2017

Les lipides favorisent la formation de tumeurs dans le foie

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L’accumulation de lipides (en rouge) dans les tissus du foie favorise le développement de carcinomes hépatocellulaires, les cancers primitifs du foie.

 

Les lipides sont une source d’énergie essentielle et un composant cellulaire important.  La croissance rapide et incontrôlée des cellules cancéreuses en nécessite une grande quantité. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et du Biozentrum de l’Université de Bâle ont découvert que la protéine mTOR stimule chez la souris la production de lipides dans les tumeurs du foie, dans le but de satisfaire, entre autres, les besoins énergétiques accrus des cellules cancéreuses. Leur recherche, publiée dans Cancer Cell, montre que ce processus est également observé chez des patients atteints de cancer du foie.

En Suisse, environ 650 nouveaux cas de cancer du foie sont diagnostiqués chaque année. L’incidence des tumeurs hépatiques malignes et agressives a doublé ces vingt dernières années, plus particulièrement dans les pays développés. L’une des causes possibles est la hausse de l’obésité et du diabète. Les équipes de scientifiques, menées par le professeur Howard Riezman du Département de biochimie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, et par le professeur Michael N. Hall du Biozentrum de l’Université de Bâle, ont approfondi la connaissance scientifique autour du développement tumoral et de la progression de la maladie. À partir de modèles murins et d’échantillons prélevés sur des patients, les chercheurs ont démontré que le régulateur de la croissance cellulaire, mTOR (cible de la rapamycine chez les mammifères) favorise la synthèse lipidique de novo et donc la tumorigenèse. L’accumulation d’acides gras et de lipides dans le foie est l’une des causes majeures conduisant au carcinome hépatocellulaire.

 

Le foie: détoxifiant et approvisionneur d’énergie

«D’une certaine façon, le foie est la cuisine de notre corps», explique Yakir Guri, docteur en médecine au Biozentrum de l’Université de Bâle et premier auteur de l’étude. Le foie stocke et recycle les nutriments, produit des précurseurs d’hormones et détoxifie le corps en éliminant les substances nocives comme les drogues ou l’alcool. «La consommation excessive d’alcool, mais aussi l’obésité et le diabète associés à un manque d’activité physique peuvent nuire à son fonctionnement», souligne-t-il. L’une des maladies fréquente qui attaque le foie est la stéatose hépatique. Surnommée «foie gras», elle est un premier syndrome asymptomatique qui peut provoquer une inflammation et évoluer en carcinome hépatocellulaire (CHC). Les cellules CHC, agressives et très prolifératives, finissent par détruire les tissus sains situés aux alentours et conduisent à une insuffisance hépatique.

Les chercheurs ont d’abord étudié la progression de la maladie chez la souris. Pour cela, ils ont provoqué l’activation constitutive de mTOR, spécifiquement dans les cellules du foie. « Nous savions déjà que l’enzyme mTOR participe au développement tumoral, car elle est le pivot central qui contrôle la croissance cellulaire. Cependant, dans le cas du CHC, nous ne savions pas quelles voies métaboliques et quels méchanismes de signalisation sont affectés en aval », raconte Yakir Guri. Les chercheurs ont découvert que le complexe mTORC2 (mTOR forme deux complexes protéiniques appelés mTORC1 et mTORC2) favorise la synthèse de nouveaux acides gras et de certains lipides. «La plupart des gens n’ont pas conscience que notre corps contient plus de types de lipides que de gènes. On pense qu’il en existe des milliers, affirme Yakir Guri. Avec l’équipe d’Howard Riezman, nous avons pu analyser une gamme étendue de ces lipides.»

 

La synthèse lipidique est nécessaire au développement tumoral

S’agissant des hépatocytes, cellules du foie qui assurent de nombreuses fonctions métaboliques, mTORC2 stimule particulièrement la production de deux espèces de lipides nécessaires à la croissance cellulaire : les sphingolipides et les cardiolipines. Les premiers sont des composants structurels des membranes cellulaires. Ils doivent être fournis en continu aux cellules pour qu’elles prolifèrent rapidement. Les cardiolipines, elles, se trouvent dans la « centrale énergétique » des cellules, la mitochondrie, et participent à la production d’énergie nécessaire au métabolisme cellulaire. En augmentant la synthèse des cardiolipines, les cellules tumorales garantissent leur approvisionnement en énergie. « Les cellules cancéreuses dépendent de la synthèse de nouveaux acides gras et de lipides : si vous fermez le robinet de production, vous stoppez le développement des tumeurs ».

L’analyse d’échantillons de tissus appartenant à des patients atteints de carcinome hépatocellulaire a confirmé les observations réalisées à partir des modèles murins. L’activité du complexe mTORC2 est affectée dans les échantillons tumoraux prélevés sur les patients conduisant à la synthèse de novo d’acides gras et de lipides.  Le complexe de protéines mTORC2 joue donc un rôle clé dans le développement de tumeurs agressives. Cette étude marque une avancée importante pour le développement de potentielles interventions thérapeutiques. En effet, elle montre que l’utilisation ciblée d’inhibiteurs de la lipogenèse pourrait empêcher le développement tumoral.
Ce projet a été financé par le Conseil Européen de la Recherche (CER), la Fondation Recherche suisse contre le Cancer et le Pôle de Recherche National (PRN) Biologie chimique.

11 déc. 2017

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