30 juin 2022 - Melina Tiphticoglou

 

Événements

Le jardin botanique par celles et ceux qui le font vivre

L’exposition «#PlanèteVerte – Missions botaniques» présente le travail de l’institution sous l’angle du quotidien de ses collaborateurs/trices, grâce à une série de portraits vidéo à découvrir en déambulant dans le jardin.

 

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Six chalets, disséminés dans le jardin botanique, illustrent chacune des missions des CJBG. Ils sont équipés de deux écrans diffusant en boucle une dizaine de films sous-titrés en français et en anglais. Une grande vitrine et un aménagement paysager viennent compléter la scénographie. Photo: CJBG

 

Des rocailles à la serre tropicale, des ruches aux jardins ethnobotaniques, de l’herbier au parc animalier, en passant par la bibliothèque: les espaces des Conservatoire et Jardin botaniques de Genève (CJBG) sont vastes, riches et variés. Le public qui déambule dans ce havre de verdure à deux pas de la ville et du lac ne se doute généralement pas de la multitude d’activités qui y prennent place quotidiennement et qui recoupent six missions: explorer, conserver, rechercher, transmettre, protéger et coopérer. L’exposition #PlanèteVerte – Missions botaniques, à voir jusqu’au 16 octobre, a pour objectif de montrer les coulisses de cette institution qui emploie une centaine de personnes pratiquant près de 15 métiers différents. Une soixantaine de courtes vidéos (qui peuvent également être consultées en ligne) ont été réalisées en partenariat avec la télévision locale Léman bleu afin d’illustrer ces six missions au travers du filtre concret du quotidien des collaborateurs et collaboratrices.

 

«C’était ma première et dernière exposition, raconte Pierre-André Loizeau, chargé de cours au Département de botanique et de biologie végétale (Faculté des sciences) et directeur des Conservatoire et Jardin botaniques de Genève jusqu’au mois de mai 2022. L’idée était de présenter le travail réalisé aux CJBG en donnant la parole aux collègues avec lesquel-les j’ai collaboré durant seize ans en tant que directeur et durant trente-sept ans comme employé de la Ville de Genève. Suite à mon appel en interne, 45 personnes, soit près de la moitié du personnel fixe, ont souhaité présenter leur métier. Cet enthousiasme est la preuve du plaisir qu’ils et elles ont à travailler aux CJBG et je suis heureux de le partager.»

Durable à 100%
Des chalets, disséminés dans le jardin et accompagnés d’un aménagement paysager, diffusent les portraits vidéo en boucle. C’est ainsi que l’on découvre comment le personnel œuvre au quotidien avec conviction et passion. Et ce, par tous les temps. À l’image d’une ruche en effervescence, jardiniers/ères, chercheurs/euses, horticulteurs/trices-botanistes, conservateurs/trices, bibliothécaires, technicien-nes d’herbier, apiculteur/trice, grainier/ière, médiateurs/trices scientifiques se côtoient, collaborent et se complètent au cœur des CJBG, mais aussi sur le territoire communal, cantonal ou national, ainsi qu’à l’étranger. L’exposition – comme l’entier de l’institution d’ailleurs – se veut 100% durable: de nouveaux panneaux photovoltaïques seront été installés pour compenser la consommation d’électricité et les chalets ont été conçus de sorte à pouvoir servir d’abris pour animaux par la suite.

Première de ces six missions, l’exploration est celle par laquelle tout travail scientifique commence grâce à l’observation du terrain et à la récolte d’informations et de matériel. Dans le désert namibien, par exemple, avec le spécialiste des palmiers qui raconte comment se récoltent les énormes feuilles et les grandes inflorescences du végétal, qu’il prépare avec soin pour les ajouter à l’herbier genevois. Mais pas besoin d’aller si loin pour s’émerveiller de la biodiversité. Le mur de la Treille, en plein centre-ville de Genève, abrite à lui seul 150 espèces différentes, dont un grand nombre de mousses.

Collections uniques
La conservation du matériel récolté – qu’il soit vivant dans le jardin ou stocké dans l’herbier – est la seconde mission des CJBG. L’art de la préparation des échantillons d’herbier se révèle dans toute sa complexité, sous les mains agiles d’une technicienne. Cette dernière les prépare soigneusement de sorte à leur permettre d’affronter des centaines d’années de stockage et d’études. Fort de 6 millions d’échantillons, l’herbier des CJBG recèle quelques bijoux comme la collection de Candolle. Constitué par trois générations, ce travail monumental a servi à la rédaction du Prodromus, un traité en 17 volumes, publié entre 1824 et 1873, dressant l’inventaire des plantes connues à l’époque, soit 58 000 espèces. La collection de fossiles est un autre ensemble remarquable de l’herbier de Genève. Légués au début du XXe siècle dans des boîtes en carton, ces échantillons de plantes fossilisées n’avaient jamais été conditionnés. En collaboration avec des étudiant-es de l’UNIGE, ces quelque 400 pièces ont récemment été minutieusement préparées, les rendant disponibles pour l’étude et le public. Quant aux collections vivantes conservées sous serre, on apprend que leur arrosage nécessite chaque jour 8000 litres d’eau provenant essentiellement de la récolte de l’eau de pluie et dont la distribution est une savante mise en œuvre effectuée, selon les besoins, au goutte à goutte, sous forme de brouillard, et pilotée tantôt par un ordinateur, tantôt à la main.

Les activités de recherche, troisième mission des CJBG, sont celles au travers desquelles le lien avec l’UNIGE est le plus fort (voir encadré). C’est en effet grâce aux observations de terrain ou de matériel d’herbier, et aux expériences réalisées en laboratoire, que la connaissance sur le monde végétal évolue. Il peut s’agir de la description d’une nouvelle espèce, voire, plus rarement, d’un nouveau genre, de l’usage de la génétique des populations au service de la protection d’une espèce ou de la microscopie pour décrire une structure encore méconnue des mousses. Ces activités s’appuient sur une bibliothèque de 120 000 ouvrages qui s’enorgueillit de posséder une collection unique de Flores (publications permettant de déterminer les plantes sur le terrain), soit 16 000 ouvrages provenant du monde entier et de toutes les époques, dont la toute première Flora lapponica rédigée par Carl von Linné en 1737. Plus près de nous, l’application pour smartphone Flora Helvetica aide tout un chacun à identifier les plantes sauvages de Suisse sur le terrain et permet d'envoyer ses observations au centre de collecte national Info Flora.

Partages de connaissances
La quatrième mission des CJBG consiste à transmettre les connaissances ou les acquisitions auprès du public, des élèves et des collègues. Cela passe par des collections spécifiques, comme les jardins ethnobotaniques qui présentent les plantes utiles aux visiteurs/teuses, des ateliers artistiques pour les classes du primaire ou des excursions sur le terrain pour les étudiant-es. Alors que l’on décrit six espèces nouvelles par jour dans le monde, Genève contribue à l’inventaire global notamment grâce à son African plant data base constitué grâce au travail de plusieurs générations de chercheurs/euses.

Protéger la nature et proposer des solutions aux problèmes environnementaux est la cinquième mission de l’institution, qu’elle remplit à plusieurs niveaux. La cartographie du territoire, réalisée en collaboration avec l’UNIGE, l’Hepia et le Canton, permet de déterminer les aires prioritaires pour la conservation. Dans le jardin, véritable musée vivant, des espèces menacées sont préservées, comme certaines plantes alpines des rocailles ou des chèvres Pro Specie rara du parc animalier. Quant à la banque de semences des CJBG, elle permet de stocker les graines tout en conservant leur viabilité et, ainsi, de répondre à la Convention sur la diversité biologique qui exige que 75% des espèces menacées en Suisse soient temporairement sauvegardées par ce moyen.

La dernière mission des CJBG consiste à collaborer, ce qui se fait avec nombre d’acteurs, d’actrices et de services locaux, nationaux et internationaux. Plus de 1000 portions de graines sont ainsi envoyées chaque année à d’autres jardins botaniques, tandis que l’institution genevoise en reçoit le même nombre, ce qui permet de créer, de perpétuer ou d’améliorer les collections. La collaboration se fait également en soutenant des programmes de coopération et d’éducation environnementale dans les pays de l’hémisphère Sud, comme c’est le cas avec le Jardin botanique du parc de Hann, à Dakar au Sénégal.

 

La botanique, une science en partage

Les liens entre le jardin botanique et l’Université de Genève remontent aux origines. En effet, lorsque, en 1817, Augustin Pyramus de Candolle crée le jardin botanique, il est en même temps chargé de la chaire de sciences naturelles à l’Académie (qui deviendra l’Université). Il y enseignera la botanique, comme tous les conservateurs et directeurs qui lui succéderont. En 1943, une convention est signée entre le Département de l’instruction publique, la Ville de Genève et l’Université pour formaliser ces relations. Elle entérine le fait que les CJBG sont chargés de l’enseignement de la botanique systématique à l’Université et confirme que l’étude de la végétation, la floristique, la taxonomie et la systématique végétale se font aux CJBG. Depuis le développement de la biologie moléculaire, la nécessité d’avoir des secteurs de recherche au sein de musées se voit encore renforcée. Aujourd’hui dirigés par Nicola Schoenenberger, les Conservatoire et Jardin botaniques de Genève comprennent une collection vivante de 14 000 espèces provenant du monde entier, un herbier historique de près de 6 millions d'échantillons botaniques et une bibliothèque comportant 120 000 ouvrages, l’une des plus complètes au monde en botanique systématique.

#PLANÈTE VERTE – MISSIONS BOTANIQUES

Exposition en plein air, bilingue français-anglais

Jusqu’au 16 octobre 2022, tous les jours de 8h à 19h30
Conservatoire et jardin botaniques, entrée libre

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