Expositions de l'UNIGE

Aborder l’orientation sexuelle et l’identité de genre à l’école

Aujourd’hui, bien que le personnage de l’homosexuel sympa soit récurrent dans les séries télévisées, se découvrir gay ou lesbienne, ou encore s’affirmer trans* provoque toujours de l’angoisse. En Suisse, la prévalence du suicide chez les jeunes hommes gays ou bisexuels est cinq fois plus élevée que chez les hommes hétérosexuels (1) et de deux à quatre fois plus élevée chez les femmes lesbiennes. C’est un indicateur clair de la souffrance et de l’isolement que ressentent les jeunes. Ce n’est pas l’homosexualité ou le fait d’être trans* qui est à la source de la souffrance, mais l’homophobie ou la transphobie, c’est-à-dire l’hostilité, voire la haine à l’encontre des personnes LGBTIQ+ (blagues, mise à l’écart, coups, cyberharcèlement, etc.). La menace du stigmate suffit à réduire les jeunes au silence.
L’école doit intervenir, pour ouvrir le champ des possibles à des élèves qui n’ont pas toujours l’occasion de voir d’autres modèles dans leur quotidien. Dans beaucoup de groupes de garçons, la démonstration permanente de la virilité est de mise (exposition de soi, indiscipline, harcèlement des filles, discours autour de ses performances sexuelles, etc.). S’y soustraire expose à la violence homophobe, y compris pour les garçons hétérosexuels ou simplement en questionnement.

Éviter la marginalisation, une mission de l’école

Présenter aux élèves dès le plus jeune âge l’homosexualité ou la transidentité comme une réalité possible et un avenir envisageable fait donc pleinement partie des missions de l’école et contribue à éviter les risques d’isolement et de marginalisation.
En tant qu’enseignant-e, il est important de traiter de ces questions en classe. Bien sûr, il ne s’agit pas de parler de pratiques sexuelles avec les enfants, surtout en primaire. Mais l’homosexualité ou la bisexualité (comme l’hétérosexualité) ne se limitent pas à des pratiques sexuelles: les contes pour enfants sont remplis d’histoires hétérosexuelles, car «ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants…». Puisque l’homosexualité ou la bisexualité sont des interactions possibles, les enseignant-e-s peuvent travailler sur ces questions en lisant aux enfants des histoires qui parlent d’un sentiment amoureux homosexuel ou bisexuel.

Questionner les normes de sexe

La famille prend une grande place à l’école primaire, surtout chez les plus jeunes. Les enseignant-e-s peuvent s’appuyer sur la grande diversité des familles genevoises pour permettre aux enfants de parler de toutes sortes de familles: avec un père et une mère, marié-e-s ou non, des familles recomposées, des familles arc-en-ciel, des couples de cultures ou d’origines ethniques différentes, et aussi des familles restées dans un autre pays. Puisque l’identité de genre peut être fluide, on peut questionner les normes de sexe en classe. Pourquoi un garçon qui joue à la poupée devrait-il en avoir honte? Pourquoi certains garçons refusent-ils que les filles jouent au foot? Toutes ces questions qui passionnent les élèves intéressent aussi beaucoup leurs enseignant-e-s.
On entend dire parfois que l’école n’a pas à parler d’homosexualité, de bisexualité ou de transidentité pour ne pas aller à l’encontre des valeurs de certains parents. Dans ce cas, l’école oublie les familles arc-en-ciel, les parents hétérosexuels qui souhaitent combattre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, les enfants LGBTIQ+… et elle oublie également ses propres principes d’égalité.

 

(1) «Le risque de suicide parmi les personnes LGBT»,  publication de STOP SUICIDE, 2014


ISABELLE COLLET, responsable de la formation au genre des enseignant-e-s du primaire et du secondaire

4 oct. 2018

Savoirs LGBTIQ+