2019

Un échafaudage solide pour nos cellules

Des chercheurs de l’UNIGE ont découvert le rôle fondamental de la protéine Not1, qui permet aux protéines de se retrouver et de s’assembler selon un rythme précis au bon endroit et au bon moment.

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Image de cellules humaines. L’expression de Not1 a été supprimée et les protéines «partenaires» ne s’assemblent pas (points rouges et verts distincts.) © Syam Prakash Somasekharan, Vancouver Cancer Institute

 

Pour exécuter correctement la tâche pour laquelle elles ont été synthétisées, les protéines doivent d’abord s’assembler pour constituer des «machines» cellulaires efficaces. Mais comment font-elles pour reconnaître leurs partenaires au bon moment ? Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) décryptent le rôle fondamental de la protéine Not1, conservée dans tous les organismes eucaryotes : en régulant l’activité des ribosomes – les «usines à protéines» de nos cellules –  Not1 permet aux protéines devant travailler ensemble d’être synthétisées au même endroit et au même moment. En identifiant ce mécanisme inconnu jusqu’ici, les scientifiques genevois permettent de mieux comprendre l’un des éléments les plus fondamentaux de la machinerie cellulaire, qui, s’il dysfonctionne, pourrait être à l’origine de nombreuses pathologies. Des résultats à découvrir dans la revue Nature Structural & Molecular Biology.

Dans les cellules humaines, comme chez tous les organismes eucaryotes, le matériel génétique se trouve dans le noyau sous forme d’ADN. Pour effectuer le programme génétique contenu dans l’ADN, celui-ci est d’abord transcrit en ARN, qui à son tour traduit ce programme en protéines grâce aux ribosomes, des petites machines qui produisent les protéines en décodant l’ARN.

Une fois synthétisées, les protéines arrivent dans le cytoplasme, la partie de la cellule située entre le noyau et la membrane, là où se déroule l’essentiel de l’activité cellulaire. Cependant, pour fonctionner correctement, les protéines doivent s’assembler pour former des «machines» cellulaires et exécuter les tâches pour lesquelles elles ont été produites. «Or, le cytoplasme est encombré de quantités de protéines, RNAs et organelles», souligne Martine Collart, professeure à la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux. «Imaginons un concert géant auquel doit participer un groupe de musiciens. La salle, bondée de spectateurs, comporte des dizaines de portes. Comment les musiciens, au milieu de cette foule immense, vont-ils tous se retrouver à temps pour se produire ? C’est un peu ce qui se passe à chaque instant dans le cytoplasme: les protéines appartenant à un même complexe cellulaire doivent se trouver et s’assembler pour fonctionner correctement.»


Not1, protéine multifonction de l’échafaudage cellulaire

Mais comment les protéines se retrouvent-elles ? C’est là qu’intervient Not1, une très grosse protéine qui joue le rôle d’échafaudage et de balise pour permettre l’assemblage des protéines selon le programme génétique qu’elles doivent exécuter. Les chercheurs genevois sont parvenus à démontrer que l’ARN messager s’associe à Not1 avant même la fabrication des protéines. Ainsi, lorsque l’ARN commence à être lu, les protéines sont synthétisées côte à côte. Fabriquées à proximité, elles n’ont plus de difficultés à s’assembler, «comme si tous nos musiciens étaient entrés par la même porte !», s’enthousiasme Martine Collart.

Pour confirmer leur hypothèse, les chercheurs ont étudié une machinerie cellulaire, le protéasome, dont la fonction est de dégrader les protéines mal formées, inutiles ou obsolètes. Un mécanisme important qui, lorsqu’il est perturbé, peut causer différentes maladies, dont de nombreuses maladies neuro-dégénératives, caractérisées justement par un surplus de protéines agrégées qui n’ont pas été dégradées. En empêchant l’expression de Not1, les scientifiques ont observé que les protéines du protéasome n’étaient plus en mesure de s’assembler pour accomplir leur tâche.

Not1 a été identifiée par la professeure Collart en 1990 déjà. «J’ai passé près de 30 ans à comprendre son rôle exact, et surtout à démontrer pourquoi Not1 est un élément absolument essentiel au bon fonctionnement cellulaire et conservé dans tous les organismes eucaryotes, de la levure aux êtres humains . Mais pour apporter la preuve de ce que j’avançais, il a fallu attendre le développement d’une nouvelle technologie, décrite pour la première fois il y a seulement neuf ans, qui permet d’étudier «en direct» la traduction des ARN messagers en protéines.»


Tout est affaire de rythme

Cette technologie – appelée «profil de ribosome» – permet d’observer la progression de la synthèse protéique par le ribosome. Les chercheurs ont rapidement constaté que, loin de travailler à une vitesse constante, le ribosome fait souvent des pauses plus ou moins longues avant de redémarrer. Lors d’une pause, les portions de protéines déjà synthétisées commencent sans tarder à s’associer à leurs «partenaires». Ces interruptions ne semblent donc ne rien devoir au hasard, mais au contraire permettent aux protéines de s’assembler rapidement et de manière ordonnée en limitant le risque d’interférence. Not1 permettrait donc non seulement aux protéines de s’assembler, mais régulerait aussi le rythme de travail des ribosomes.
En mettant au jour un mécanisme cellulaire aussi fondamental, ces travaux montrent qu’un mauvais fonctionnement de Not1 pourrait être une clé intéressante pour la compréhension de bon nombre de pathologies. «Afin d’affiner nos analyses, nous avons effectué en parallèle des profils de ribosome sur des cellules cancéreuses humaines et sur des cellules saines et nous avons observé d’importantes différences de rythme. Mais comment ce rythme est-il contrôlé ? Serait-il possible d’intervenir ? Ce sont quelques-unes des nombreuses questions auxquelles nous devons encore répondre», conclut Martine Collart.

28 janv. 2019

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