2017

Diabète de type 2, tout commence dans le foie

Des scientifiques de l’UNIGE dévoilent le lien entre obésité et résistance à l’insuline dans les cellules du foie.

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Le bâtiment du Centre médical universitaire (CMU). Droits réservés

 

L’obésité touche aujourd’hui 650 millions de personnes dans le monde et est un enjeu majeur de santé publique. L’un de ses effets néfastes est d’augmenter le risque de développer des maladies métaboliques, principalement le diabète de type 2. Si les liens étroits entre obésité et diabète de type 2 sont bien connus, les mécanismes cellulaires et moléculaires par lesquels l’obésité prédispose au développement de l’insulinorésistance sont encore mal compris. Des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) ont découvert les facteurs qui lient l’obésité et la résistance à l’insuline, ainsi que le rôle clé joué par le foie dans l’apparition de la maladie. En déchiffrant comment la protéine PTPR-γ, dont la présence augmente en cas d’obésité, inhibe les récepteurs de l’insuline situés à la surface des cellules hépatiques, les scientifiques ouvrent la voie à de possibles stratégies thérapeutiques. Ces résultats sont à découvrir dans la revue Nature Communications.

 

L'expansion des cellules adipeuses - l’une des caractéristiques de l'obésité - entraîne une augmentation de signaux inflammatoires qui agissent sur le foie comme sur plusieurs autres organes. L'inflammation provoquée par l'obésité déclenche l'activation d'un facteur de transcription appelé NF-kβ, qui semble jouer un rôle déterminant dans le développement du diabète. Mais quels sont les mécanismes cellulaires et moléculaires en jeu ? Comment peuvent-ils conduire à de nouvelles stratégies thérapeutiques? « Pour répondre à ces questions, nous nous sommes concentrés sur une protéine appelée PTPR-γ (pour Protein Tyrosine Phosphatase Receptor Gamma), qui est une cible de NF-kβ », explique le professeur Roberto Coppari, coordinateur du Centre du diabète de la Faculté de médecine de l'UNIGE. « Nous avons d'abord examiné plusieurs groupes de patients qui ont mis en évidence une teneur élevée en PTPR-γ dans le foie en cas d'inflammation, un effet qui pourrait affecter directement les récepteurs de l'insuline en inhibant leur action », ajoute-t-il.

 

Pas de diabète sans PTPR-γ

Pour vérifier leur hypothèse, les scientifiques ont modifié les niveaux d'expression de PTPR-γ chez des souris, soit en la supprimant, soit en l’exprimant normalement ou encore en la surexprimant, pour en observer l'effet sur la résistance à l'insuline.  « Les souris totalement dépourvues de PTPR-γ, nourries avec un régime hypercalorique, sont bien devenues obèses. Mais elles n'ont montré aucun signe de résistance à l'insuline et semblaient être entièrement protégées contre le diabète d'origine alimentaire », explique Xavier Brenachot, chercheur à la Faculté de médecine de l'UNIGE et premier auteur de cette étude. Les scientifiques ont également administré du lipopolysaccharide, une toxine appartenant à certaines bactéries du microbiote intestinal associée à l'obésité et à l'insulinorésistance. Et là encore, les animaux dépourvus de PTPR-γ n'ont pas développé de résistance à l’insuline.

Pour affiner leur analyse, Roberto Coppari et ses collègues ont reconstitué l'expression du PTPR-γ à des niveaux normaux, mais seulement dans les hépatocytes (des cellules du foie). Les souris étaient à nouveau sujettes à l'insulinorésistance, ce qui indiquait le rôle central du foie. De plus, il a suffi de doubler l’expression de la protéine PTPR-γ dans le foie – imitant ainsi la physiopathologie naturelle de l'obésité - pour provoquer une insulinorésistance.

 

Une nouvelle cible thérapeutique?

Les fonctions métaboliques de cette protéine n’avaient jusqu’ici jamais été caractérisées. Cette découverte ouvre donc potentiellement la voie à de nouvelles thérapies. Des études antérieures avaient déjà été menées sur les protéines PTP, dans l’espoir hélas vain de trouver de nouveaux traitements contre le diabète. Cependant, contrairement à certains membres de sa famille qui sont de nature intracellulaire, la protéine identifiée à Genève est située sur la membrane cellulaire ; elle constitue donc une cible beaucoup plus accessible pour les molécules thérapeutiques. De plus, la forme même de cette protéine permet d’imaginer des stratégies d'inhibition. En effet, lorsque deux molécules PTPR-γ indépendantes sont réunies par un ligand, une molécule capable de se lier à elles, elles ne peuvent plus agir. Les chercheurs travaillent donc actuellement à identifier le ligand endogène produit par l'organisme ou à développer des molécules qui pourraient imiter sa fonction.

 

Du chevet du patient au laboratoire, et vice-versa

«Cette étude n'aurait pas été possible sans le Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE, créé en 2015 pour améliorer les interactions entre les chercheurs cliniques et les chercheurs en science fondamentale. Ces liens – que l’on appelle la recherche translationnelle, façonnera à mon avis la médecine de demain.», indique Roberto Coppari. « En effet, cette étude se base sur des observations cliniques effectuées aux HUG par le professeur Francesco Negro, qui est également membre du Centre du diabète. Nous espérons que nos résultats précliniques et cliniques se traduiront à leur tour par des progrès cliniques et contribueront ainsi à une meilleure prise en charge du diabète de type 2, une maladie qui touche aujourd'hui 1 adulte sur 11 dans le monde, soit 422 millions de personnes. »

28 nov. 2017

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