2006

Une étude de l'UNIGE rend compte des tendances xénophobes, misanthropes et sexistes en Suisse

Xénophobie majoritaire en Suisse, selon une étude de l'UNIGE

Dirigée par le prof. Sandro Cattacin du Département de sociologie de l’Université de Genève, une étude pionnière rend aujourd’hui compte de l’état des tendances et des attitudes xénophobes, misanthropes et sexistes en Suisse. En effet, au terme d’une enquête minutieuse qui aura nécessité plus de 3000 entretiens oraux de plus d’une quarantaine de minutes, il apparaît clairement que ces comportements n’ont rien de rare en Suisse et qu’on les retrouve même au cœur de la société.

Si l’antisémitisme concerne environ 20% de la population, la xénophobie constitue un phénomène majoritaire. L’islamophobie est le fait, quant à elle, d’environ 30% des Suisses, alors que le sexisme reste largement répandu dans le pays.

Enfin, l’extrémisme de droite n’a, lui non plus, rien d’un mouvement marginal: 6% de la population estiment que l’on peut résoudre les problèmes par la violence, et la philosophie du «maintien de l’ordre» est en grande partie légitimée. Mais d’autres résultats s’avèrent également pertinents: un large pan de la population privilégie la démocratie, même si elle accepte l’autorité, voire en réclame davantage.

Une cartographie en 4 catégories
En dépouillant les réponses aux sondages, Sandro Cattacin et son équipe ont pu définir quatre grands groupes englobant 85% de la population suisse:

  • La «classe créative» (37%), opposée à toute attitude xénophobe ou misanthrope. Ses membres se situent politiquement à gauche, ils sont urbains, cultivés et plutôt jeunes.
  • Dans le deuxième groupe en importance, celui des «nationalistes conservateurs» (23%), les attitudes xénophobes ou misanthropes sont dominantes. Les membres de ce groupe se situent politiquement à droite, sont majoritairement moins cultivés et envisagent l’avenir avec inquiétude.
  • Les «entrepreneurs libéraux» (16%) sont composés de personnes qui ont peur des étrangers. Ils acceptent cependant la différence et ne sont pas misanthropes. Ils se prononcent pour la justice et l’ordre, sont politiquement plutôt à droite et font confiance aux forces du marché libre.
  • Le quatrième groupe identifié par l’étude est celui des «traditionalistes désorientés» (9%). A l’instar du deuxième groupe, les attitudes xénophobes ou misanthropes y sont dominantes. Ses membres ne sont pas engagés politiquement, ils ont peur de l’avenir et peuvent concevoir le recours à la force.

Primauté de la tolérance

Peur, insécurité, préjugés et ethnocentrisme
En dernière analyse, les chercheurs de l’UNIGE voient dans la peur et l’insécurité, les préjugés et l’ethnocentrisme autant d’éléments à même d’expliquer les attitudes misanthropes qu’ils ont rencontrées. Les résultats font en outre apparaître que l’éducation et le contact quotidien avec les autres permettent de faire obstacle à ces dernières. En d’autres termes, la stratégie de lutte contre le risque d’une montée en puissance des opinions radicales pourrait être déployée sur deux axes: l’information et les relations sociales entre individus différents. Nombre de campagnes et programmes de sensibilisation menés dans les écoles misent sur l’information.

Par ailleurs, s’il est aisé pour des personnes appartenant à un milieu favorisé de faire l’expérience de la différence, ce contact doit être facilité pour une grande partie de la population. Dans cette perspective, des programmes de restauration du lien social entre des catégories différentes pourraient constituer un moyen de faire échec aux préjugés et à la méconnaissance d’autrui.

Un instrument de mesure
L’étude menée par le prof. Cattacin s’inscrit dans le cadre du Programme national de recherche «Extrémisme de droite – causes et contre-mesures», soutenu par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. A ce titre, elle constitue un instrument de mesure remarquable, à même d’évaluer le développement des attitudes misanthropes et de l’extrémisme de droite en Suisse. Sandro Cattacin propose de conduire une telle enquête tous les deux ans, cet instrument de surveillance pouvant être utilisé de façon identique aux analyses Vox pour les résultats de votations. Les instituts de sociologie des universités suisses recueilleraient les données à tour de rôle et actualiseraient les questions de l’enquête. 

26 juin 2006
  2006