Expositions de l'UNIGE

La sexualité aux origines du christianisme

Une interprétation des Écritures qui se veut à la fois respectueuse du donné biblique et responsable socialement se doit notamment de commencer par une approche critique de la sexualité et de l’homosexualité dans les cultures de l’Antiquité. Les affirmations éparses au sujet des pratiques sexuelles «jugées comme déviantes» que l’on trouve dans le Nouveau Testament s’inscrivent en effet dans le contexte culturel de l’époque. C’est notamment pourquoi certaines affirmations sur la sexualité dans le christianisme naissant paraissent aujourd’hui bien étranges.
Les points auxquels il convient de prêter attention sont divers. D’abord, la compréhension antique de la sexualité est fortement marquée par l’idée de l’appartenance à un groupe, à une collectivité. Les comportements sexuels fonctionnent ainsi avant tout comme marqueur d’identité d’une communauté – religieuse ou non – par rapport à une autre. La transgression d’une norme sexuelle affecte alors non seulement l’individu en question, mais la communauté tout entière et crée ainsi une sphère d’impureté collective.

La sexualité comme miroir des asymétries sociétales

Ensuite, les recherches contemporaines sur l’anthropologie culturelle montrent que la sexualité antique est le miroir des asymétries sociétales de l’époque. La pratique de la sexualité, tant hétéro- qu’homosexuelle, a avant tout la fonction d’exprimer le statut social de quelqu’un. Lors des rapports sexuels, l’homme libre de naissance est appelé à adopter une position exclusivement dominante, pénétrante, tandis que la femme et l’esclave (tant homme que femme) doivent se comporter de manière passive, en évitant de montrer leur désir. Cette conception fondamentalement asymétrique du désir et de la sexualité rend ainsi quasiment impossible d’envisager des relations basées sur une réelle réciprocité. Les concepts modernes d’«identité» hétérosexuelle, homosexuelle, bisexuelle ou autre font donc défaut parce qu’ils n’arrivent pas à saisir adéquatement la perception de la sexualité dans les cultures de l’Antiquité.
Enfin, il convient de prêter attention à la relation étroite entre sexualité, domination et violence. L’idéal d’un corps non violé, non pénétré reste une utopie pour une grande partie des membres des sociétés antiques, notamment des femmes et des esclaves (qu’ils soient hommes ou femmes).


SIMON BUTTICAZ et ANDREAS DETTWILER, théologiens

 

4 oct. 2018

Savoirs LGBTIQ+