2007

Nouvelle prouesse dans le domaine de la physique quantique

Un groupe de scientifiques de l’UNIGE, soutenu par le Pôle de recherche national photonique quantique (NCCR QP), est parvenu à intriquer des photons provenant de deux sources totalement autonomes. Rappelons que l’intrication est une propriété typique du monde atomique qui permet à deux particules de se comporter comme un seul objet, même si elles sont éloignées l’une de l’autre. En particulier elle est à la base de la téléportation quantique: la structure d’un objet passe d’un objet à un autre sans passer par aucun lieu intermédiaire.

L’intrication représente un des phénomènes les plus fascinants du monde quantique. Même Albert Einstein trouvait difficile d’accepter cette notion, selon laquelle deux particules arrivent à se comporter comme un seul objet, même si elles sont clairement séparées dans l’espace. Normalement, l’intrication se produit pour des photons qui ont été émis par la même source lumineuse. Mais nous avons montré qu’il est possible de transférer cette propriété à deux particules produites à partir de deux sources distinctes et indépendantes, explique Nicolas Gisin.

En plus de souligner une fois de plus le côté «magique» de la physique quantique, ce tour de force laisse entrevoir la possibilité de disposer un jour de systèmes de communication sécurisés basés sur la cryptographie quantique sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres, contre une centaine aujourd’hui.

La possibilité de diffuser des données sous la forme de simples particules de lumière représente un des sujets phares de la physique moderne. Dans le monde de l’infiniment petit, il est en effet possible de lier chaque photon à un jumeau avec lequel il s’organise et interagit, bien que les membres de cette paire soient séparés dans l’espace. A cause de cette relation, appelée intrication, une modification d’une de ces particules induit exactement le même effet sur l’autre. Raison pour laquelle la cryptographie est réputée inviolable: toute tentative d’interception du message, et donc de la particule qui le transporte, induirait une modification identique et parfaitement mesurable du photon «source».

Dans un article publié le 19 août dans la revue scientifique Nature Physics, le groupe de physique appliquée de l’UNIGE, sous la férule du prof. Nicolas Gisin, explique être parvenu à lever en partie cette barrière. Les chercheurs ont manipulé le phénomène d’intrication en l’appliquant à deux paires de photons indépendantes, générées à partir de sources de lumière distinctes et fonctionnant en continu. En mesurant en même temps le premier membre de chaque paire, les scientifiques genevois sont parvenus à placer leur particule jumelle dans le même état quantique et à obtenir des photons dont la longueur excède la résolution temporelle des systèmes servant à les détecter. Les détecteurs sont eux aussi à l’avant garde: basés sur la supraconductivité, ils sont développés notamment en collaboration avec le pôle MANEP, basé à l’UNIGE.

Selon le prof. Gisin, cette expérience représente une étape importante vers de futurs réseaux de communication quantiques adaptés à l’industrie des télécoms. Le physicien souligne que l’installation utilisée par le groupe de chercheurs se révèle très robuste vis-à-vis des fluctuations thermiques et mécaniques qui s’opèrent dans les fibres optiques. De quoi espérer utiliser un jour un réseau câblé traditionnel pour envoyer des informations cryptées sur de longues distances.

Entangling independent photons by time measurement, Matthäus Halder, Alexios Beveratos, Nicolas Gisin, Valerio Scarani, Christoph Simon & Hugo Zbinden, Nature Physics, Advance online publication, 19 août 2007 | Doi:10.1038/nphys700

 

 

24 août 2007
  2007