2021

Les filaments cosmiques enfin observés !

Prédits par les modèles cosmologiques, les filaments de gaz qui constituent la toile cosmique ont enfin été observés par une équipe d’astronomes, dont des chercheurs/euses de l’UNIGE.

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Simulation cosmologique de l’Univers lointain. Cette image illustre la lumière émise par les atomes d’hydrogène de la toile cosmique dans une région d’environ 15 millions d’années-lumière de large. Outre l’émission très faible du gaz inter-galactique, on distingue de multiple sources ponctuelles qui correspondent à des galaxies formant leurs premières étoiles. Crédits: Jeremy Blaizot, projet SPHINX.

 

La structure filamentaire du gaz dans lequel se forment les galaxies, plus communément appelée la toile cosmique, est l’une des grandes prédictions du modèle du Big Bang et de la formation des galaxies. Aujourd’hui, une équipe internationale d’astronomes, dirigée par le Centre de recherche Astrophysique de l’Université de Lyon (CNRS) et secondée par des chercheurs/euses de l’Université de Genève (UNIGE), a observé pour la première fois les filaments qui constituent la toile cosmique dans le champ ultra profond de Hubble. Cette découverte a été rendue possible grâce au spectrographe 3D MUSE, installé sur le Very Large Telescope (VLT) qui se trouve au Chili. Ces résultats, à lire dans la revue Astronomy & Astrophysics, suggèrent que le rayonnement observé ne résulte pas du fond cosmique ultra-violet, mais du rayonnement produit par une population, jusqu’alors invisible, de très nombreuses petites galaxies.

Les modèles cosmologiques prédisent que la matière dans l’Univers est répartie selon une structure filamentaire le long de laquelle se forment les galaxies. En théorie, cette toile cosmique devrait être observable grâce au rayonnement du fond cosmique ultra-violet capable d’irradier les filaments de gaz, produisant une faible lueur que l’on pourrait détecter. «Pouvoir observer directement la distribution du gaz dans les filaments de la toile nous donnerait des informations essentielles pour nos modèles et nous aiderait à mieux comprendre comment les galaxies se forment et interagissent avec leur environnement», explique Thibault Garel, chercheur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE.


Une observation ciblée de longue durée avec MUSE

Toutefois, le signal attendu est si faible qu’il se heurte aux capacités technologiques à disposition des astronomes, et donc à leur faculté d’observation. «Avec la mise en place du spectrographe 3D MUSE en 2014, puis son couplage en 2017 avec le système d’optique adaptive du VLT, nous avons réalisé que, pour la première fois, nous avions peut-être les performances nécessaires pour tenter les observations de la toile cosmique, qui sont le Graal de la communauté extragalactique depuis 40 ans», relève Roland Bacon, chercheur au CNRS de Lyon et premier auteur de cette étude. Ces premières observations se sont focalisées autour des noyaux de galaxies les plus brillants – des quasars – qui émettent un puissant rayonnement ultra-violet qui va éclairer les nuages de gaz avoisinants. «Cependant, les quasars sont rares et localisés dans des régions très particulières de la toile cosmique que l’on appelle les nœuds, des régions très denses et peu représentatives des filaments de la toile où la plupart des galaxies, dont la nôtre, se sont formées», poursuit Roland Bacon.

Durant 8 mois, les astronomes du consortium MUSE ont alors mené une campagne d’observation de 140 heures sur une unique région du ciel située dans le champ ultra profond de Hubble. Ce sondage spectroscopique est de fait le plus profond jamais réalisé.


Une multitude de petites galaxies en toile de fond

En plus d’une densité de galaxies cent fois plus importante que ce qui est habituellement observé dans des sondages classiques, l’analyse approfondie des données a permis de mettre en évidence de multiples structures filamentaires diffuses. «Ces filaments sont situés dans l’Univers jeune, soit quelques milliards d’années après le Big Bang, et s’étendent sur plusieurs millions d’années-lumières», s’enthousiasme Thibault Garel. Un des résultats les plus remarquables de cette découverte provient du fait que le rayonnement diffus observé n’est probablement pas dû au rayonnement cosmique ultra-violet, mais à une population de très nombreuses petites galaxies, trop faiblement lumineuses pour être détectées individuellement. «Dans le modèle cosmologique actuel, les petites galaxies sont considérées comme des briques élémentaires qui s’assemblent au cours du temps pour donner lieu à des galaxies plus massives, telles que la Voie Lactée. Par conséquent, l’existence d’une large population de galaxies naines pourrait avoir de nombreuses implications sur notre compréhension de la formation et l’évolution des galaxies», précise Thibault Garel.

Cette découverte constitue une étape importante dans l’exploration de l’Univers jeune et ouvre la voie à de futures avancées, autant sur le plan théorique qu’observationnel. «En effet, la caractérisation de la toile cosmique dans l’Univers lointain sera l’un des objectifs principaux de l’instrument BlueMUSE qui devrait être mis en opération au VLT à l’horizon 2030,  et pour lequel l’UNIGE est un partenaire majeur», note Anne Verhamme, professeure au Département d’astronomie de l’Observatoire de la Faculté des sciences de l’UNIGE et co-responsable du projet BlueMUSE.

 

 

18 mars 2021

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