2019

Les espèces rares s’organisent en ghettos pour survivre

Des chercheurs de l’UNIGE et d’Uméå démontrent que pour résister aux espèces plus fortes, les espèces animales et végétales rares se regroupent en ghettos pour s’entraider, maintenant la biodiversité.

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Les coraux font partie des communautés étudiées qui s’organisent en ghettos. © Bruno Glätsch

Comment survivre lorsque son espèce compte peu de représentants? Une équipe internationale de chercheurs, dirigée par les universités d’Umeå (Suède) et de Genève (UNIGE), démontrent que les communautés animales et végétales s’organisent en quartiers ethniques, où les espèces en faible abondance se regroupent pour renforcer leur persistance contre les espèces plus compétitives. La mise en lumière de ce modèle écologique exceptionnel, illustré par plus de 300 communautés écologiques à travers le monde, est la principale conclusion d’une étude publiée dans Nature Ecology & Evolution sur la biodiversité dans des environnements compétitifs.

«Les communautés animales et végétales sont organisées en quartiers ethniques, comme on peut parfois en retrouver dans certaines grandes mégalopoles», déclare Joaquin Calatayud, chercheur à l’Université d’Umeå, en Suède, qui a dirigé la recherche. Cette organisation pourrait expliquer la persistance des espèces rares dans le temps, car elle les aiderait à échapper à la pression de meilleurs concurrents, soit par la coopération entre espèces rares, soit par l’utilisation de différents micro-habitats.

Les scientifiques ont analysé plus de 300 communautés de mousses, plantes, insectes ou coraux dans diverses régions du monde. En combinant théorie des réseaux et simulations numériques, ils ont détecté des ghettos et exploré les mécanismes derrière ces distributions. Leurs résultats démontrent que le regroupement spatial des espèces à faible abondance accroît leur persistance. «Par exemple, les récifs coralliens de l’île de Tykus (Indonésie) montrent le schéma général observé dans 90% des communautés biologiques analysées dans cet article, explique Jaime Madrigal-Gonzalez, chercheur à l’Institut Forel de l’UNIGE. Sur cette île, Montipora digitata, une espèce de cnidaire, représente l’espèce la plus dominante et la plus abondante du récif corallien. Elle est accompagnée d’espèces rares, comme le corail de feu ramifié ou le corail-champignon bouclier. Pour ne pas être éliminées par l’espèce dominante, ces coraux rares forment de petites associations et ont tendance à pousser l’un à côté de l’autre.»


Une biodiversité qui contre Darwin

Mais comment se fait-il que la biodiversité se maintienne dans des environnements où la concurrence est rude? «En effet, selon la théorie de Darwin, les espèces rares devraient être exclues par des espèces plus efficaces dans des environnements hautement compétitifs», explique Markus Stoffel, professeur au Département F.-A. Forel des sciences de l’environnement et de l’eau de la Faculté des sciences de l’UNIGE. Pourtant, force est de constater que les communautés écologiques sont formées par de multiples espèces rares. Cette étude offre ainsi une première explication à même de résoudre ce nœud gordien majeur des sciences écologiques actuelles.

Ses résultats peuvent également avoir de profondes répercussions sur notre compréhension de la constitution des communautés écologiques. Parmi ses multiples applications, les experts mettent en avant les stratégies de conservation ou encore l’étude des maladies humaines liées aux microbiotes intestinaux, où la coexistence des espèces est cruciale. «Néanmoins, les mécanismes spécifiques conduisant à des groupes d’espèces rares restent inconnus, il nous faut encore creuser», conclut Markus Stoffel.

17 déc. 2019

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