2020

L’empathie envenime les débats sur l’immigration

Lors d’un conflit, une posture plus empathique des personnes des deux camps aide généralement à l’écoute et à l’apaisement. Mais il n’en est rien lors de conflits sur l’immigration.

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Les personnes orientées politiquement à droite ont moins de motivation à adopter un comportement empathique, elles sont moins ouvertes à essayer de nouvelles choses. Il faut donc prendre cela en compte si on entend résoudre les conflits et rendre plus constructifs les débats autour de l’immigration. ©UNIGE

 

Les débats sur l’immigration sont animés, voire conflictuels. Mais qu’en est-il lorsque partisan-es et opposant-es s’engagent à faire preuve d’empathie et à prendre la perspective de l’autre, des comportements susceptibles d’apaiser les tensions? Une étude réalisée à l’Université de Genève (UNIGE), parue dans la revue Humanities and social sciences communications, révèle que les personnes favorables à l’immigration sont motivées et disposées à s’engager dans l’empathie et la prise de perspective. Au contraire, lorsqu’on leur demande davantage de prendre la perspective de l’autre, les opposant-es se sentent mis-es en concurrence avec leur «adversaire». Si l’empathie n’est pas la clé universelle pour permettre un dialogue sain et constructif autour des questions d’immigration, l’étude montre qu’il est important de tenir compte des points de vue et des orientations politiques des individus pour intervenir efficacement sur la résolution de conflits.

 

Les conflits portant sur des sujets liés à l’immigration sont bien connus, des récents débats sur l’initiative de limitation à l’afflux de réfugiés politiques en Europe, ou encore au mouvement Black Lives Matter. La psychologue et neuroscientifique de l’UNIGE Olga Klimecki et ses collègues se sont intéressé-es à savoir si des interventions autour de l’empathie, connues pour résoudre certains conflits, pouvaient aider à rapprocher les gens et à apaiser les tensions.

 

Duel gauche-droite

Des recherches antérieures ont déjà montré des différences marquées entre les personnes ayant une orientation politique de droite et celles de gauche, en ce qui concerne leur motivation à s’engager dans l’empathie. Les scientifiques genevois-es ont intégré ce facteur dans leur méthodologie. «Nous avons formé des duos composés d’un-e partisan-e et d’un-e opposant-e à l’immigration, sans que les personnes ne soient informées de l’orientation politique de leur duettiste», indique la psychologue de l’UNIGE. «Les couples devaient travailler ensemble à la formulation d’un projet de loi concret pour résoudre dix problématiques liées à l’immigration», poursuit-elle. Les dix problématiques proposaient des questions telles que: «Quand et comment naturaliser les personnes en provenance de l’immigration?», ou «Comment appliquer l’aide sociale destinée aux migrants?». 

 

Expérimenter l’empathie

Les psychologues ont alors formé trois groupes composés de plusieurs duos avec trois instructions différentes pour résoudre la tâche qui leur était demandée. Le premier groupe n’avait pas d’instruction et a servi de groupe contrôle, les personnes du deuxième devaient essayer de ressentir de l’empathie l’un envers l’autre, et les participant-es du troisième groupe devaient essayer de prendre de la perspective en considérant les positionnements, les pensées et les idées de l’autre.

Les résultats de l’étude montrent que les personnes favorables à l’immigration sont motivées à faire preuve d’empathie envers leurs opposants. Les personnes qui y sont opposées, pour leur part, ne sont pas du tout enclines à de tels sentiments. De plus, lorsqu’il leur est demandé de prendre la situation avec recul et perspective, elles indiquent un sentiment de compétition plus haut. «La compétition n’est généralement pas un bon signe de collaboration. Pour nous, les psychologues, c’est un indicateur de la détérioration des relations sociales», déplore-t-elle. 

 

Sortie de crise

L’empathie et la prise de perspective ne sont donc pas des techniques idéales pour résoudre les conflits liés au thème de l’immigration. «D’autres recherches ont pu démontrer que les personnes orientées politiquement à droite ont moins de motivation à adopter un comportement empathique, elles sont moins ouvertes à essayer de nouvelles choses. Il faut donc prendre cela en compte si on entend résoudre les conflits et rendre plus constructifs les débats autour de l’immigration», ajoute-t-elle.

La chercheuse propose des pistes issues d’autres études pour réguler les émotions de manière indirecte et plus fine. «Notre recherche suggère qu’il ne faudrait pas donner d’instructions. Faire lire un texte ou visionner des films contenant des messages positifs et des scènes porteuses d’espoir, dont le sujet n’est pas celui à l’origine du conflit, aide à apaiser les esprits. Il faudrait tester cela dans le cadre des conflits sur l’immigration. Pour finir, nous aimerions tester notre approche de résolution de conflit par l’empathie dans d’autres cultures et d’autres situations géopolitiques», conclut-elle. 

15 oct. 2020

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