2019

Des températures extrêmes frapperont les villes d'Afrique

Une équipe internationale de chercheurs a croisé pour la première fois projections démographiques et scénarii climatiques à l’échelle du continent africain, révélant le nombre de personnes potentiellement exposées à des températures extrêmes.

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©DR

 

Le changement climatique, la croissance démographique et l’urbanisation jouent un rôle déterminant sur l’augmentation de l’exposition aux températures extrêmes. Des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de Twente (Pays-Bas) et le Joint Research Center de l’Union européenne à Ispra en Italie ont évalué différents scénarii possibles de l’évolution du changement climatique et du développement socio-économique dans 173 villes africaines pour les années 2030, 2060 et 2090. Leurs résultats, à lire dans la revue Earth’s Future, démontrent qu’un tiers des Africains vivants en ville pourraient être touchés par ces vagues de chaleur extrêmes en 2090. Leurs projections soulignent également l’influence du développement socio-économique sur les impacts du changement climatique.

L’impact du changement climatique se fait spécifiquement ressentir dans les pays aux climats tropicaux, caractérisés par une forte humidité et des températures extrêmes. A cela s’ajoutent le développement socio-économique et la forte urbanisation que connaissent les pays de ces régions, particulièrement en Afrique, qui conduisent à une explosion de la croissance démographique en ville. La combinaison de ces deux facteurs impacte fortement les conditions de vie des personnes vivant dans les villes africaines, notamment au niveau des températures extrêmes, voire mortelles. «Nous considérons que le seuil critique se situe à 40,6 degrés Celsius en température ressentie, soit en prenant en compte l’humidité», relève Guillaume Rohat, chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de l’UNIGE. En effet, une forte humidité extérieure perturbe notre capacité de thermorégulation, ce qui peut avoir des conséquences mortelles.

Les scientifiques de l’UNIGE, de l’Université de Twente et du Joint Research Center de l’Union européenne à Ispra ont fondé leurs recherches sur des projections scientifiques du climat et de la démographie future, et non pas sur des données démographiques actuelles, pour calculer le risque dans les années à venir. Une première. «Notre idée était de prendre en compte tous les scénarii possibles de changement climatique et de croissance démographique urbaine, le meilleur comme le pire, afin de savoir ce qui nous attend», explique Guillaume Rohat. Ils ont alors combiné cinq scénarii de projections socio-économiques et trois scénarii de projection du changement climatique effectués par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour les années 2030, 2060 et 2090. « Ceci nous a donné douze combinaisons différentes plausibles pour chacune de ces années et nous a permis de calculer le nombre de personnes par jour exposées à des températures supérieures à 40,6° dans les villes africaines sur une base annuelle. Une personne peut donc être comptée plusieurs fois, car elle pourra être exposée plusieurs jours par an à ces vagues de chaleur », continue-t-il. A partir de ces douze modèles, ils ont analysé la démographie, l’urbanisation, et le climat de 173 villes d’au minimum 300’000 habitants dans 43 pays africains.


Une augmentation drastique de personnes en danger est inévitable

Les premiers résultats de l’étude démontrent que quelque soit le scénario choisi, une augmentation drastique de personnes touchées par des températures extrêmes par année est inévitable. «Dans le meilleur des cas, 20 milliards de personnes-jour seront concernées en 2030, contre 4,2 milliards en 2010, soit une augmentation de 376%, relève Guillaume Rohat. Ce chiffre grimpe à 45 milliards en 2060 (+971%) et atteint 86 milliards en 2090 (+1947%).» Mais si l’on prend le pire scénario pour chacune de ces trois années, à savoir une très forte augmentation démographique, une explosion de l’urbanisation et un climat très perturbé par une augmentation continue de CO2, les chiffres prennent encore l’ascenseur : 26 milliards en 2030 (+519% par rapport à 2010), 95 milliards en 2060 (+2160%) et 217 milliards en 2090 (+4967%)!

Si chaque habitant des 173 villes étudiées était exposée chaque jour de l’année en 2090, on atteindrait le chiffre de 647 milliards. «On constate que le pire scénario de 2090 touche 217 milliards de personnes, soit un tiers de la population urbaine africaine!», s’exclame le chercheur genevois. Cela signifie qu’un tiers des personnes seraient exposées chaque jour à une température ressentie de 40,6° minimum, ou que toutes les villes Africaines  subiraient cette chaleur quatre mois par an. Ce chiffre tombe à 10% dans le meilleur scénario possible en 2030.


Respecter les accords de Paris et les Objectifs de développement durable

L’équipe de scientifiques s’est alors demandée s’il était possible de réduire cette exposition aux chaleurs extrêmes. Ils ont d’abord refait les calculs en utilisant le meilleur scénario climatique possible combiné avec les différents modèles socio-économiques, et ils ont constaté que l’exposition se réduisait de 48% pour l’année 2090. «Ceci nous prouve que si l’on respecte les accords de Paris, on divise par deux le nombre de personnes en danger en 2090, ce qui est encourageant!», se réjouit Guillaume Rohat. Et si l’on prend le meilleur scénario socio-économique dans chacun des modèles climatiques, le nombre de personnes exposées aux températures extrêmes chute de 51% ! «Ici, on relève l’importance des Objectifs de développement durable de l’ONU; soit l’accès à l’éducation, la baisse du nombre d’enfants par femme, l’évolution du niveau de vie, etc..», continue-t-il.

Quelles que soient les hypothèses retenues, l’étude révèle que l’exposition aux températures extrêmes va augmenter fortement. Mais elle montre aussi qu’en agissant vite, cette hausse peut être au moins partiellement jugulée. «C’est pourquoi nous sommes actuellement en contact avec plusieurs villes que nous avons étudiées, se réjouit Guillaume Rohat. Les acteurs locaux s’intéressent aux résultats des années 2030 et 2060 pour s’adapter à l’inévitable et prendre des mesures pour limiter l’urbanisation de leur ville, notamment en améliorant la qualité de vie dans les zones rurales ou en favorisant le développement d’autres villes plus modestes.»

5 juin 2019

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