2019

Des traitements de nouvelle génération pour le diabète?

En identifiant une protéine clé dans la régulation du glucose et des lipides dans le sang, des chercheurs de l’UNIGE espèrent le développement rapide de thérapies plus efficaces que l’insulinothérapie actuelle.

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A gauche, îlot pancréatique d’une souris saine (en rouge, les cellules produisant de l’insuline). A droite, îlot pancréatique d’une souris déficiente en insuline (les cellules produisant l’insuline sont pratiquement absentes). © UNIGE

 

L’insuline, une hormone essentielle à la régulation de la glycémie et des niveaux de lipides, est normalement produite par les cellules  β du pancréas. Chez de nombreuses personnes diabétiques, les cellules pancréatiques ne sont pas ou plus fonctionnelles, causant une carence chronique et potentiellement mortelle qui ne peut être contrôlée qu’au travers d’injections quotidiennes d’insuline. Cette approche ne permet pas de rétablir un équilibre métabolique et comporte de graves effets indésirables en augmentant notamment le risque d’hypoglycémie grave. Afin de proposer des alternatives thérapeutiques plus efficaces, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) ont identifié une protéine nommée S100A9 qui, dans certaines conditions, semble agir comme régulateur de la glycémie et des lipides, tout en évitant les effets secondaires les plus délétères de l’insuline. Cette découverte, à lire dans la revue Nature Communications, ouvre la voie à un meilleur traitement du diabète et pourrait considérablement améliorer la qualité de vie des dizaines de millions de personnes concernées.

Les injections d’insuline sont actuellement indispensables à la survie de patients souffrant d’un diabète de type 1 ou d’une forme sévère de diabète de type 2. Ce traitement n’est pourtant pas sans risque: surdosé, il peut déclencher une hypoglycémie, c’est-à-dire une chute du taux de glucose dans le sang pouvant mener au coma ou même à la mort.  Mais sous-dosé, il risque d’engendrer une hyperglycémie tout aussi dangereuse. De plus, l’insuline participe au contrôle des corps cétoniques, des éléments issus de la dégradation des lipides par le foie lorsque les réserves en glucose sont insuffisantes et qui, en trop grande quantité, deviennent toxiques. Par ailleurs, les traitements insuliniques à long terme engendrent un excès de graisse et de cholestérol dans le sang et donc un risque accru de maladies cardiovasculaires.

En 2010 déjà, l’équipe de Roberto Coppari, professeur au Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE, mettait en évidence les propriétés gluco-et lipido-régulatrices de la leptine, une hormone impliquée dans le contrôle de l’appétit. «Cependant, la leptine s’est révélée difficile à utiliser pharmacologiquement chez l’être humain, en raison de l’apparition de résistances dans l’organisme, souligne Roberto Coppari. Afin de contourner ce problème, nous nous sommes penchés sur les mécanismes métaboliques que déclenche la leptine, plutôt que sur cette hormone elle-même.»


Une protéine efficace malgré sa mauvaise réputation

Les scientifiques ont ainsi observé les modifications dans le sang de souris présentant une déficience en insuline et à qui ils administraient de la leptine. Ils ont noté la présence en abondance de la protéine S100A9. «Cette protéine a mauvaise réputation car, lorsqu’elle se lie à sa protéine-sœur S100A8, elle crée un complexe appelé calprotectine, à l’origine des symptômes de nombreuses maladies inflammatoires ou auto-immunes», souligne Giorgio Ramadori, chercheur au Centre du diabète de la Faculté de médecine de l’UNIGE et premier auteur de ces travaux. «Cependant, en sur-exprimant S100A9, nous pouvons paradoxalement réduire sa combinaison nocive avec S100A8 et ainsi limiter la formation de calprotectine.» 

Les scientifiques ont ensuite administré à leurs souris souffrant d’insulino-déficience des doses élevées de S100A9. Ils ont alors constaté une amélioration de la gestion du glucose, ainsi qu’un meilleur contrôle des corps cétoniques et des niveaux de lipides, des anomalies métaboliques dont souffrent fréquemment les personnes diabétiques.

Afin de mieux comprendre ce mécanisme chez l’être humain, l’équipe du professeur Coppari mène actuellement une étude clinique d’observation, en collaboration avec les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), chez des patients diabétiques de type 1 et 2 présentant des taux de glucose très élevés, afin d’identifier les corrélations entre le niveau de S100A9 dans le sang et la sévérité des symptômes. «Chez l’être humain, des études antérieures ont déjà indiqué que l’augmentation du taux de S100A9 correspond à une réduction des risques de diabète. Ces résultats renforcent donc la pertinence clinique de nos données. C’est pourquoi nous travaillons actuellement à la mise en œuvre d’essais cliniques de phase I chez l’homme pour tester directement l’innocuité et l’efficacité du S100A9 en cas de déficit en insuline», explique Roberto Coppari.


Vers des traitements combinés

Deuxième découverte: la protéine S100A9 ne semble fonctionner qu’en présence de TLR4, un récepteur situé sur la membrane de certaines cellules – cellules graisseuses et cellules du système immunitaire notamment. «Pourquoi? Pour l’instant, cela reste mystérieux», souligne Roberto Coppari. Les chercheurs travaillent actuellement à un traitement qui combinerait de faibles doses d’insuline et de S100A9 pour mieux contrôler le glucose et limiter les effets secondaires de l’insuline fortement dosées. «Nous voulons également décrypter le rôle exact de TLR4, afin d’offrir une stratégie thérapeutique qui permette d’atteindre le délicat équilibre que constitue un contrôle optimal de la glycémie, des corps cétoniques et des lipides.»
L’enjeu est de taille: des dizaines de millions de personnes prennent quotidiennement de l’insuline, et ce tout au long de leur existence, un traitement souvent difficile à équilibrer tant pour les patients que pour le personnel soignant. La nouvelle stratégie thérapeutique que propose Roberto Coppari et son équipe pourrait grandement améliorer leur qualité de vie.


Ces travaux ont été financés par la Commission européenne, le Fonds national suisse pour la recherche scientifique, la Ligue Suisse contre le cancer, la Fondation Louis-Jeantet, la Fondation pour recherches médicales de l’Université de Genève, la Fondation Bo et Kerstin Hjelt pour la recherche sur le diabète et la Fondation Gertrude Von Meissner.

16 oct. 2019

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