2016

Contre-offensive du virus de l'hépatite B

facteur de restriction
Le facteur de restriction est visible (en vert) dans le noyau d’une cellule non infectée (en bleu). Par contre, le facteur de restriction n’est pas présent dans une cellule infectée (en rouge). ©Gilead Sciences, Inc.

Le virus de l’hépatite B infecte les cellules du foie et peut causer non seulement une maladie aigüe transitoire, mais également des infections chroniques. A long terme, celles-ci entraînent des lésions pathologiques graves, telles que des cirrhoses ou des cancers du foie. Selon l’OMS, le virus de l’hépatite B affecte, sous sa forme chronique, près de 240 millions de personnes dans le monde et tue près de 800 000 personnes chaque année. Des médicaments existent, mais après l’arrêt du traitement, l’infection reprend. En étudiant une caractéristique particulière du chromosome du virus de l’hépatite B, une équipe internationale, menée par des chercheurs de la Faculté de médecine de l’Université de Genève (UNIGE), est parvenue à comprendre comment notre système immunitaire se défend contre l’infection par le virus de l’hépatite B, mais surtout comment celui-ci contre-attaque grâce à l’action de la protéine X. Cette protéine bien particulière pourrait constituer la clef d’une stratégie thérapeutique innovante. Des résultats à lire dans Nature.

Le virus de l’hépatite B, dont le pouvoir infectieux est jusqu’à 100 fois plus élevé que celui du VIH/Sida, se transmet essentiellement par le sang ou par les autres liquides biologiques. L’un des modes de transmission les plus susceptibles de conduire à une maladie chronique consiste en une infection mère-enfant. En effet, quand un adulte transmet le virus à un autre adulte, la probabilité que l’infection aiguë devienne chronique est de l’ordre de 5%. Mais d’une mère à son enfant, ce taux atteint les 90%. Près d’un tiers de ces enfants présenteront ensuite de graves lésions du foie et risquent de transmettre la maladie à leurs proches. Il est donc urgent de mettre au point des traitements efficaces pour ces patients.

Un anneau protecteur détruit par la protéine X

Lors de l’infection, les virus s’accrochent aux cellules cibles grâce à des protéines faisant office de «crochets moléculaires». Lorsque ces crochets sont fixés l’un à l’autre, la membrane du virus et celle de la cellule fusionnent, comme deux bulles de savon qui se fondent l’une dans l’autre, et le chromosome du virus entre dans la cellule. Comme première ligne de défense contre les infections virales, nos cellules produisent des protéines, appelées « facteurs de restriction». Ceux-ci possèdent une double fonction : détecter certains composants viraux et bloquer l’infection. Ils constituent donc une première ligne de défense importante contre les virus.

Le chromosome du virus de l’hépatite B, qui a la forme d’un cercle, voyage quant à lui jusqu’au noyau de la cellule. Une fois à l’intérieur du noyau, il conserve sa forme circulaire et demeure indépendant des chromosomes de la cellule. Que se passe-t-il ensuite ? C’est ce qu’a découvert le professeur Michel Strubin, microbiologiste à la Faculté de médecine de l’UNIGE, en collaboration avec l’Université de Lyon et des chercheurs du laboratoire américain Gilead. Peu de temps après l’entrée du chromosome viral dans le noyau de la cellule, une molécule en forme d’anneau vient se fixer sur le chromosome du virus.

Cet anneau, en détectant la forme particulière du chromosome viral de l’hépatite B, agit comme un facteur de restriction capable de remarquer l’infection et de lui bloquer l’accès. Il empêche de ce fait la production de composants viraux et la formation de nouveaux virus. Et c’est parce que le chromosome du virus de l’hépatite B reste sous sa forme circulaire, séparée des chromosomes de la cellule, qu’il peut être détecté par l’anneau.

Mais le virus sait se défendre. «Si l’histoire s’arrêtait là, le virus n’existerait plus. C’est sans compter sur ses remarquables facultés d’adaptation pour lutter contre nos systèmes de défense,» explique Michel Strubin. «Le virus contre-attaque en produisant une petite protéine, appelée protéine X, dont la fonction est précisément de détruire l’anneau. Cette protéine emmène l’anneau protecteur vers une autre molécule cellulaire qui fait office de poubelle, afin de s’en débarrasser.» L’anneau n’existant plus, de nouvelles particules virales sont produites et l’infection des cellules voisines se poursuit.

Neutraliser la protéine X

Cette découverte permet maintenant d’imaginer plusieurs stratégies thérapeutiques, centrées sur la protéine X. Si les chercheurs parviennent à l’empêcher de se fixer soit à la poubelle, lorsqu’elle cherche à se débarrasser de l’anneau protecteur de la cellule, soit à l’anneau lui-même, la protéine X restera sans effet. Encerclé par l’anneau, le chromosome viral ne pourra pas fabriquer de nouveaux composants viraux. « La compréhension de ce mécanisme offre de nouvelles perspectives thérapeutiques insoupçonnées. La recherche continue afin d’appliquer cette découverte fondamentale au développement de médicaments innovants qui parviendraient à neutraliser l’action de la protéine X», souligne le docteur Simon Fletcher, du laboratoire Gilead, qui a apporté la vérification in vivo des découvertes des microbiologistes genevois.

De plus, ce mécanisme pourrait concerner des virus autres que celui de l’hépatite B. En effet, les virus de l’herpès ou celui du papillomavirus humain – qui peut provoquer des cancers du col de l’utérus – possèdent eux aussi un chromosome circulaire. C’est pourquoi les scientifiques vont à présent chercher à déterminer si cet anneau est aussi capable de bloquer les chromosomes de ces autres virus.

Contact: Michel Strubin, 022 379 56 90

10 mars 2016

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