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Présentation

Le moyen âge fascine et intéresse par son étrangeté. Il offre l’attrait et le dépaysement d’un monde désormais fort lointain. Les cathédrales et les cloîtres romans, les romans du Graal et de Tristan, la scolastique et les disputes universitaires, les duels judiciaires et les tournois suscitent la curiosité et l’intérêt. La richesse des productions artistiques, intellectuelles, technologiques médiévales méritent d’ailleurs largement l’estime dans laquelle on les tient. Celle-ci est tangible et s’exprime à travers le succès que peut remporter un cours thématique consacré à la période médiévale. Pourtant les réalités du monde médiéval captivent aussi d’autant mieux que l’on prend plaisir à les maintenir à distance. Chacun sait en effet que, pour faire valoir les mentalités, les technologies, les procédures de pensée de notre temps, marquées, comme il se doit, du sceau de la rationalité moderne, il suffit de se servir du repoussoir médiéval (« on n’est plus au moyen âge »).

Si les Etudes médiévales peuvent tirer profit de cet état de fait paradoxal, elles en pâtissent aussi fréquemment. Lorsqu’il s’agit, dans le champ des sciences humaines, de repérer les points d’articulation principaux d’une problématique de quelque importance, la période médiévale se trouve facilement maintenue dans les marges de la périodisation proposée. Tantôt l’enquête se donne comme borne temporelle l’émergence d’une « conscience moderne » attribuée par convention à un XVIe siècle humaniste et ouvert aux réformes et aux révolutions intellectuelles et techniques. Tantôt, partant des mondes grecs et latins, elle enjambe allègrement une dizaine de siècles pour se prolonger dans l’examen des apports de la Renaissance. Dans les cas les plus favorables, un intérêt anecdotique est reconnu aux bizarreries d’un temps décidément bien peu lisible.

Il est vrai que l’état des sources médiévales exige du chercheur, entre autres, la maîtrise de compétences linguistiques, paléographiques, codicologiques, dont l’acquisition requiert une certaine motivation. Ainsi, contrairement à ce qui se passe à l’égard de la considération des réalités du monde antique, le moyen âge ne s’impose pas d’emblée comme susceptible de rendre raison du sens d’une pratique, de la raison d’être d’une institution ou de l’origine d’un concept. Confrontées à la persistance de ces préjugés, les études médiévales peuvent donner l’impression d’une pertinence restreinte. Pourtant, dans bien des domaines, c’est au cours de cette période, à travers la confrontation du savoir antique et d’une vision du monde inspirée par la révélation chrétienne, que se sont forgés les concepts originaux qui régissent notre monde. La représentation de l’amour ou du désir, la figure de l’intellectuel, la structuration des savoirs, celle des paysages agrestes et urbains, les codes de la civilité, les pratiques livresques portent ou ont porté pour de longs siècles l’empreinte de leur genèse médiévale. Beaucoup reste à faire pour décrypter les secrets de cette étonnante fécondité.

Portés par l’urgence de ces tâches, des enseignants et des chercheurs en littérature (allemande, anglaise, arabe, arménienne, espagnole, française, grecque byzantine, italienne, latine, provençale, etc.), en philosophie, en histoire de l’art, en histoire, en théologie, en anthropologie, en musicologie, en histoire du droit médiévales se proposent, au sein du Centre d’Etudes médiévales, de partager leurs savoirs, de confronter leurs démarches critiques et d’élargir leurs horizons de recherche afin de rendre mieux compte des apports de leur discipline et de favoriser une recherche interdisciplinaire. L’Université de Genève a en effet la chance de rassembler un nombre remarquable de chaires ayant trait aux études médiévales dont certaines, comme celle de latin médiéval, sont tout à fait uniques dans le paysage universitaire francophone. Le Centre entend tirer parti de la richesse de cette offre et renforcer cette situation favorable.