisation; et les effets des changements économiques et sociopolitiques sur les expériences affectives et le bien-être).

Le transfert des connaissances vers la pratique
Un accent particulier sera mis sur l'utilisation des résultats de la recherche pour mieux comprendre différents problèmes sociaux. Deux axes principaux traverseront le projet: la santé et la violence. 1) Les relations entre santé, bien-être et émotion seront abordées par l'exploration de questions telles que la détection précoce des déterminants biologiques de l'humeur et de la résilience, les facteurs personnels et environnementaux menant au stress et à l'épuisement psychologique dans le milieu professionnel, et les biais cognitifs en tant que facteurs de risque pour la dépression et le suicide. 2) Des problèmes politiquement sensibles tels que la violence à l'école, les agressions criminelles, ou les conflits violents entre groupes seront abordés par l'exploration de questions telles que les dispositions neuropsychologiques favorisant les ruptures de règles et le comportement criminel, l'absence d'empathie envers la victime, l'incapacité de contrôler ses émotions afin de gérer le stress, et la gestion affective inadéquate dans les relations familiales. Une collaboration étroite a d'ores et déjà été convenue avec les institutions publiques et les entreprises suivantes: l'Organisation Internationale du Travail, le Secrétariat Fédéral des Affaires économiques (SECO), le Département Fribourgeois de la Santé et des Affaires Sociales, le Panel Suisse des Ménages, Firmenich et Novartis. Ces partenaires seront impliqués dès la planification des recherches afin d'optimiser le potentiel des applications sociales et économiques.

La formation de la relève et l'avancement des femmes
Le centre de recherche vise à former la nouvelle génération de chercheurs au travers d'un programme ambitieux de formation doctorale et post-doctorale en mettant l'accent sur les capacités et les valeurs de la recherche interdisciplinaire. Des mesures innovantes sont prévues pour favoriser l'avancement des chercheuses dans le centre. En outre, un module de recherche transversal exploitera l'ensemble des compétences au sein du réseau afin de synthétiser les résultats concernant les différences liées au genre issus du projet de recherche ainsi que des travaux récemment publiés dans la littérature scientifique. Cette synthèse devrait aider à l'identification des mécanismes sous-tendant les difficultés rencontrées par les femmes à poursuivre une carrière scientifique ainsi qu'à l'élaboration d'interventions appropriées.

Bénéfices pour la science et la société suisse
Le programme de recherche, articulé autour de questions théoriques et de méthodologies pointues, avec des niveaux d'analyse allant des processus cérébraux à des phénomènes sociaux et culturels, devrait conduire à des avancées scientifiques en relation directe avec le bien-être individuel, les relations entre individus et groupes, la productivité économique, et donc le devenir des sociétés modernes. Cette collaboration interdisciplinaire focalisée sur un phénomène commun, l'émotion, devrait mener à un accroissement durable des compétences et de la reconnaissance internationale des sciences humaines et sociales suisses.

22 mars 2005
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