2007

Avec son calculateur de salaire, l'UNIGE aide l'Etat à lutter contre le dumping

L’UNIGE arme l’Etat pour lutter contre le dumping salarial

Quel est le revenu d'un cadre de 50 ans, de formation universitaire, et employé depuis 10 ans dans une multinationale à Genève? Il y a peu, la question était quasi taboue. Depuis mi-décembre, le site Internet de l'Observatoire genevois du marché du travail (OGMT) permet, grâce à un calculateur de salaire en ligne, d'obtenir une estimation de la rémunération moyenne pratiquée à Genève pour un profil et un poste déterminé. Développé par le Laboratoire d’économie appliquée (LEA) de l’Université de Genève (UNIGE), cet outil reflète la situation prévalant en 2004 dans le secteur privé genevois et vise clairement à détecter les cas de dumping salarial.

Employeurs comme employés y trouvent leur compte. Le service est simple à l’usage, rapide et personnalisé. Une fois la branche économique de l’entreprise choisie, l’utilisateur remplit les champs correspondant à quatre critères du poste brigué ou mis au concours – domaine d’activité, position hiérarchique, niveau de qualification, nombre d’heures hebdomadaires. Puis il décline ses caractéristiques propres – âge, formation et ancienneté dans l’entreprise. Et le tour est joué: le calculateur affiche la fourchette des salaires en usage dans le canton pour des postes équivalents.

Outre un principe de transparence, le mécanisme brosse un panorama des salaires en usage à Genève. Une référence utile pour les petites entreprises, qui n'ont pas toujours de politique salariale déterminée. Une référence indispensable si l'on veut lutter contre la sous-enchère salariale et sociale, raison d'être de l'OGMT, ajoute Yves Flueckiger, professeur et directeur du Département d’économie politique et de l’Observatoire universitaire de l'emploi (OUE - sous-division du LEA) de l'UNIGE.

Pourquoi un calculateur de salaire?
Les craintes de dumping étaient en effet au cœur de la campagne de la votation fédérale sur l’extension de la libre circulation des personnes aux nouveaux membres de l’Union européenne. D'où la promesse, puis l'obligation pour les cantons, d'assortir cette libre circulation de mesures d’accompagnement, avec un volet consacré à la surveillance de l'évolution des salaires et des conditions de travail.

"Genève a été pionnière en la matière", rappelle Yves Flueckiger. Dès 2002, les autorités ont chargé l'UNIGE d'établir une norme des salaires en usage à Genève. L'OUE a développé et proposé le calculateur de salaire. Mis en place au sein de l'administration publique, le modèle a rapidement essaimé dans d'autres cantons, et auprès des syndicats: un calculateur de salaire adapté aux statistiques suisses est sur le site de l'Union syndicale suisse (USS) depuis 2005.

Pour autant, le calculateur de salaire n'a pas de valeur juridique: un employé ne peut l'invoquer devant les prud'hommes pour demander à son patron une augmentation. Reste qu'il fournit un indicateur fiable des rémunérations en usage dans le canton. Et que rien n'empêche un magistrat de "surfer" sur Internet. "Dans le domaine des assurances sociales, les tribunaux s'en sont déjà servi", note le directeur de l'OUE.

Quid en cas de dumping salarial? "Il n'appartient pas à l'OGMT de prendre des sanctions", souligne Yves Flueckiger. Il revient en effet au Conseil de surveillance du marché de l'emploi (CSME), organe tripartite composé de représentants de l'Etat, des syndicats et des patrons, de prendre des mesures. Par exemple imposer une convention collective de travail à la branche concernée. L'OGMT ne joue qu'un rôle de surveillance et mène des expertises sur le terrain dans certains secteurs, sur mandat du CSME auquel il est rattaché.

L'OGMT est composé de représentants du Laboratoire d'économie appliquée de l'UNIGE, de l’Office cantonal de la statistique (OCSTAT) et de l’Office cantonal de l’inspection des relations et du travail (OCIRT).

Pour en savoir plus:

> Yves Flueckiger, professeur, directeur de l'Observatoire universitaire de l'emploi (OUE)

> Calculateur de salaire
> OUE
> OGMT
> Extension de la libre circulation

10 janvier 2007
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