2017

Interface cerveau-machine: le trafic enfin bidirectionnel

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Une nouvelle interface cerveau-machine optique ouvrant la voie à une communication bidirectionnelle avec le cerveau. Le laser rouge permet d’imager l’activité neuronale de la souris et ainsi le contrôle du bras robotique. Le laser bleu va ensuite livrer une microstimulation optique au cerveau, retransmettant la position du bras. © Daniel Huber, UNIGE

 

Depuis les années septante, les scientifiques travaillent sur les interfaces cerveau-machine. L’usage de neuro-prothèses en cas de paralysie ou d’amputation en est l’une des applications. Afin de pouvoir compenser la perte motrice, un membre bionique actionné par l’activité cérébrale permet de retrouver une certaine mobilité. Pour ce faire, les chercheurs enregistrent à l’aide d’électrodes l’activité des neurones et la traduisent en commandes. Ces actions permettent le mouvement du membre robotique. Toutefois, ce système manque cruellement de précision, ceci étant notamment lié à l’absence de perceptions sensorielles du membre artificiel. Des neuroscientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) se sont alors demandés s’il était possible de transmettre au cerveau cette sensation manquante par stimulation neuronale. Ils ont ainsi découvert que non seulement ils pouvaient rendre accessibles au cerveau ces sensations artificiellement, mais aussi que leur apprentissage se faisait très rapidement. Cette découverte, à lire dans le journal scientifique Neuron, est effectuée en utilisant uniquement des moyens d’imageries et de stimulations optiques, offrant une nouvelle alternative à l’usage d’électrodes classiques.

La fonction motrice nous permet d’interagir avec le monde. Dès lors, compenser la perte d’un membre par l’usage d’une prothèse robotique est au cœur de nombreuses recherches, mais les succès dans ce domaine sont encore rares. Pourquoi ? Jusqu’à aujourd’hui, l’interface cerveau-machine fonctionne principalement grâce à la perception visuelle : je vois le bras bionique et je le fais bouger. Les informations sont donc transmises de manière unidirectionnelle entre le cerveau et la machine. Toutefois, le corps ne fonctionne pas uniquement sur la vision, mais surtout sur la proprioception, c’est-à-dire sur la perception du corps dans l’espace. «Nous nous sommes alors interrogés sur la possibilité de mettre en place un trafic bidirectionnel entre le cerveau et la machine : à la fois lire l’activité neuronale, la traduire en mouvement robotique et réinjecter un retour d’informations sensorielles de ce mouvement dans le cerveau», explique Daniel Huber, professeur au Département de neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE.

Injecter la sensation du mouvement de manière artificielle

L’équipe de Daniel Huber est spécialisée en méthodes d’enregistrements et de stimulations optiques, laissant de côté les électrodes plus invasives. Il s’agit alors de mesurer l’activité de chaque neurone individuellement à l’aide d’un microscope biphotonique. « Nous avons voulu voir si les souris sont capables d’apprendre à contrôler un bras bionique uniquement à l’aide d’un retour de sensation artificielle», explique Mario Prsa, chercheur à l’UNIGE et premier auteur de l’étude. «Nous avons dans un premier temps observé l’activité des neurones dans le cortex moteur. Lorsque la souris décharge le bon neurone, celui qui génère le mouvement, nous réinjectons simultanément cette information dans le cortex sensoriel à l’aide d’une lumière bleue.» En effet, les neurones sensoriels ont été rendus photosensibles à cette lumière, ce qui leur permet d’être activés par une série de flashs et ainsi intégrer l’information sensorielle. A chaque bon usage neuronal, la souris reçoit une récompense et 20 minutes plus tard, une fois ce mécanisme compris, le rongeur parvient plus fréquemment à activer correctement le neurone.

Cela signifie que non seulement la souris perçoit l’information sensorielle du mouvement, mais qu’elle l’intègre efficacement. L’interface cerveau–machine fonctionne ainsi de manière bidirectionnelle. Les chercheurs genevois pensent que cette alternative sensorielle s’apprend rapidement, car elle est fondée sur un mode de fonctionnement très naturel et basique du cerveau. Sentir nos membres se fait sans réflexion et concerne les mécanismes de base des circuits neuronaux. Dès lors, ce type d’interface pourrait permettre dans le futur de faire bouger un bras bionique plus rapidement, sentir l’objet touché ou percevoir la pression nécessaire pour l’empoigner.

A présent, les neuroscientifiques de l’UNIGE regardent comment construire un retour sensoriel encore plus efficace. Aujourd’hui, ils sont capables de le faire pour un mouvement, mais est-ce possible de faire de multiples retours sensoriels pour des mouvements simultanés? Ces recherches jettent les bases du développement d’une nouvelle génération de neuro-prothèses bidirectionnelles, plus précises.

Un seul neurone nécessaire au mouvement

L’utilisation des moyens optiques permet également d’observer les neurones impliqués lors de l’apprentissage de la souris. «Nous savons qu’il y a des millions de connections neuronales. Pourtant, nous avons constaté que le rongeur n’activait que le neurone que nous avions choisi pour l’exécution du mouvement, et qu’il ne sollicitait pas d’autres neurones avoisinants, ajoute Daniel Huber. C’est une découverte très intéressante, car maintenant nous savons que le cerveau peut contrôler un seul et unique neurone de manière volontaire.» Les chercheurs pourraient alors utiliser ce savoir pour développer des approches de décodage plus précises et stables. Reste à découvrir quels mécanismes sont impliqués dans la sélection de l’unique neurone activé.

Contact: Daniel Huber, 022 379 53 47

23 févr. 2017

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