23 mars 2023 - Alexandra Charvet

 

Vie de l'UNIGE

L’UNIGE lance un cours pour défendre une écriture en danger

Considérée comme la dernière écriture pictographique en usage dans le monde, le dongba est menacé de disparition. Pour s’y initier, un MOOC a été mis sur pied, contribuant à la préservation de ce patrimoine original. Les inscriptions sont ouvertes.

 


Vignette vidéo: Manuscrit Naxi pendant la cérémonie, Zhang Xu Tayoulamu, 1990 (photo avec l'aimable autorisation de l'Association pour la promotion de la culture Dongba de Pékin-ADCA)


Si les hiéroglyphes ont disparu des systèmes d’écriture actuels, ce n’est pas le cas des signes dongba. Pas encore. Le temps est en effet compté pour la dernière écriture pictographique en usage dans le monde, sa maîtrise n’étant le fait que d’un nombre restreint de personnes. Afin de préserver ce patrimoine graphique et culturel, l’UNIGE, en partenariat avec l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco, France), la Beijing Language and Culture University (BLCU, Chine) et avec le patronage de l’Unesco, lance un MOOC d’initiation à l’écriture dongba.

C’est dans la province du Yunnan en Chine, principalement dans la ville de Lijiang, que vivent les 300’000 personnes de la minorité ethnique des Naxi, dont l’identité est imprégnée de l’écriture dongba. «Celle-ci comprend plus de 1400 caractères, dont la maîtrise complète est le fait des dongba, les prêtres naxi, qui lisent les textes sacrés lors des cérémonies religieuses, explique Jue Wang Szilas, chercheuse associée à l’Unité d’études chinoises (Faculté des lettres) et responsable exécutive du MOOC. Ces manuscrits de rituels, dits Classiques dongba, ont été inscrits en 2003 au registre ‘Mémoire du monde’ de l’Unesco.» Avec ce MOOC, le professeur Joël Bellassen, à l'origine du projet et expert en didactique des langues et cultures à l’Inalco, a pour objectif de donner une visibilité considérable à cette écriture menacée: «Un MOOC peut devenir un moyen de politique linguistique dans la mesure où le nombre d’apprenant-es qu’il parvient à réunir peut se rapprocher du nombre d'’usagers/ères d’une langue en voie de disparition, voire le dépasser.»

Inscriptions ouvertes

Diffusé du 24 avril au 26 juin prochains, le MOOC d’initiation à l’écriture dongba se compose de sept modules, pour un total d’une cinquantaine d’heures de travail. Il est ouvert à toutes et tous, spécialistes de langues, étudiant-es en chinois ainsi qu’aux esprits curieux. Aucune compétence préalable n’est requise, même si une connaissance des caractères chinois est bienvenue. «Le MOOC dissocie l’écriture de la langue et utilise le concept de ‘niveau seuil’ afin d’obtenir la meilleure efficience pédagogique avec le minimum d’acquis», explique Joël Bellassen. Seuls 300 signes ont ainsi été sélectionnés pour cette initiation à l’écriture dongba, sur des critères de fréquence et de logique graphique.» Le MOOC comprend également un volet culturel, où les traits fondamentaux de la culture naxi et de son héritage sont étudiés. Enfin, un forum de discussion vient enrichir l’apprentissage. «C’est la préservation des civilisations qui est en jeu dans ce projet, car bien souvent, quand on arrête d’enseigner une langue, c’est également toute la recherche sur la culture et sur la civilisation d’un peuple qui disparaît», rajoute Jean-François Huchet, président de l’Inalco.

Un MOOC plurilingue

L’École de langue et de civilisation françaises (ELCF) et la Maison des langues de l’UNIGE ont, pour leur part, assuré la traduction du MOOC en quatre langues (chinois, français, anglais et allemand). «L’utilisation des sous-titres plurilingues permet de communiquer un certain nombre de savoirs à large échelle. Les savoirs sont en effet élaborés de manière variable selon les langues et sont interprétés différemment en fonction des cultures, explique Laurent Gajo, directeur de l’ELCF. Recourir à un sous-titrage plurilingue donne ainsi une clé supplémentaire pour valoriser la diversité dans la transmission et la réception des savoirs de ce MOOC.»

L’écriture dongba est principalement maîtrisée par les dongba pour écrire des classiques religieux ou pour les aider à se souvenir de leurs diverses prières et incantations. Elle n’est pas l’écriture commune de la société naxi. Néanmoins, il y a encore quelques centaines de dongba qui peuvent écrire des textes. Dans les régions montagneuses reculées, certains dongba ne connaissent d’ailleurs toujours pas les caractères chinois et utilisent l’écriture dongba pour prendre des notes et écrire des lettres. Ces dernières années, la visibilité de cette écriture a été augmentée par l’effort des autorités locales. Ainsi les signes dongba sont employés dans la ville de Lijiang, entre autres sur les panneaux publicitaires ou pour les noms de sociétés de transports publics.

 S’inscrire au MOOC «Initiation à l’écriture dongba»

Les pictogrammes dongba imprimés au FacLab de l’UNIGE

Pour produire le matériel pédagogique nécessaire au tournage des vidéos du MOOC, Jue Wang Szilas s’est adressée au FacLab de UNIGE. Plus de 300 symboles dongba, dessinés à la main par des partenaires en Chine, ont ainsi été numérisés, puis produits sous forme de plaquettes de bois grâce aux découpeuses laser du FacLab. «Ces objets tangibles facilitent l’apprentissage, en permettant de mieux montrer les symboles ou de réaliser des compositions, explique Daniel Schneider, volontaire au FacLab et ancien professeur de l’UNIGE. Ils pourront servir pour des enseignements en présentiel dans des cadres plus restreints.»
Ouvert aux étudiant-es, chercheurs/euses, acteurs et actrices de la vie associative et économique ainsi qu’aux citoyen-nes, le FacLab a pour objectif de placer la fabrication, au sens large, au cœur de l’Université. À cet effet, la structure met à disposition de ses membres non seulement des équipements (impression 3D, broderie assistée par ordinateur, découpe laser, etc.), mais aussi de la formation et du support adéquat à une utilisation efficace et autonome de ces outils.

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