2010

Le patrimoine, un concept à géométrie variable

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Alors que dans les années 1960, la notion de patrimoine recouvre encore essentiellement ce qu'il est convenu d'appeler "les monuments", églises et châteaux du moyen âge ou d'Ancien régime, elle désigne, à partir des années 1970, un répertoire de plus en plus large du domaine architectural et culturel. Comment cette mutation s'est-elle opérée? L'Unité d'histoire de l'art organise, en collaboration avec la Maison de l'histoire, un colloque international autour de cette question. Intitulé "Quarante ans de patrimoine (1970-2010)", il aura lieu les 17 et 18 décembre à Uni Bastions et Uni Dufour.

Plusieurs facteurs allaient dans les années ’70 plaider en faveur de l’extension de la notion de patrimoine. La constitution du Club de Rome (1968), la première crise énergétique et le choc pétrolier de 1974, la mise en question de la modernité triomphante par l’architecte américain Charles Jencks (1977), l’avènement de la post-modernité allaient avoir des répercussions sur la sphère patrimoniale. En 1975 le Conseil de l'Europe proclamait l’Année européenne du patrimoine architectural.

Dans cette conjoncture favorable les spécialistes (historiens, historiens de l’art, architectes, conservateurs de musées, etc.) pouvaient découvrir toutes sortes de nouveaux patrimoines, qui prenaient valeur aux yeux des politiques et du public. On s’intéressa au patrimoine architectural mineur, à la conservation de la ville, au patrimoine des XIXe et à fortiori XXe siècle, au patrimoine immatériel, au patrimoine extra-européen.

Simultanément, ce que certains appelèrent bientôt une inflation patrimoniale suscitait quelques premières tentatives d’explicitation. André Chastel et Jean-Pierre Babelon consacraient leur article intitulé «La notion de patrimoine» dans la Revue de l’Art (1980) à penser la succession des patrimoines. Françoise Choay (1992) stigmatisait dans L’Allégorie du patrimoine (1992) le culte moderne du patrimoine dévoyé. Le débat intellectuel anglais sur les valeurs patrimoniales nationales conduisait à des constats extrêmes, tels le déclin supposé du pays ou le culte mortifère de son passé. En Italie le tournant libéral et gestionnaire du patrimoine suscitait une vive opposition, dénonçant une Italie devenue «société anonyme» et un bel paese livré au déni de son héritage.

On pourrait multiplier les exemples qui prouvent que la réflexion historiographique sur les origines et les mutations des configurations patrimoniales a été plus ou moins soudainement mobilisée par les intervenants du patrimoine afin de comprendre le paysage mouvant auquel ils étaient confrontés. La légitimation par l’histoire patrimoniale a été régulièrement évoquée, induisant la redécouverte de réflexions à peu près oubliées, suscitant la curiosité à l’égard d’acteurs et de moments tenus pour fondateurs, entraînant des relectures biaisées et des appropriations intéressées. Il s’agit au cours de ce colloque d’examiner la mutation historiographique qui a accompagné la mutation des définitions et des pratiques et d’envisager la situation présente.

Le colloque "Quarante ans de patrimoine (1970-2010)" est organisé par Leila el-Wakil, maître d'enseignement et de recherche à l'Unité d'histoire de l'art, et par le professeur Dominique Poulot (Sorbonne, Paris 1), invité de la Maison de l'histoire.


"Quarante ans de patrimoine (1970-2010)"
Uni Dufour, salle U259
Vendredi 17 décembre, dès 13h30
Uni Bastions, salle B111
Samedi 18 décembre, dès 9h

Unité d'histoire de l'art
Maison de l'histoire

8 décembre 2010
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