Expositions de l'UNIGE

Le droit universel d’exister comme je suis

Les facettes et les actes les plus intimes de nos vies que sont notre identité de genre et notre orientation sexuelle ne sont jamais hors de portée du droit. En effet, celui-ci se permet, souvent même sans le dire explicitement, de définir qui on peut (ou doit) être (un homme ou une femme et rien d’autre) et avec qui on peut (ou doit) entrer en relation et fonder une famille (dans de nombreux pays, dont la Suisse, seuls un homme et une femme peuvent se marier légalement). Ces limitations ou interdictions inscrites dans la loi portent gravement atteinte à la dignité et à l’humanité des personnes concernées, lesquelles ne peuvent pas, entre autres, vivre librement et publiquement qui elles sont ou avec les personnes qu’elles aiment, comme le rappellent les Principes de Jogjakarta adoptés par un comité d’expert-e-s en droits humains en 1996. Même le cadre juridique international historique des droits humains – Déclaration universelle (1948) et Pactes internationaux (1966) – a ignoré les discriminations et les violences subies de manière accrue et spécifique par les personnes LGBTIQ+. Ainsi loin de n’être que synonymes de progrès, les droits nationaux et le droit international ont contribué à ancrer des valeurs patriarcales et cis-sexistes, faisant office de véritables outils de gestion (et de surveillance) sociale volontairement aveugles aux nuances et à la fluidité des identités individuelles et relationnelles et des besoins qui en découlent.

Se réapproprier le droit comme outil de protection

Le combat militant porté, souvent au péril de leur vie, par les personnes queer (comme Marsha P. Johnson, femme trans* noire états-unienne à l’origine des émeutes de Stonewall à New York (1969) qui a lancé le mouvement à présent global – de contestation puis de célébration – Pride) a permis de se réapproprier le droit comme outil de promotion et de protection des personnes LGBTIQ+. Depuis, les avancées institutionnelles ont été nombreuses, que ce soit au niveau local (décriminalisation/reconnaissance) ou international (Déclaration de Montréal (2006); Principes de Jogjakarta (2006; révisés en 2017); Déclarations des États (2006 et 2008); nomination d’un expert indépendant en la matière par le Conseil des droits de l’homme (2016)). Certes, ces victoires continuent encore trop souvent d’être instrumentalisées, dans leur politique étrangère, par certains États occidentaux persuadés d’être plus «progressistes» que d’autres, un phénomène appelé pinkwashing. Elles contribuent toutefois à l’évolution des normes sociales sexuelles et raciales, la dépénalisation ou la légalisation appuyant la normalisation de certains comportements jusqu’alors considérés comme problématiques. De sorte que la lutte continue pour que tou-te-s, ici et ailleurs, avec ou sans droit, puissent enfin exister et vivre avec les autres pleinement, et en toute légalité.


BÉRÉNICE K. SCHRAMM, chercheure en droit international

4 oct. 2018

Savoirs LGBTIQ+