2015

Le froid - et une bactérie - pour lutter contre l'obésité

L’équipe de Mirko Trajkovski de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE) a démontré il y a quelques semaines que l’absence de microbiote intestinal peut être lié à une activation accrue du tissu adipeux brun comme moyen de limiter l’obésité. La recherche continue et aujourd’hui les scientifiques montrent que des souris exposées au froid présentent un changement radical dans la composition de leur microbiote : elles maigrissent et sont plus sensibles à l’insuline. Transplanter ce microbiote modifié sur des souris, dépourvues de flore intestinale, leur per- met de développer une tolérance totale au froid. Cependant, après une exposition prolongée au froid, la perte de poid est atténuée, car le corps absorbe davantage les calories présentes dans les aliments consommés. Ceci s’explique par la disparition d’une bactérie essentielle, Akkermansia muciniphila, qui agit sur la capacité d’absorbtion des substances nutritives par l’organisme. Lorsque la bactérie est administrée artificiellement, la perte de poids reprend. Grâce à cette découverte, publiée dans la revue Cell, les chercheurs pourraient développer des solutions pour lutter contre l’obésité.

La température corporelle des mammifères est généralement plutôt constante. Toutefois, lorsqu’un mammifère est exposé au froid, la température de son corps descend de quelques degrés, avant de revenir lentement à la normale. Ce mécanisme d’adaptation dépend du tissu adipeux brun, dont la fonction est de générer de la chaleur en brûlant des calories lorsqu’il est activé par le froid. Ainsi, le froid, tout comme l’activité physique, a pour effet de favoriser l’apparition de cellules adipeuses similaires aux graisses brunes - les graisses beiges - dans les graisses blanches, et protège le corps contre l’excès de poids et ses conséquences désastreuses.

Mais comment ce phénomène interagit-il avec la composition du microbiote ? Le froid pourrait-il être un outil déclenchant ce mécanisme anti-obésité ? Sur une période d’un mois, les chercheurs de l’UNIGE ont exposé un groupe de souris au froid - en faisant baisser la tempé- rature ambiante de 20 °C à 6 °C - et ont étudié la manière dont s’est modifié leur microbiote. Ils ont également transplanté ce « microbiote froid » sur des souris dépourvues de flore intestinale. Claire Chevalier et Ozren Stojanovic, co-premiers auteurs de cette étude, ont souligné que «les changements observés dans la composition du microbiote des souris, évoluant dans un environnement froid, étaient encore plus importants que les différences du microbiote précédemment observées entre des individus obèses et des individus sains. Autre élément frappant, les souris ayant bénéficié de la transplantation du micro- biote modifié par le froid ont immédiatement développé une résistance au froid : leur température corporelle n’a pas chuté, comme si le microbiote transplanté avait également modifié ce mécanisme d’adaptation.» Le microbiote pourrait ainsi entraîner une résistance au froid à lui tout seul. De plus, les souris transplantées ont montré, dans l’ensemble, un meilleur profil métabolique, avec une sensibilité accrue à l’insuline et des graisses beiges supplémentaires.

L’effet du froid sur la masse corporelle

Normalement, les souris prennent du poids de manière régulière. Mais, lorsqu’elles sont exposées au froid, elles perdent du poids car elles brûlent des calories pour les convertir en chaleur. Toutefois, au bout d’un moment, elles recommencent à prendre du poids. Cela suggère que c’est la manière dont sont absorbées les substances nutritives qui est modifiée. « Autrement, nous pourrions nous attendre à ce que les souris soumises au froid continuent à perdre du poids, puisqu’elles continuent à brûler des calories afin de générer de la chaleur, explique Mirko Trajkovski. Nous avons été stupéfaits d’observer que les modifications du microbiote pendant une exposition au froid favorisaient, en réalité, une augmentation de la longueur de l’intes- tin et des microvillosités. » Les microvillosités sont de petites projec- tions qui dépassent de la paroi intestinale et accroissent la surface absorbante de l’intestin. Par conséquent, l’absorption des substances nutritives s’intensifie. Ceci signifie que le microbiote a également la capacité de réguler la morphologie de l’intestin.

Une bactérie fascinante appelée Akkermansia muciniphila

Lorsque le profil du microbiote se modifie avec le froid, on observe une réduction drastique d’une bactérie spécifique, appelée Akkermansia muciniphila. Cette bactérie est en effet un élément essentiel du mécanisme d’adaptation au froid. Si elle est administrée artificiel- lement, la longueur de l’intestin revient à une taille normale et les souris exposées au froid continuent à perdre du poids.

Le microbiote des personnes souffrant d’obésité semble manquer de cette même bactérie, qui a la capacité de réguler l’absorption des nutriments alimentaires. En continuant leur étude sur cette bactérie, les scientifiques espèrent développer des solutions inédites pour lutter contre l’obésité. Cette découverte va au-delà de son potentiel comme traitement anti-obésité. « L’intestin est également notre tissu endocrinien le plus grand ; il sécrète de nombreuses hormones qui agissent sur différentes parties de notre corps. La modification de la morphologie de l’intestin pourrait alors être l’une des manières pour le microbiote d’influer sur tous les autres organes, y compris notre cerveau », conclut le Professeur Trajkovski.

Contact: Mirko Trajkovski  +41 22 379 52 56

30 nov. 2015

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