2019

Hommage de l’UNIGE à une victime inconnue d’Afrique australe

Une sépulture digne a été donnée à un vestige humain dans le cimetière de Saint-Georges. L’UNIGE examine ses collections au regard de l’éthique et du droit.

 

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Un vestige humain, la tête d’une personne originaire d’Afrique australe, avait été découvert en 1995 dans les réserves des collections anthropologiques de l’Université de Genève (UNIGE). Au terme d’un long et minutieux travail d’investigation, il n’a pas été possible d’identifier plus précisément la victime, son lieu de naissance et la date de sa décapitation - probablement au XIXe siècle - ni même son pays d’origine en vue d’une restitution. Le Rectorat a donc choisi de lui assurer une sépulture digne. La cérémonie d’hommage s’est déroulée ce mardi 3 décembre 2019, au cimetière de Saint-Georges de Genève.

 

Les collections anthropologiques de l’UNIGE comportent de très nombreux ossements humains de toutes les époques et de toutes les régions du globe. Ces restes, exhumés dans le cadre d’un processus de fouille archéologique ou de recherches ethnologiques, en Suisse ou ailleurs, offrent un intérêt scientifique, notamment dans la mesure où ils sont liés à des contextes connus. «Certains vestiges humains détenus par ou déposés à l’UNIGE soulèvent cependant des questions éthiques et juridiques. L’Université a donc procédé à un examen minutieux de ses collections anthropologiques afin de recenser et de résoudre les cas problématiques», explique le recteur Yves Flückiger.

Au terme de ce travail, trois cas ont été identifiés : la tête d’une personne originaire d’Afrique australe ; un ensemble de sept squelettes pygmées dont les identités sont connues et dont les conditions d’exhumation ne permettent pas de garantir que le consentement de leur clan ait été obtenu; un crâne de soldat chinois, tombé au combat en 1885. Des solutions, différentes pour chaque cas, ont pu être trouvées et mises en œuvre.

 

ADN et carbone 14, une enquête minutieuse

La tête de cette personne inconnue est probablement arrivée il y a plus d’un siècle à l’UNIGE. Suite à sa découverte accidentelle dans les réserves du Département d’anthropologie en 1995, une enquête approfondie a été menée pour en déterminer la provenance. Une datation au carbone 14 donne un résultat imprécis à cause d’une courbe de calibration trop «large» pour la période envisagée. «Elle permet néanmoins d’affirmer que le décès a eu lieu après 1666 et avant 1950, avec une probabilité maximale au XVIIIe ou XIXe siècle, le XIXe siècle étant toutefois le plus probable d’après le contexte historique», estime Eric Huysecom, professeur à l’Unité d’anthropologie de la Faculté des sciences. La coiffure comme le type physique de la victime évoquent une origine khoïsane, dont la culture regroupe aussi bien les chasseurs-cueilleurs San (autrefois appelés Bochimans) que les pasteurs Khoïkhoï (Hottentots), présents en Afrique du Sud, au Botswana, en Namibie et même en Angola. Ces indices n’offrent toutefois pas de certitude du point de vue scientifique. L’analyse ADN n’a apporté aucune précision supplémentaire ni permis le rattachement à un groupe ethnique.

Les différentes options possibles ont alors été étudiées en s’appuyant également sur l’expertise d’anthropologues sud-africains. Une restitution à une autorité africaine est apparue impraticable, faute de pouvoir identifier un Etat ou une ethnie d’origine. L’incinération, qui constitue un choix destructeur irréversible, a été écartée elle aussi au profit d’une inhumation en terre genevoise. «Le Rectorat a donc officiellement sorti ce vestige humain des collections de l’Université, le libérant ainsi du point de vue juridique, explique Marc-André Renold, professeur au Centre universitaire du droit de l’art de la Faculté de droit. Toute pièce qui fait partie des collections d’un Musée public ou d’une autre institution étatique est en effet considérée comme appartenant au patrimoine public de l’Etat. Elle est dite inaliénable et ne peut être vendue ni même donnée, sauf si elle est officiellement déclassée.»

La décision du Rectorat était donc nécessaire pour permettre l’inhumation qui a eu lieu ce mardi 3 décembre dans le carré dit « des inconnus » du cimetière de Saint-Georges. Une plaque commémorative, portant la mention « À la personne inconnue originaire d’Afrique australe, décédée sur le continent africain, probablement au XIXe siècle, et autrefois conservée à l’Université de Genève » a été apposée sur la tombe.

 

Accord avec des institutions africaines

Concernant les sept squelettes pygmées, l’UNIGE s’est rapprochée de l’Université de Lubumbashi et du Musée National de Lubumbashi, en République Démocratique du Congo (RDC). Les trois entités académiques ont conclu, en juin 2018, que la propriété des squelettes devrait revenir à l’Université de Lubumbashi. Toutefois, le retour physique de squelettes humains en RDC restant une entreprise délicate, les ossements font désormais l’objet d’un prêt de longue durée de l’Université de Lubumbashi à l’Université de Genève. Leur accès et leur usage par la communauté scientifique sont gérés à distance par l’institution congolaise, qui décide seule de toute recherche éventuelle pouvant être conduite par elle-même ou par des équipes universitaires étrangères.

 

Rapprochement des autorités chinoises

L’UNIGE s’est enfin rapprochée des autorités chinoises afin d’étudier la possible restitution du crâne du soldat chinois. Après plusieurs échanges et sans indication contraire de leur part, l’UNIGE conserve pour l’heure ce vestige anthropologique, détenu à l’Unité d’anthropologie (inventaire 1951-24) suite à sa donation en 1951. S’il devait être considéré comme un bien culturel, rien ne s’opposerait à sa restitution. C’est le cas des momies, par exemple, qui sont expressément mentionnées dans les accords bilatéraux que la Suisse a ratifiés avec l’Égypte en 2010 et le Pérou en 2016.

 

3 déc. 2019

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