Expositions de l'UNIGE

Un droit des familles qui s'adapte lentement

En Suisse, la reconnaissance des couples homosexuels a été inscrite au niveau cantonal, avec la loi du partenariat enregistré à Genève en 2001 et la loi neuchâteloise en 2004. Ces lois ont joué un rôle moteur pour la reconnaissance de ces couples au niveau fédéral, avec l’approbation de la Loi sur le partenariat (Lpart) en 2007, qui laisse néanmoins dans l’ombre la reconnaissance des familles arc-en-ciel (famille dans laquelle au moins un-e des parents se définit comme lesbienne, gay, bisexuel-le, trans* ou queer).

DES DROITS ET DES GARANTIES PARTIELLES

La LPart apporte divers droits et garanties aux couples homosexuels, en transposant un certain nombre d’effets juridiques du mariage (modification de l’état civil, statut de parents-proches, imposition commune, sécurité sociale, assurances, indivision des biens), mais elle exclut expressément ces couples de l’institution matrimoniale et du droit de la filiation, en interdisant explicitement à ces derniers l’adoption et la procréation médicalement assistée. La reconnaissance des couples homosexuels en Suisse a ainsi été accompagnée d’une volonté du législateur de démarquer explicitement ces couples des bénéfices et droits du mariage, ce qui revenait à sécuriser le caractère socialement et juridiquement construit de la famille hétérosexuelle et hétéronormative.

RECONNAÎTRE LES RÉALITÉS DES FAMILLES ARC-EN-CIEL

Toutefois, les familles homoparentales existent bel et bien en Suisse et elles ne sont pas adéquatement protégées par la loi, exposées à tous les problèmes qu’une non-reconnaissance juridique entraîne au niveau des besoins et intérêts des enfants né-e-s dans ces familles. C’est pourquoi, depuis
une dizaine d’années, les familles arc-en-ciel luttent au quotidien pour offrir à leurs enfants un cadre de vie non discriminatoire. De plus en plus de situations fâcheuses pour ces enfants et ces familles ont été dénoncées. Après plusieurs années de lutte, on assiste à une timide transformation  juridique, avec le changement de la loi sur l’adoption, entrée en vigueur en janvier 2018, qui permet aux parents de même sexe de bénéficier d’une  double filiation juridique pour leur enfant, via la procédure d’adoption de l’enfant du partenaire.

REPENSER LE DROIT À L’ADOPTION

Pour autant, cette reconnaissance demeure partielle, car l’adoption conjointe continue à être fermée aux couples de même sexe, tout comme toute forme de procréation médicalement assistée (PMA). Les couples homosexuels qui désirent fonder une famille en Suisse doivent donc paradoxalement se rendre à l’étranger pour procréer. Et, à leur retour en Suisse, il leur faut entamer des démarches administratives pour leur enfant, qui ne sont pas du tout adaptées à la réalité des couples homosexuels qui fondent une famille. Ce problème tient au fait que le droit de l’adoption n’a pas été repensé pour répondre aux réalités des familles arc-en-ciel. Le changement législatif a simplement ouvert aux couples de même sexe l’adoption prévue initialement pour les beaux-parents des familles hétéroparentales recomposées.
Face à ces obstacles juridiques, les familles arc-enciel suisses luttent pour se rendre visibles et bénéficier d’une reconnaissance juridique et sociale. Au travers du travail de plusieurs associations, leurs revendications portent moins sur le droit de la personne homosexuelle que sur l’intérêt de leurs enfants à grandir dans une famille comme les autres, afin que leurs enfants ne soient pas discriminés.


MARTA ROCA I ESCODA, sociologue

4 oct. 2018

Savoirs LGBTIQ+