L'utilisation d'échangeurs air/sol pour le préchauffage et le rafraîchissement des bâtiments remonte fort loin dans le temps, des civilisations anciennes utilisant déjà des hypocaustes. Plus récemment, un regain d'intérêt pour cette technique s'observe dans le milieu de la construction et de l'énergétique, avec des utilisations variées telles que le stockage solaire (à court ou moyen terme), le puits canadiens (préchauffage / rafraîchissement du renouvellement d'air) ou encore le délestage thermique de pompes à chaleur air/air.
Dans la lignée du mode de recherche développé au Centre d'étude des problèmes de l'énergie (CUEPE) de l'Université de Genève, nous avons commencé à nous intéresser à cette problématique sur la base de projets concrets, implantés de façon pilote sur des bâtiments réels, dont nous avons assuré le suivi scientifique. C'est en cours d'analyse, par compulsion de la littérature tout comme au cours de discussions avec les professionnels de l'énergétique, que nous nous sommes rendus compte :
Dans ce contexte nous avons peu à peu été amené, en parallèle aux expertises menées sur des projets pilotes, à reposer les bases d'analyse systémique permettant d'évaluer la prestation énergétique d'échangeurs air/sol. Cette analyse a été menée tant sur la base des mesures récoltées que de simulations, effectuées avec un modèle numérique développé à cet effet. Une fois la compréhension des enjeux et ordre de grandeurs acquise, nous l'avons complétée par modélisation analytique, permettant de mettre en lumière les phénomènes physiques de base et de dégager quelques règles de dimensionnement simplifiées.
Pour des raisons de construction logique, au cours des pages qui suivent nous procéderons quasiment dans l'ordre inverse. Après une brève présentation des projets pilotes à la base de la recherche (Ch. 1), nous poserons directement les bases théoriques nécessaires à la compréhension et quantification des flux. Ainsi, après un rappel des paramètres physiques de base (Ch. 2), nous attaquerons le calcul analytique qui, en situation géométrique simplifiée, permet à la fois d'acquérir une bonne compréhension des phénomènes diffusifs à l'oeuvre et de dégager des 'règles du pouce' utile pour l'analyse des systèmes (Ch. 3). Cette approche permettra par ailleurs de mettre en lumière un phénomène à notre connaissance inconnu ou du moins inexploité à l'heure actuelle, dont nous anticipons déjà qu'il ouvrira de nouveaux types d'utilisation des échangeurs air/sol. Suivra la présentation du modèle numérique (Ch. 4), qui permet d'étendre la capacité de calcul à des géométries plus complexes et donc plus proches de la réalité. L'analyse systémique de l'utilisation des échangeurs air/sol se fera alors sur deux types d'utilisation distincte. Sur la base d'un gros travail de mesure, complété par de la simulation numérique, nous commencerons par étudier le potentiel du stockage diurne d'excès solaires en serres horticoles (Ch. 5), où nous aurons la chance de pouvoir comparer 'en direct' le fonctionnement d'un stockage en sol de type diffusif avec un stockage en cuve de type capacitif. Contrairement au cas précédent, nous nous intéresserons alors à une utilisation en boucle ouverte, à savoir celle des puits canadiens, utilisés tant pour le préchauffage hivernal que le rafraîchissement estival (Ch. 6). En se focalisant tout d'abord sur le cas d'un climat d'Europe centrale, nous commencerons par décortiquer ce qui apparaîtra comme une asymétrie fondamentale entre ces deux prestations et poserons les bases d'une analyse énergétique complète de la prestation d'échangeurs air/sol couplés au bâtiment. Nous reviendrons alors à une vision moins locale en comparant le potentiel de rafraîchissement de différents types de configurations géométriques sous les climats de Genève et Séville.
Avant de se lancer dans le vif du sujet, il nous semble important de souligner que ce travail n'a été possible que grâce à la mise en réseau de toute une série de compétences, tant à l'intérieur du CUEPE qu'avec diverses autres institutions et personnes, qui seront remerciées suite aux conclusions. Afin de lever toute équivoque, nous précisons cependant tout de suite les quelques parties de cette présentation, liées au projet 'Geoser', dont la paternité revient à des tiers : la compilation bibliographique introductive revient à Antoine REIST de la Station de recherche agronomique de Changins; la mise en place et l'étalonnage très soigné des sondes revient à Javier GIL, ex collaborateur du CUEPE; la simulation numérique du stockage en cuve revient à Pierre JABOYEDOFF du bureau d'ingénieur Sorane.
Dans ce chapitre nous présenterons succinctement les projets pilote et démonstration qui sont à la base de cette étude sur les échangeurs air/sol, l'analyse de leur fonctionnement étant repris au fur et à mesure des chapitres qui suivent. Il s'agit pour la plupart de projets sur lesquels nous avons mené, personnellement ou en collaboration avec des collaborateurs du Centre universitaire des problèmes de l'énergie (CUEPE), des campagnes de mesure plus ou moins extensives. Sauf référence explicite dans le texte qui suit, ils ont dans leur intégralité été analysés par nos soins (Tab. 1). Certains des projets sont aujourd'hui encore en phase de monitoring ou d'analyse et ne seront mentionnés et décrits ici que dans le but d'ouvrir la porte sur des activités qui continuent à avoir lieu dans le domaine ou sur des techniques apparentées aux échangeurs air/sol classiques, ou qui peuvent présenter un intérêt particulier de par la mise en oeuvre simplifiée (projets 'Valère' et 'Costeau')
Le projet 'Geoser' occupant une place de choix en ce qui concerne la campagne de monitoring, tant par l'extension dans la durée que par la précision de mesure nécessaire (travail différentiels de température de quelques K seulement), nous dévouerons la dernière partie de ce chapitre à la description du système de monitoring mis en place, des étalonnages effectués, ainsi qu'à la validation des données récoltées.
Sous mandat de l'Office fédéral de l'énergie [Hollmuller et al., 2002a], le but du projet GEOSER fut de construire et d'analyser simultanément trois serres récentes, de même construction et soumises à programme agronomique commun, dont deux seraient pourvues de systèmes de stockage à court terme de l'excèdent solaire (l'un d'eux par échangeur air/sol).
Le projet a été réalisé à l'antenne valaisanne de la Station de recherches fédérale en production végétale de Changins, à Conthey (Centre des Fougères), dans la vallée du Rhône. Les trois serres (Fig. 1), orientées nord-sud et disposées en parallèle, sont de petites dimensions (12 x 8 m, hauteur latérale 2.8 m). Leur construction correspond à ce qui existe le plus couramment dans le pays. En acier avec cadres d'aluminium, elles sont couvertes en toiture de verre simple sélectif et latéralement de vitrages doubles. Un écran interne horizontal, à la hauteur des piédroits, assure l'isolation nocturne et la protection contre l'ensoleillement excessif. L'humidification, lorsque nécessaire, est assurée par un système de brumisation fine. Dans la serre témoin et la serre à air (stockage en terre effectué via un flux d'air) le chauffage de base est assuré par des aéroconvecteurs classiques (échangeurs eau/air à débit fixe) reliés à la centrale de chauffe à gaz. Dans la serre à eau (stockage en citerne assuré par une circulation d'eau) les aéroconvecteurs ont été surdimensionnés afin de servir également d'échangeurs pour le stock (écart de température entrée/sortie bien plus faible qu'en mode chauffage) et se règlent par débit d'air progressif.
A cet équipement de base s'ajoute pour la serre à eau une citerne de 10 m3 non-isolée, enterrée sous la serre. Elle est reliée au circuit primaire par une pompe de brassage et un système de vannes trois voies permettant de contrôler le sens de la circulation d'eau lors des opérations de stockage/déstockage (stratification du stock).
Dans la serre à air, l'échangeur air/sol est constitué de 24 tubes de PVC enterrés à 80 cm sous la serre, le sous-sol étant isolé latéralement et la circulation d'air assurée par un ventilateur à débit variable et réversible (stratification du stock).
Un système de mesure très complet, décrit plus bas, a permis de récolter une centaine de variables différentes sur 17 mois et par pas de 5 minutes (fonctionnement très nerveux des serres, vu la faible capacité thermique).
En parallèle au projet 'Geoser' une expérience similaire de stockage d'excédent solaire a eu lieu dans une serre de l'Ecole d'ingénieur de Waedenswil.
Il s'agit d'une serre horticole (culture hors-sol de tomates) de 206 m2. L'hypocauste, d'une surface d'échange totale de 321 m2, est composé de 43 tubes de 16 m de long enterrés à 50 cm sous terre. Le système d'aspiration de l'air est composé de deux entrées : une à deux mètres pour le déstockage, combinée à une seconde au faîte (au dessus de la toile de protection) pour le stockage. Les sorties d'air se font au niveau du sol. Le débit d'air est de 3600 m3/h pour une vitesse d'air d'environ 2 m/s.
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Les mesure, effectuées sans suivi scientifique et regroupées sur un ensemble de fichiers séparés, ont été enregistrés depuis mars1994 par l'automate de régulation et nous ont été transmises 2 ans plus tard. Nous ne pouvons pas nous prononcer sur leur précision, étant donné que nous n'avons pas effectué nous-mêmes l'installation et l'étalonnage des sondes. Cependant :
Malgré ces problèmes nous avons effectué une analyse la plus complète possible du système [Hollmuller et al., 1999], dont nous présenterons les résultats essentiels au Ch. 5.
L'immeuble résidentiel et commercial des « Caroubiers », à Genève (indice énergétique de chauffage de 250 MJ/m2 pour 2'900 m2 de plancher chauffés), est équipé de trois systèmes de préchauffage du renouvellement d'air (Fig. 3) : selon l'ensoleillement l'air frais (3'000/2'400 m3/h en périodes diurne/nocturne) est pris au puits canadien ou au collecteur solaire, tous deux couplés en aval à un récupérateur sur air vicié (ce dernier étant finalement éjecté dans le parking souterrain pour une dernière prestation thermique). Le puits canadien consiste en 49 tubes (diamètre : 12.5 cm, longueur : 50 m, entreaxe : 30 cm, surface d'échange totale : 980 m2) qui passent 50 cm en desous du parking, environ 10 cm au dessus de la nappe phréatique.
Sous mandat de l'Office cantonal de l'énergie de Genève [Lachal et al., 1996], une campagne de mesure sur une vingtaine de jours d'hiver a permis de bien caractériser le fonctionnement du puits canadien ainsi que de déterminer l'efficacité de l'échangeur de chaleur (60 et 66 % pour les taux de ventilation supérieur et inférieur), alors que le collecteur solaire n'a jusqu'ici pas été analysé.
Par ailleurs, les hypothèses utilisées pour les besoins de l'analyse, en particulier concernant la température estivale du parking (cf. Ch. 6) ont été confirmées par des mesures ponctuelles .
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Les mesures d'un autre puits canadien, utilisé quant à lui tant pour le préchauffage hivernal du renouvellement d'air que pour le rafraîchissement estival, nous ont été transmises par l'Office fédéral de l'énergie, pour analyse du système ainsi que pour validation du modèle numérique développé sous mandat [Hollmuller et Lachal, 1998]. Il s'agit d'une campagne de mesure extensive sur 24 mois, dont 12 ont été analysés par nos soins et dont les résultats principaux seront repris plus loin (Ch. 6).
Le puits canadien est intégré à l'immeuble commercial et administratif 'Schwerzenbacherhof' situé près de Zürich (indice énergétique de chauffage de 144 MJ/m2 pour 8'050 m2 de plancher chauffés), retenu dans la liste des projets pilotes de la 'Low Energy Cooling Subtask' de l'IEA [Zimmermann et Andersson, 1998]. Le puits canadien consiste en 43 tubes (diamètre : 25 cm, longueur : 23 m, entreaxe : 116 cm, surface d'échange totale incluant distribution et collecte : 900 m2) qui passent à 75 cm en dessous du deuxième sous-sol, soit environ à 6 m en dessous du niveau du sol (Fig. 4).
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Couplé à un récupérateur sur air vicié, le puits canadien n'est utilisé en hiver que lorsque la température extérieure chute en dessous de 7°C (avec un débit de 11'900 m3/h pendant les seules heures de bureau, correspondant à un taux de renouvellement d'air de 0.6 vol/h). De même, il n'est utilisé en été que pendant les heures de bureau, lorsque la température grimpe au dessus de 22°C (avec un débit d'air de 17'300 m3/h, correspondant à un taux de renouvellement de 0.8 vol/h), l'apport de frais étant complété par de la ventilation nocturne (Fig. 5).
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Le bâtiment 'Aymon', anciennne bâtisse patricienne de la Ville de Sion, a été réaffecté à des usages administratifs. Dans ce cadre, les combles de structure en bois et ne bénéficiant guère d'inertie thermique, ont été aménagées en bureau. En été, une isolation soignée et de bonnes protections solaires permettent d'éviter au maximum l'apport de gains solaires indésirables (Fig. 6). Malgré cela, pendant la période la plus chaude de l'été la température dans les bureaux montait plus de 50% du temps au dessus du seuil de confort de 26°C. La mise en place d'un système de ventilation avec prise d'air dans la cave a permis, à très faible coûts, de réduire à néant cette période d'inconfort. Dans le cadre du programme européen 'Pascool' nous avons complété l'analyse du système, précédemment mesurée et modélisé de façon simplifiée [Lachal et al., 1991], par l'analyse comparative avec d'autres mesures de rafraîchissement passif [Lachal et al., 1994].
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Un système similaire a été utilisé pour le rafraîchissement du château de 'Valère', également situé à Sion. Il s'agit d'un ensemble de bâtiments anciens (XIIe siècle) qui domine Sion, dont une partie (800 m²) a été transformée en musée dans le cadre de la rénovation de l'ensemble. Ce changement d'affectation a posé le problème des nouvelles conditions de température et d'hygrométrie intérieures et de la façon de les contrôler. En effet, le bâtiment était inhabité et les conditions climatiques intérieures s'équilibraient spontanément en fonction des seules conditions extérieures et des caractéristiques physiques du bâtiment (très forte inertie, pas d'isolation et forte aération). La nouvelle affectation allait induire d'importantes charges thermiques (tant par les visiteurs que l'éclairage de base) et hydriques (environ 50g/heure et par personne, soit 50 litres d'eau à évacuer pour 1000 visiteurs restant une heure). Après analyse du comportement physique du bâtiment, une série de simulations numériques ont été menées par nos soins sous mandat de l'Etat du Valais, permettant de dégager une solution simple et élégante au problème posé [Lachal et al., 1993]. Afin d'éviter de dénaturer le bâtiment par l'introduction de systèmes de ventilation et déshumidification sophistiqués, aussi bien que pour des raisons d'économie d'énergie et de pointes de puissance, un système simplifié d'aération/ventilation générale du bâtiment a été mis en place : l'air frais provient de l'extérieur en passant par les caves puis balaie tout le bâtiment, de bas en haut, le taux de ventilation étant modulé selon les conditions intérieures et extérieures (Fig. 7).
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La réalisation et l'analyse des performances du système, qui donne entière satisfaction, a été menée par l'Ecole d'ingénieur du Valais, donnant lieu à une publication commune [Hollmuller et al, 2001]
Un dernier objet, actuellement en phase de mesure et analyse sous dénomination de projet 'Costeau', est donné par un 'puits canadien à eau', installé dans les nouveaux locaux administratifs de la société 'Perret' à Satigny, près de Genève. Afin de réduire les coûts et d'éviter les risque sanitaires ou olfactifs liés à l'éventuelle inondation d'un puits canadien classique, le bureau d'étude 'Ecoconfort' a réalisé un échangeur eau/sol en boucle fermée, avec des tubes souples, du type de ceux habituellement utilisés pour les pompes à chaleur, disposés dans la partie inférieure de la dalle. Couplé au système de ventilation via un échangeur air/eau situé à l'entrée du récupérateur de chaleur sur air vicié, le système permet en principe à la fois le préchauffage hivernal et le rafraîchissement estival du renouvellement d'air.
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Sous mandat de l'Office cantonal de l'énergie de Genève et de l ?office fédéral de l'énergie, nous sommes actuellement en train de clore l'analyse du système, qui donne globalement lieu à une très grande satisfaction estivale, malgré quelques erreurs de mise en oeuvre (dont un by-pass uniquement partiel, ajouté après coup, du récupérateur sur air vicié). La dalle du bâtiment n'étant pas isolée, la prestation hivernale réelle reste quant à elle sujette à caution, ainsi que nous le verrons plus loin pour le cas de puits canadiens classiques. Plus de détails sur cet objet particulier se trouveront par ailleurs dans le rapport final prochainement publié [Hollmuller et al., 2002b].
De façon générale les acronymes de désignation des sondes utilisée dans cette section se composent :
La grandeur Tsass3_80 désigne ainsi une Température de la serre à air, à savoir celle de sous-sol du puit no 3, à 80 cm de profondeur).
Afin de pouvoir évaluer les deux systèmes de stockage en question et les comparer à un fonctionnement normal (sans stockage), nous avons été ammenés à faire, dans les deux serres en question ainsi que dans la serre de référence, des mesures de tous les principaux flux d'énergie (thermique et électrique) et de masse.
Le système de mesure consiste à la base de 80 sondes étalonnées par le CUEPE et découplées du système de régulation. Il s'agit en particulier de la mesure des conditions météorologiques, du climat intérieur, des températures de terrain à différentes profondeurs, de celles d'eau et d'air dans les circuits de stockage et de chauffage ainsi que des débits correspondants, des débits d'eau dispensés par le système de brumisation, des humidités relatives d'entrée/sortie des tubes enterrés ainsi que de la récolte de condensat en leur extrémité, et finalement des puissances électriques des aérochauffeurs et ventilateurs.
Ces sondes sont reliées à un datalogger Campbell CR7 qui fait une acquisition instantanée toute les 30 secondes et enregistre les valeurs moyénnées par pas de 5 minutes. Hormis l'acquisition des grandeurs primaires, cet appareil calcule 13 grandeurs déduites instantanément des premières, telles les flux de chaleur (séparées en valeurs positive et négative) et les humidités absolues d'entrée/sortie des tubes enterrés.
L'ensemble de ces 93 grandeurs est rapatrié par modem vers un PC du CUEPE à Genève, de façon bihebdomadaire. Un programme (écrit en Pascal) contrôle l'exactitude des données transmises (heure et fréquences d'enregistrement, nombre de valeurs par pas de 5 minutes, nombre de pas), teste les valeurs correspondant aux principales mesures pour déceler des pannes dans les sondes ou un éventuel bruit électrique dans les mesures et découpe le fichier transmis en fichiers journaliers, en format ASCII CSV.
Une première analyse phénoménologique se fait à partir de 13 graphiques de travail prédéfinis recouvrant les principales mesures sur une durée de 48 heures. Ceux-ci sont régulièrement tirés et distribués à chacune des institutions intervenantes, et servent à la fois de base de suivi des mesures et de référence de travail.
A cela s'ajoute une série grandeurs dérivées à posteriori à partir des mesures décrites plus haut, çàd sur une base de moyennes par pas de temps de 5 minutes. Il s'agit soit de grandeurs n'ayant pas eu le temps ou l'espace de stockage nécessaire pour être intégrées au programme d'acquisition du datalogger, soit de grandeurs dont la nécessité est apparue en cours d'analyse.
Nous avons également récolté 60 valeurs enregistrées également par pas de 5 minutes à partir des commandes et des mesures effectuées par les automates de régulation des serres. Certaines de ces grandeurs, comme les données climatiques intérieures et extérieures, font double emploi avec notre chaîne de mesure, ce qui permet de contrôler et de déceler d'éventuelles pannes ou dérives dans les sondes. D'autres, comme l'ouverture des fenêtres, la fermeture des écrans de protection, les températures de consigne et autres données de régulation, fournissent des informations complémentaires, intéressantes en particulier pour la simulation dynamique des systèmes. L'ensemble de ces valeurs, enregistrés sur place par un PC sous forme de fichiers mensuels parfois lacunaires, est également lu par un programme Pascal qui les teste et découpe en fichiers journaliers, en ASCII CSV.
L'enregistrement de ce total de 153 grandeurs par pas de temps de 5 minute, nécessaire à la compréhension fine de la dynamique très nerveuse des serres agricoles (peu d'inertie) représente finalement quelques 68'000 données journalières, soit 23 mio de données sur les 17 mois d'acquisition. Soulignons enfin le caractère extrèmement complet de ces mesures - 17 mois par pas de 5 minutes, sans panne d'aquisition en ce qui concerne la chaîne de mesure à proprement parler - ce qui les rend potentiellement intéressantes pour des études ultérieures (en ne pensant rien qu'aux mesures météorologiques ou aux climats intérieurs des serres, rarement disponibles en telle résolution temporelle).
Sondes et étalonnage
Dans le tableau suivant (Tab. 2), les 93 mesures prises par la chaîne de mesure sont regroupés en quatre groupes : météo, serre témoin, serre à air, serre à eau. Pour chaque mesure on y trouve une description, le type de sondes utilisée, la dénomination, l'unité de mesure (telle que stockée dans les fichiers journaliers) et la précision. Suite à cela se trouvent les figures décrivant l'emplacement des sondes dans les serres (Fig. 9 à 11), puis une description précise des sondes et de leur étalonnage.
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La liste détaillée des sondes (mise en place et étalonnées avec soin par Javier Gil, ancien collaborateur du CUEPE), ainsi que des grandeurs déduites on-line, est la suivante.
Températures
Les mesures de température au niveau des systèmes sont réalisées à l'aide de thermocouples blindés cuivre-constantan (type T). Ces thermocouples sont isolés électriquement sur la jonction chaude avec des gaines rétractables et placés dans des doigts des gants préalablement remplis de graisse thermique pour transistors afin de favoriser un bon contact thermique avec le milieux à mesurer, cela pour la mesure de températures d'eau dans les circuits de chauffage. Chacun de ces thermocouples a été étalonné en utilisant des thermomètres de référence au mercure ayant une précision de 0.01°C et une correction individuelle (instantanée) est effectuée dans le programme d'acquisition.
Les températures d'air sont aussi mesurées à l'aide de thermocouples blindés, la jonction chaude étant chaque fois placée dans une enceinte en aluminium ventilée (avec une vitesse d'air de l'ordre de 2 m/s).
L'ensemble des thermocouples installés dans les serres témoin et à air ont une température de référence commune, l'ensemble des jonctions froides étant logées dans une boîte remplie d'huile de glycérine (isolant électrique et bon conducteur thermique). Les contacts sont réalisés sur un circuit imprimé. Les deux jonctions des thermocouples utilisés pour le calcul d'un flux de chaleur sont disposés à côté l'une de l'autre (5mm) ce qui assure une excellente mesure de la différence de température vue par les jonctions chaudes. De façon identique, une deuxième boîte rassemble l'ensemble des thermocouples de la serre à eau.
La mesure de la température extérieure ainsi que celles des températures de référence pour les thermocouples (jonctions froides) sont réalisées à l'aide de sondes de platine type Pt100. La mesure est réalisée par la méthode de 4 fils et pour la mesure du courant on utilise des résistances de précision (2 ppm/K) qui ont été préalablement étalonnées. Ces sondes Pt100, grâce aux corrections individuelles instantanées (calibrées avec les étalons de 0.01°C de précision) nous permettent d'avoir une précision absolue meilleure que 0.03°C.
En tenant compte, dans les boîtes à huile, des gradients de température pouvant exister entre les jonctions froides et les sondes de référence, la précision absolue des mesures de température est meilleure que 0.1°C. La mesure des DT, nécessaire aux calculs de puissances, est quant à elle bien plus précise (de l'ordre du centième de degré) puisque limités uniquement par la représentativité de la mesure elle même (par exemple gradient dans le fluide mesuré).
Ensoleillement
Une mesure d'ensoleillement global horizontal a été installée sur place. Cette mesure est réalisée à l'aide d'un solarimètre Kipp&Zonnen CM-11 qui a été calibrés par rapport à un pyranomètre étalon régulièrement testé au centre mondial de la météorologie (WMO) à Davos-Suisse. La précision sur cette mesure est de 2%.
Débits d'eau
Les mesures de débits se font avec des débitmètres volumétriques. Pour les mesures des débits d'eau de chauffage on utilise 4 débitmètres mécaniques (avec un système de couplage optique pour l'émission des impulsions) marque Aquametro type Woltmann SMH. Les volumes d'eau utilisés pour la brumisation sont mesurés par 3 débitmètres mécaniques Aquametro type Topaze PMW.
Humidités relatives
Les mesures d'humidité relative se font à l'aide de sondes Rotronic type MP-300 qui sont aussi logées dans des enceintes en aluminium ventilées. Ces sondes possèdent déjà un écran qui protège l'élément sensible des échanges radiatifs (grille métallique très fine). Ces sondes ont été calibrées et testées avec des solutions de chlorure de lithium non saturées qui servent d'étalon d'humidité. Etant donnée la difficulté d'un étalonnage du senseur de température de cette sonde et suite a des observations du temps de réponse, on a décidé de ne pas utiliser la sortie en température de ce capteur. La précision absolue de la mesure d'humidité a été observée (dans les 8 sondes testées) comme étant meilleure que 5% (les différences entre les sondes étant de l'ordre de 2%).
Vitesses et sens d'air
On mesure la vitesse de l'air qui circule dans la cheminée d'entrée de l'échangeur air-terrain ainsi que dans l'un des 24 tubes enterrés dans lesquels il est distribué, les débits correspondants étant calculés séparément à posteriori (voir plus loin). Pour ce type de mesure on utilise les capteurs Schiltknecht Miniair6 équipés d'une tête de lecture de taille très petite et avec une conception qui la rend peu sensible à l'angle formé avec la direction du flux. Ce dernier point est important puisque l'une de nos sondes est ''enterrée'' et que l'on n'a donc pas de moyen de contrôler son alignement parfait par rapport au flux.
Lors d'essais en laboratoire on a pu confirmer la précision de 2% donnée par le fabriquant.
A ces mesures de vitesse s'ajoute une mesure de l'état du flux (stockage/déstockage), qui est lue sur l'automate de régulation: il s'agit là de l'unique couplage, par ailleurs libre d'interférence puisque isolé galvaniquement, entre la chaîne de mesure et la régulation. La valeur instantanée de cette grandeur est de 0 lorsque le système se trouve en phase de stockage, de 1 autrement (phase de déstockage ou phase neutre). La valeur moyennée par 5 minutes, comprise entre 0 et 1, détermine l'état prioritaire pendant les 5 minutes, ainsi que le sens correspondant du flux.
Pluviomètres
On utilise le capteur ARG100 de Campbell pour la mesure du volume d'eau condensée dans l'échangeur air-terrain et pour la mesure de la pluie. A l'origine, la deuxième sonde était destinée à la mesure de la condensation dans un des aéroconvecteurs de la serre à eau. On a préféré l'utiliser pour la mesure de la pluie étant donnée la difficulté d'adapter un système de récolte ou récupération de l'eau condensée dans ces appareils et à cause de l'importance secondaire de cette mesure.
On a testé minutieusement les deux sondes dont on dispose, ce qui nous a permis de vérifier la précision donnée par le fabriquant dans le domaine de travail normal (jusqu'à 1.6 litres/heures, correspondant approximativement à une pluie de 30 mm/heures), respectivement de trouver une erreur d'étalonnage d'une d'entre elles (qui a été renvoyée en fabrique pour ré-étalonnage). Pour les débits plus importants qui risquaient de se produire, notre étalonnage a permis la construction d'une fonction réponse qui tient compte de la dégradation de la réponse de ces appareils en fonction du débit (de l'ordre de 8% pour un débit de 6 litres par heure, correspondant approximativement à une pluie de 120 mm/heure).
Puissances électriques
Pour la mesure de puissances électriques consommées par les aérochauffeurs de la serre à eau et le ventilateur de stockage/déstockage de la serre à air, on utilise deux puissance-mètres triphasés de marque ABB et C.BAUER et de classe 0.5 (ce qui signifie une précision meilleure que 2 % dans toute la plage de mesure).
Condensation verres
Une mesure de condensation, basée sur un diviseur de tension actionné par la présence d'eau, était prévue et instrumentée sur les verres de chacune des serres. La mesure, difficile et d'importance mineure, n'a finalement pas été calibrée ni utilisée.
Puissances thermiques
Le calcul des puissances thermiques liées à un circuit d'eau (chauffage des trois serres, stockage et déstockage en cuve à eau) se fait sur la base des mesures de débit et des températures d'entrée/sortie des éléments du circuit en jeu (circuit de chauffage, boucle de stockage/déstockage en cuve à eau, aérochauffeurs)
En ce qui concerne les puissances de stockage/déstockage en cuve à eau, notre système de mesure permet une triple redondance: d'une part par le calcul de la puissance échangée dans les aéroconvecteurs; d'autre part par celle, correspondante, échangée dans la cuve à eau: cette dernière peut se calculer soit avec le débit et les températures d'entrée/sortie de la boucle de stockage/déstockage passant par la cuve à eau, soit avec le débit de la boucle principale, la température de sortie des aéroconvecteurs et la température de sortie de la boucle principale. Afin de bien distinguer les valeurs de stockage et déstockage, qui peuvent se croiser sur un même pas de temps d'acquisition de 5 minutes, on somme séparément les composantes positives et négatives de ces puissances au cours de chaque pas de temps.
Contrairement au cas des circuits d'eau, les puissances thermiques liées au flux d'air dans l'échangeur sous-terrain de la serre à air se sont fait 'à posteriori' et par pas de 5 minutes, raison pour laquelle elles ne figurent pas sur la liste des sondes (Tab. 2).
Afin de déterminer les puissances échangées dans les tubes, le débit d'air est tout d'abord déduit des mesure de vitesse, ce qui se fait via une mesure ponctuelle de distribution radiale des vitesses dans la cheminée de captage du flux d'air (distincte selon le sens du flux). Le débit massique se calcule alors via la loi des gaz parfaits. La puissance totale cédée au terrain est alors évaluée par la différence d'enthalpie entre l'air humide à l'entrée et à la sortie de l'échangeur, moins l'enthalpie condensat [Am. Soc. of HVAC, 1989, Ch.6]. La puissance sensible étant déterminée sur la base du débit et des températures d'entrée/sortie, on en déduit la puissance latente.
Humidités absolues:
Afin de pouvoir établir un bilan d'eau dans les systèmes traversés par de l'air humide (tubes enterrés, aéroconvecteurs), les humidités relatives d'entrée/sortie sont converties en humidités absolue, via la pression de saturation, donnée par une fonction polynomiale interne au datalogger.
Mesures de tiers
Les grandeurs acquises à partir de l'automate de régulation DGT correspondent soit à des valeurs mesurées par des sondes qui lui sont propres, soit à des valeurs de consigne, ou encore à des valeurs d'état de la régulation. Contrairement à la chaîne de mesure mise en place par nos soins, celle-ci possède des pannes d'acquisition occasionnelles, de quelques minutes à quelques jours.
Dans le tableau suivant, on retrouve pour chacune de ces grandeurs une description, le code (tel que fourni par DGT, fabriquant de l'automate de régulation), la dénomination et l'unité de mesure.
Afin de vérifier la robustesse des mesures, nous avons en fin d'expérience effectué une série de validation par comparaison des grandeurs redondantes.
Météo
Un premier test, en valeurs journalières, consiste à comparer nos données météo à celles de la régulation (Fig. 12).
Pour la température l'équivalence apparaît comme excellente. Pour l'ensoleillement la corrélation est satisfaisante, quoique un facteur d'environ 2/3 existe entre la mesure de l'automate de régulation et la nôtre. Ceci est dû au fait que nous mesurons le spectre complet, alors que la régulation ne prend que le spectre visible, utile aux plantes.
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Une deuxième vérification consiste à comparer nos mesures aux mesures mensuelles du réseau ANETZ, compilées par la Station fédérale de recherche agronomique de Changins (Fig. 13). On remarque une bonne équivalence des températures moyennes (moins de 0.5°C d'écart mensuel, 0.05°C d'écart sur les 17 mois) et les ensoleillements (moins de 7 kWh/m2 d'écart mensuel, sauf en juin 94, et moins de 0.5 kWh/m2 d'écart sur les 17 mois, correspondant à moins de 0.5% d'écart relatif). Les températures extrêmes, qui sont dans notre cas des moyennes par 5 minutes, sont plus nerveuses que les moyennes horaires du réseau ANETZ (jusqu'à 1.8°C d'écart mensuel). Seule la mesure de pluie, secondaire pour l'analyse, est nettement plus forte que celle du réseau ANETZ (en moyenne 6 mm d'écart mensuel, soit 9% d'écart sur les 13 mois disponibles à la comparaison).
Climats intérieurs
Comme pour la météo, nos mesures de climats intérieurs des serres (à 2m) peuvent être comparées, en moyenne journalière, avec celles en provenance de l'automate de régulation (à 1.5m). Si la corrélation en température est excellente, celle en humidité relative est bien plus dispersée (Fig. 14). Cette dispersion serait peut-être légèrement corrigée par une comparaison en humidité absolue, mais elle relève avant tout d'un gradient en humidité pouvant existé lors de la brumisation (voir plus bas la comparaison entre climat dans la serre à air et à l'entrée du stock), ainsi que d'un fonctionnement parfois erroné des sondes de régulation qui fonctionnent sur le principe de la température humide. Ces sondes doivent donc régulièrement être approvisionnée en eau, un manque d'humidification conduisant à une surestimation de l'humidité relative, comme cela est observé ici.
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Serre à eau, puissances de stockage/déstockage
Nous testons ici l'équivalence des trois décomptes possibles pour la chaleur fournie/soutirée au stock à eau. Vu la panne du débitmètre Wsest (boucle de stockage) jusqu'à fin mai 94, cette concordance est primordiale. Afin de pouvoir remplacer les valeurs de stockage/déstockage ainsi devenues caduques par les valeurs correspondantes calculées sur la boucle principale, nous représentons ci-dessous, hors période de panne, la relation entre les intégrales journalières des unes et des autres (Fig. 15). Nous distinguons pour cela les stockage et déstockage 'purs' de leur homologue 'intempestifs' (mise en route erronée de la boucle de stockge/déstockage en période de chauffage, suite à surchauffe ponctuelle de la serre).
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En mode de stockage/déstockage « pur » la corrélation est excellente ainsi que le montrent les écarts relatifs: ils sont centrés et inférieurs à 5% pour des sommes journalières supérieures à 20 MJ (stockage), respectivement 50 MJ (déstockage). En bilan annuel cet écart relatif est dans les deux cas inférieur au pourcent (cf. tableau ci-dessous), ce qui est extrêmement satisfaisant vu des faibles écarts de température entrée/sortie sous-jacents à la mesure: en moyenne annuelle 0.69 K lors du stockage, 0.52 K lors du déstockage, avec des moyennes journalières se limitant dans les deux cas à 1.5 K. Les écarts entre débitmètres étant eux-même de l'ordre du pourcent (comme indiqué par le fabriquant et vérifié ponctuellement hors régime transitoire, lorsque les vannes trois voies sont complètement ouvertes), on en déduit une erreur de mesure sur les DT inférieure au pour-cent, soit inférieure à 0.01 K, comme prévu par l'étalonnage. En mode intempestif la corrélation est bien moins bonne, indiquant clairement un régime transitoire, marqué par une inhomogénéité du système.
L'excellente corrélation nous a finalement permis, lors des bilans, de substituer le décompte temporellement défectueux calculé selon la boucle de stockage par celui calculé selon la boucle principale.
Serre à air, stockage/déstockage par courrant d'air non contrôlé
Dans le cas de la serre à air, il est important de vérifier qu'il n'y ait pas eu de la ventilation non-contrôlée dans les tubes, entraînant des échanges thermiques non comptabilisés. De tels échanges pourraient avoir lieu dans deux cas : soit lors de phases transitoires (arrêt/enclenchement du ventilateur en début/fin de pas de temps de 5 minutes), ce que l'on détecte par analyse de l'état au pas de temps précédent/suivant; soit encore par un courrant d'air naturel, sans mise en marche du ventilateur. Ce dernier cas se subdivise lui-même en trois sous-cas: 1) VsaAirTot<>0 et VsaAirTub<>0 : on a affaire à une situation de thermocirculation pouvant partiellement vidé le stock; 2) VsaAirTot<>0 et VsaAirTub=0 : le courant d'air est un courrant convectif à l'intérieur de la cheminée d'accès au stock, exposée au soleil, ce qui n'affecte en principe pas le stock; 3)VsaAirTot=0 et VsaAirTub<>0 : il s'agit d'une erreur de mesure.
Nous avons analysé l'apparition de ces cas tout au long de la période active de l'expérience (avril 94 à mars 95, à l'exception du 8 avril 94 où l'étalonnage des débits de vitesse a faussé les mesures) et comparés les échanges qui leur correspondent à ceux obtenus lors des périodes de stockage/déstockage standards. Cette dernière comparaison s'est faite par l'intermédiaire d'une grandeur cumulative unique, définie comme la somme en valeurs absolues des composantes (positives et négatives, sensibles et latentes) de l'échange. Cette analyse Tab. 5) montre clairement que ces phénomènes sont négligeables au niveau de l'énergie mise en jeux. Soulignons à ce propos que la fréquence temporelle présentée dans le tableau 5 correspond aux nombre de pas de temps (par 5 minutes) pendant lesquels le phénomène en question est apparu, ce qui dans le cas du régime transitoire ne signifie pas qu'il ait eu lieu tout au long du pas de temps, bien au contraire.
Serre à air, relation entre débits dans la cheminée d'entrée et dans les tubes enterrés
Quoique de peu d'importance pour établir les bilans énergétiques, il nous a semblé intéressant d'établir la relation entre débits d'air (respectivement vitesses) mesurés dans la cheminée d'entrée et dans l'unique tube appareillé du stock à air, ainsi que de vérifier leur congruence tout au long de l'expérience.
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Une première relation (Fig. 16) se déduit d'un étalonnage effectué le 8 avril 94, au cours duquel la distribution de vitesse entre les différents tubes a été mesurée pour un flux d'air total constant (4.57 m/s correspondant à 1.86 m3/s). En supposant le profil de vitesse à l'intérieur de chaque tube égal à celui du tube normalement appareillé, on en déduit les débits individuels, dont la somme (1.81 m3/s) est à 3% près égale au débit mesuré dans la cheminée d'entrée. Le rapport entre débit total et débit dans le tube appareillé se situe ainsi à 29.5, soit un peu plus que le nombre de tubes enterrés, qui est de 24.
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Une analyse à posteriori des valeurs journalières de ces débits (Fig. 17) montre une relation très stable, hormis au printemps 94, où le flux d'air a été bloqué dans un état unidirectionnel : ce phénomène pourrait dès lors provenir d'une simple saleté encrassant légèrement le débitmètre du tube et évacuée par simple retour au contreflux. Une régression linéaire forcée effectuée sur l'ensemble des points se situant hors de cette période indique cependant un rapport de 35.6 (en sens positif) respectivement 34.4 (en sens négatif) entre débit total et débit dans le tube, ce qui indique une répartition de flux entre les tubes différente que celle de l'étalonnage du 8 avril 94. Cette différence pourrait en fait provenir de la vitesse de coupure des anémomètres. A faible néanmoins mesurable vitesse dans la cheminée d'air peut en effet correspondre une mesure 'nulle' dans le tube enterré. Lors de régime transitoire (enclenchement/déclenchement du ventilateur) ce effet porte également conséquence sur les mesures à relativement haute vitesse, ainsi que le confirme quelques analyses ponctuelles. Nous représentons ici ce phénomène par la relation en moyenne horaire des deux mesures de vitesse (Fig. 17). On y voit bien que si la vitesse dans le tube chute systématiquement à zéro pour une faible vitesse totale, elle se situe, même à haut régime, régulièrement en dessous de sa valeur théorique, donnée par l'étalonnage du 8 avril.
Serre à air, climat dans la serre et à l'entrée du stock
Les températures et humidités mesurées dans la serre à air sont en principe égales à celles mesurées à l'endroit où le flux d'air entre dans le stock (dans la cheminée « d'entrée » du stock, au fond de la serre, lorsque le flux est positif, dans celle « de sortie », à l'avant de la serre, lorsque le flux est négatif). Ce principe permet de vérifier la consistance des mesures d'entrée/sortie du stock, nécessaires au calcul des puissances d'échange. A cet effet nous présentons dans les figures ci-dessous les corrélations pour les températures et humidités absolues, en moyennes journalières.
Si la corrélation en température est bonne, on s'aperçoit que les humidités absolues présentent elles une dispersion relativement importante, surtout dans le cas du flux positif. Ce phénomène provient vraisemblablement du système de brumisation, dont les gouttelettes en suspension dans l'air n'ont pas le temps de s'évaporer avant leur aspiration par le ventilateur, ainsi que cela est explicité dans l'analyse des bilans énergétiques.
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L'analyse des échangeurs air/sol fait intervenir une série de paramètres physiques à la fois de l'air et du sol, ainsi que le coefficient d'échange thermique à l'interface des deux (échange convectif air/tube). La plupart des grandeurs utilisées au cours de ce travail sont répertoriées dans des ouvrages de références, que nous nous bornerons ici à citer. Une petite discussion sera cependant dévolue au cas de l'échange convectif air/tube, généralement présenté sous la forme de modèles basés sur les nombres adimensionnels, que nous avons choisi de traiter de façon simplifiée, en faisant directement appel à des grandeurs physiques d'accès immédiat (diamètre des tubes, vitesse de l'air). De même pour la propriété des sols naturels, eux-mêmes constitués d'une multitude d'éléments physiques de base, au sujet desquels nous emprunterons un petit rappel à un ouvrage de référence.
Les propriétés de l'air, et en particulier de l'air humide (çàd chargé d'une certaine quantité de vapeur d'eau que l'on exprime généralement via l'humidité relative), sont très bien explicitées et répertoriées dans le tome de base de la série de handbooks éditées par la Société américaine des ingénieurs en chauffage, réfrigération et air conditionné [Am. Soc. of HVAC, 1989, Ch. 6]. On y trouvera en particulier les relations entre humidité relative, pression de vapeur et contenu massique en eau, ainsi que la chaleur massique de l'air humide en fonction de la température, ou la chaleur latente de l'eau.
Notons encore qu'en absence de donnée sur la pression atmosphérique, nous avons effectué nos calculs à pression de 1 bar, et que nous avons utilisé l'approximation des gaz parfaits pour faire les conversions entre débit volumique et débit massique.
Un des paramètres fondamentaux des échangeurs air/sol est le coefficient d'échange convectif entre le flux d'air et le tube. Il reflète, de façon macroscopique, les échanges thermiques qui ont lieu entre le gros du flux et la couche limite qui se développe à la surface du tube. De façon générale, ce coefficient dépend tant de la géométrie du problème étudié que de facteurs intrinsèque au fluide (tels la viscosité, la densité ou la conductivité thermique), ou au tube (tel la rugosité), ouvrant la porte à une myriade de cas de figure différents. Afin d'en synthétiser l'étude, il est toutefois possible, par réduction appropriée des grandeurs en jeu, de ramener les problèmes convectifs à une série de cas standards, que l'on peut traiter ou du moins approximer à partir de lois physiques fondamentales [Incropera et De Witt, 1990]. En particulier, pour un même type de géométrie (dans le cas présent un écoulement interne dans un tube cylindrique) mais pour différents fluides, on exprime en général le coefficient d'échange convectif ha en le réduisant par rapport au coefficient de transfert par conduction, calculé pour une épaisseur d'air équivalente au diamètre du tube d :
où la est le coefficient de conduction de l'air (sans convection). Ce rapport, appelé nombre de Nusselt, est lui-même évalué en fonction de deux autres nombres adimensionnels, à savoir le nombre de Prandtl Pr (rapport entre viscosité cinématique et diffusivité thermique) et le nombre de Reynolds Re. Pour de l'air, le nombre de Prandtl est très stable sur la plage de température qui nous concerne (Tab. 6). Le nombre de Reynolds dépend quant à lui tant de la viscosité cinématique ga (relativement stable, Tab. 6), que de la vitesse du fluide v et du diamètre du tube d :
si bien qu'il représente le paramètre majeur de notre problème.
Bien que de forme générique similaire, de par la littérature une pléthore de modèles différents relient ces paramètres entre eux. Nous retiendrons quant à nous une version corrigée du modèle de Von Hausen [Gnielinski, 1975], qui a le mérite d'une plage de validité relativement étendue vers les petites vitesses et/ou petits diamètres (Re>2'300). Sa formulation complète est de la forme :
où les températures de l'air Ta et du tube Tt sont donnés en K. Dans la pratique, le rapport entre diamètre et longueur du tube serra en général inférieur à 0.01 et le différentiel de air-tube se situera en dessous des 10 K. Cumulés, les deux termes correctifs y relatifs se situeront ainsi en dessous des 2% et pourront être négligés.
Une étude paramétrique du nombre de Nusselt ainsi calculé (puis ramené sous sa forme dimensionnelle de coefficient d'échange), montre l'importance primordiale de la vitesse du flux : celle-ci induit un accroissement quasi-linéaire de l'échange thermique (Fig. 19 et Tab. 7 à 8), d'autant plus important que le rayon est faible (et que le gros du flux, au centre, interagit plus fortement avec la surface du tube).
Cet effet est encore plus marqué avec des tubes rectangulaires (échangeur plan), pour lequel le nombre de Reynolds est calculé avec le diamètre hydraulique équivalent :
où A, p et h sont respectivement la section, le périmètre et l'épaisseur du tube, que nous avons supposé bien inférieur à la largeur (lame d'air).
On trouvera les coefficients de conductivité thermique et capacité calorifique ainsi que la masse volumique de la plupart des matériaux de construction homogène dans des tables [GRES, 1985] ou directement intégrés dans des logiciels d'énergétique du bâtiment [Enercad].
Le cas des sols naturels, un peu moins connu par les thermiciens, sera brièvement traité ici sur la base d'un ouvrage de référence [Musy et Soutter, 1991].
La capacité thermique cs d'un sol s'exprime par une moyenne pondérée des capacités calorifiques respectives de ses constituants (minéraux, matière organique, air, eau) :
où ci, ri, ci représentent respectivement la teneur (en m3/m3 total), la masse volumique et la capacité calorifique d'un des constituants.
Ainsi, comme l'eau et la matière organique se distinguent par une capacité calorifique supérieure à celle des éléments minéraux (Tab. 9), un sol humide emmagasinera mieux la chaleur qu'un sol sec, effet parfois utilisé pour accroître la performance d'échangeurs air/sol [Alvarez et al., 1992].
Soit dit en passant, ce phénomène a également son importance en agriculture, où le réchauffement printanier d'un sol sera d'autant plus lent que sa teneur en eau et sa teneur en matière organique seront élevées. Par ailleurs, pour un sol sec, ce réchauffement sera d'autant plus rapide que sa porosité est grande. Ces quelques considérations soulignent l'intérêt d'un drainage efficace à la sortie de l'hiver, un réchauffement accéléré du sol permettant en effet un démarrage plus précoce des cultures et allongeant d'autant la période végétative, ce qui favorise le développement des plantes.
D'autre part, la conductivité thermique d'un sol dépend non seulement de sa composition (teneur en matières minérales et organiques, dont on trouve les coefficients de conductivité dans le Tab. 9), mais également de l'arrangement et de la forme de ses particules constitutives, des liaisons entre ces particules (ponts d'eau), ainsi que de sa teneur en air (faiblement conducteur). Le sol apparaît ainsi comme conducteur de chaleur d'autant meilleur qu'il est humide (Fig. 20), effet qui se cumule au précédent et milite, lorsque c'est possible, pour l'humidification d'un sol utilisé dans un échangeur air/sol [Alvarez et al., op. cit].
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En principe, la conductivité thermique varie dans l'espace et dans le temps, notamment en fonction des variations de teneur en eau par migration, celle ci ayant alors pour conséquence d'accélérer encore le transfert de chaleur par effet convectif.
Dans le travail qui suit nous ne tiendrons pas directement compte de cet effet, que nous introduirons tout au plus en considérant, sous la forme de condition au bord isotherme, une nappe phréatique mouvante située en dessous d'une nappe de tube.
Contrairement à ce qui se passe pour un milieu de stockage liquide, qui peut souvent se décrire par séparation des paramètres capacitif et convectif (modèles à un noeud), les échanges thermiques avec un milieu solide, de nature diffusive (continuum conductif/capacitif), induit des déphasages et amortissements de température souvent difficile à caractériser de façon intuitive, l'inhomogénéité du champs de température ne permettant généralement pas la mise en oeuvre de modèles mathématiques simples. Si, à défaut de mieux, certain auteurs utilisent tout de même de tels modèles pour le dimensionnement d'échangeurs air/sol [Bansal et al., 1983; Tiwari et al., 1993; Athienitis et al., 2000; Serres et al., 1994; Tzaferis et al., 1992], il reste à priori difficile, particulièrement en condition non-stationnaire, d'estimer les paramètres fondamentaux tels que le coefficient d'échange air/sol et la température effective du sol.
Hormis une solutions approximative, basée sur une solution stationnaire et pour une géométrie restreinte [Koschenz et Lehmann, 2000], une des étude analytique les plus aboutie [Claesson et Dunand, 1983] donne la solution exacte de la diffusion de chaleur latérale d'un tube cylindrique soumis à excitation périodique. Elle est complétée [Sawhney et Mahajan, 1994] par l'effet qui en résulte sur la variation longitudinale de la température du flux d'air. Bien qu'y soit prise en compte le couplage thermique du sol avec sa surface libre, considérée plane et soumise à excitation périodique déphasée, pour le reste de la géométrie la diffusion dans le sol se poursuit virtuellement à l'infini, çàd sans restriction sur la quantité de terrain à disposition. Il manque surtout à cette étude une interprétation physique ainsi qu'une présentation simple et opérationnelle des résultats obtenus.
Le but de se chapitre sera de traiter un problème similaire à cette dernière étude, en ajoutant une condition radiale finie (limitation du terrain à disposition de chaque tube), mais en omettant la contrainte liée à la surface libre du sol, ainsi qu'en développant la solution et en interprétant les résultats de façon adéquate à la compréhension conceptuelle des phénomènes en jeu. Ceci permettra en particulier de caractériser les phénomènes d'amortissement et de déphasage par diffusion et de développer une règle du pouce pour le dimensionnement des systèmes. Par transformée de Fourrier d'une année météorologique horaire, ces résultats seront finalement utilisés pour développé un outil de calcul simplifié mais rigoureusement correct et facile à mettre en oeuvre, complémentaire au modèle numérique plus complexe décrit plus loin.
Divers
Nous considérerons un flux d'air (ou, par extension, d'un autre fluide) qui balaye dans sa longueur un tube cylindrique entouré d'une couche de terrain d'épaisseur finie, soumise à condition au bord adiabatique ou isotherme (Fig. 21). La température à l'entrée du tube étant supposée sinusoidale nous nous intéresserons à son évolution en fonction de la distance parcourue. Un des résultas majeur de notre étude consistera à montrer que cette évolution résulte du couplage en série entre le coefficient d'échange convectif air/tube et un coefficient d'échange effectif rendant compte de la diffusion dans le terrain, ce dernier coefficient étant principalement déterminé (à concurrence de l'épaisseur de la couche) par la longueur de pénétration propre à la durée du signal.
Dans la pratique on ne rencontrera guère de condition au bord radiale isotropique comme celle supposée ici, si bien que la limite radiale imposée à la diffusion doit être considéré comme un rayon effectif, tenant simultanément compte de facteurs limitatifs comme la proximité d'autres tubes posés en parallèle ou celle d'une nappe phréatique ou de toute autre surface plane isotherme. Nous ne nous intéresserons pas ici à la façon adéquate de représenter sous cette forme une géométrie réelle, qui peut aisément se simuler avec le modèle numérique présenté au chapitre 4, mais plutôt aux enseignements généraux que l'on peut retirer de cette approche.
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Dans ce cadre nous considérerons par ailleurs les hypothèses simplificatrices suivantes :
Avec la nomenclature définie plus haut, les échanges thermiques en jeux sont régit par un système de trois équations régissant respectivement la diffusion dans le sol, l'échange convectif air/tube et le couplage entre les deux au niveau du tube :
où la diffusivité est reliée aux propriétés conductive et capacitive du sol :
et la vitesse est reliée au débit massique et au rayon :
En reformulant (3), les deux premières équations du systèmes peuvent s'écrire en fonction uniquement, dont la solution détermine celle de
:
Enfin, à la limite de la couche de terrain disponible, nous considérerons alternativement une condition aux bords isotherme ou adiabatique :
Avant de s'attaquer au problème périodique qui nous intéresse, nous traiterons le problème stationnaire, correspondant à une température d'entrée constante :
dont la résolution tout comme la solution nous serviront de point de référence.
Découplage géométrique
En régime établi et
ne dépendent plus de
et nous pouvons séparer les composantes radiale et longitudinale de la façon suivante :
Les fonctions et
étant définies à une constante multiplicative près, nous ajoutons arbitrairement la condition suivante :
ce qui fixe comme étant la température du sol au niveau du contact avec l'air (température du tube). En y substituant (11-12) et en définissant par ailleurs :
le système (6-8) devient :
et les conditions au bord (9-10) deviennent :
Solution longitudinale
La résolution triviale de (16), son couplage avec (17) et la condition (18) permettent de fixer les composantes longitudinales :
Solution radiale
Soumise à la condition (13), la solution générale de (15) s'écrit quant à elle sous la forme :
où est déterminé par l'une ou l'autre des conditions radiales (19a/b).
Avec la condition isotherme (19a), , de telle sorte que (22) et (14) s'écrivent :
Avec la condition adiabatique (19b), tend vers l'infini, de telle sorte que (22) et (14) s'écrivent :
Solution complète
Définie par (11-12), (20-21) et (23-24), la solution complète s'écrit enfin de la façon suivante :
Pour une condition au bord isotherme, la décroissance exponentielle du signal d'entrée, sans déphasage, correspond à celle d'un échangeur statique :
pour lequel le coefficient d'échange est déterminé par le couplage en série des coefficients convectif / diffusif de l'air et du sol :
où, par identification avec , le coefficient diffusif du sol
est donné par (24a).
La même décroissance exponentielle selon s'observe par ailleurs au niveau du sol, avec cependant une amplitude qui est divisée par le couplage en série de
et
, et qui décroît radialement sous forme logarithmique :
Pour une condition au bord adiabatique, la solution triviale :
correspond à une saturation du terrain, lui-même à température uniforme et n'échangeant plus rien.
Solution périodique
Le problème périodique est quant à lui défini par une température d'entrée sinusoidale :
Il peut être résolu de façon tout à fait analogue au cas stationnaire.
Découplage espace/temps et notation complexe
En régime établi, la recherche d'une solution périodique passera par la notation complexe :
qui permet de formellement découpler les composantes espace/temps, les déphasages temporels étant portés par l'argument complexe des amplitudes ,
et
. Les fonctions
et
étant définies à une constante multiplicative près, nous fixons à nouveau
comme la température du tube, en imposant :
De même qu'avant, en définissant :
le système (6-8) devient :
et les conditions au bord (9) et (29) s'écrivent :
Solution longitudinale
Comme tout à l'heure, la résolution triviale de (35), son couplage avec (36) ainsi que la condition (37) permettent de fixer les composantes longitudinales :
où représente le temps nécessaire au flux d'air pour parcourir la distance x :
Solution radiale
La solution générale de (34) est quant à elle donnée par :
où d est la profondeur de pénétration propre à la diffusivité du sol et à la fréquence du signal :
et où et
sont les fonctions de Bessel modifiées d'ordre n [Abramowitz et Stegun, 1972]. Les coefficients
et
sont quant à eux déterminés par (42), (32) et l'une ou l'autre des conditions radiales (38a/b).
Via (33) et les règles de dérivation des fonctions de Bessel on obtient finalement :
Avec la condition isotherme (38a) :
Avec la condition adiabatique (38b) :
Solution complète
Définie par (30-31), la solution complète du problème s'obtient par multiplication des solutions partielles (39-40) et (44-45), dont il s'agit de prendre la partie réelle. En particulier, après décomposition formelle du couplage entre et
:
nous obtenons pour la température de l'air une solution qui fait explicitement apparaître l'amortissement exponentiel et le déphasage du signal d'entrée :
L'évaluation des coefficients et
s'opère par décomposition de
en parties réelle et imaginaire :
obtenue par développement en série [Abramowitz et Stegun, op.cit.] des fonctions de Bessel qui interviennent dans (45). Avec cette définition, la décomposition (46) peut s'écrire sous la forme explicite suivante :
les coefficients de transfert thermique et déphasage étant ainsi essentiellement donnés par le couplage en série du coefficient convectif avec les coefficients diffusifs
et
.
Grandeurs réduites
Afin de pouvoir synthétiser le comportement les grandeurs en jeux, il est commode de les représenter sous forme réduite, classées ici selon leur type :
où, Sx est la surface d'échange air/tube :
et où, d'après (25-26), est le coefficient de transfert diffusif d'une couche de sol d'épaisseur
balayée par un signal stationnaire,
étant la surface d'amortissement caractéristique associée (pour un couplage convectif parfait, çàd. pour
) :
Avec ces définitions (35) se réduit finalement à :
Grâce à ces réductions, le comportement des coefficients diffusifs image380 et image381en fonction de l'épaisseur de sol prend toute sa signification physique (Fig. 22).
Pour une condition au bord isotherme et tout comme dans le cas stationnaire (çàd. selon la même loi logarithmique), le coefficient diffusif commence par décroître lorsque l'épaisseur du sol augmente, 'isolant' peu à peu le tube de la source de température en surface. Ce coefficient se stabilise cependant lorsque l'épaisseur du sol dépasse la profondeur de pénétration
, indiquant qu'au delà de la couche active le flux d'air ne 'voit' plus la température de surface (constante, mais égale à la moyenne de l'oscillation d'entrée).
La même limitation par la couche active s'observe pour une condition aux bord adiabatique. Contrairement au cas stationnaire, où plus aucun échange de chaleur n'avait lieu, il y a cette fois-ci pour une couche suffisamment épaisse amortissement du signal sinusoidal. Une diminution de l'épaisseur de sol en dessous de induit cependant une diminution du coefficient de transfert diffusif, dont la masse capacitive est graduellement réduite à zéro, le cas limite correspondant à un tube parfaitement isolé sans masse active aucune.
Un même phénomène de saturation liée à la longueur de pénétration apparaît pour le coefficient de déphasage
. Pour l'une et l'autre des conditions au bord, il commence par croître avec l'épaisseur disponible de sol pour se stabiliser au-delà de l'épaisseur critique
, dans le cas adiabatique en passant par un point maximum,. Contrairement au coefficient
, dont la valeur la valeur de stabilisation s'avère être indépendante (sous forme réduite) du rayon du tube, celle de
est d'autant plus faible que le rayon est petit.
condition au bord isotherme | condition au bord adiabatique |
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Couplage avec l'air et coefficients de correction et
Lors d'un couplage convectif air/sol imparfait, le coefficient d'échange convectif agit de façon générale comme un diviseur de potentiel, les coefficients effectifs
et
prenant essentiellement la même allure, mais réduite, que les coefficients
et
(Fig. 24 et 26), ce qui justifie la formulation (49-50).
Toutefois (Fig. 23 et 25), les corrections et
prennent de l'importance lorsque le coefficient convectif diminue et s'approche de la valeur de référence
(
).
Cette correction est particulièrement importante pour une condition au bord adiabatique. Positive en ce qui concerne la correction a pour tendance, à faible
: 1) de redresser sous forme linéaire un comportement de
à la base en puissance de
; 2) de réduire la dispersion en fonction du rayon du tube
. Négative en ce qui concerne
, la correction a pour tendance : 1) d'écraser le maximum par lequel passe
aux alentours de
; 2) de faire chuter le déphasage
bien en dessous du coefficient de transfert thermique
et de réduire la dispersion en fonction du rayon du tube
.
Echangeur plan
Il peut être utile de remarquer que l'étude que nous venons de faire se généralise également au cas d'un échangeur plan, auquel cas (47) s'écrit directement :
où représente comme précédemment la surface d'échange, plane cette fois-ci, du 'tube'. Par comportement asymptotique des fonctions de Bessel (ou par nouvelle résolution complète du problème), le coefficient diffusif total (45) est alors donné comme suit :
Avec une condition isotherme en :
Avec la condition adiabatique :
où représente toujours l'épaisseur de sol à disposition. On tire comme précédemment les valeurs de
et
par décomposition complexe (48), valeurs qui se confondent avec celles données plus haut pour un rayon
(Fig. 22). Enfin
et
s'obtiennent par (49-52) ou graphiquement (Fig. 24 ou 26).
Notons enfin que le retard , qui dans (47) et (62) correspond au temps que met le flux pour parcourir la distance
, sera en pratique négligeable : par rapport à la fréquence la plus rapide qui nous intéressera, à savoir la fréquence journalière, un temps de transit d'environ un quart d'heure dans le tube n'induirait en effet pas plus qu'un temps de retard 'naturel' de 1%.
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La solution (47) ou (62) met clairement en évidence le phénomène conjoint d'amortissement et de déphasage qui caractérise un flux d'air traversant un échangeur diffusif. Nous nous intéresserons ici au rapport relatif de ces deux phénomènes, en distinguant d'une part les couches de sol suffisamment épaisses pour permettre au phénomène diffusif de prendre toute son ampleur naturelle ( >
), d'autre part les couches de sol 'minces' (
<
).
Amortissement par développement complet de la couche active
Dans le premier cas, les problèmes adiabatiques et isothermes sont totalement équivalents, le tube ne 'voyant' plus la source thermique, respectivement l'isolation latérale. Ainsi que nous l'avons vu, avec une couche d'épaisseur le coefficient diffusif d'amortissement
est alors essentiellement équivalent au coefficient diffusif
propre à l'amortissement d'un signal stationnaire. Le coefficient diffusif de déphasage
reste quant à lui généralement inférieur à cette valeur, qu'il atteint uniquement dans le cas d'un échangeur plan. Avec une couche de sol suffisamment épaisse, l'échangeur diffusif fonctionnera donc essentiellement comme un amortisseur thermique, le déphasage devenant un phénomène relativement secondaire.
Ainsi (Fig. 27, gauche), pour le cas plan et un bon couplage convectif (>10
), on observe pour une surface
=1 un déphasage d'à peine 1 rad (4 heures en fréquence journalière, 2 mois en fréquence annuelle) alors que le signal est déjà amorti à une valeur de e-1. Quant au déphasage complet de
(12 heures en fréquence journalière, 6 mois en fréquence annuelle), il n'est atteint qu'une fois l'amplitude d'entrée réduite à une valeur résiduelle de
~ 4%. Pour tous les autres cas ce déphasage sera par ailleurs d'autant plus réduit que
décroît : 1) avec le rayon du tube; 2) avec le coefficient convectif
(Fig. 24 ou 26).
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Déphasage par développement d'une couche mince isolée
Ce n'est que lorsque la couche de sol rétrécit en deçà de que les problèmes isothermes et adiabatiques se différencient. Dans le premier cas, le flux d'air entrant cette fois en contact avec la source thermique, l'amortissement sera fortement accentué, au contraire du déphasage qui chutera encore plus bas (Fig. 22).
Pour le problème adiabatique un phénomène d'un genre tout à fait nouveau fait cependant son apparition. Bien que les deux coefficients diffusifs chutent alors gentiment vers zéro, le fait sous forme linéaire alors que
affiche un comportement en forme de puissance de
(Fig. 22). Il en résulte, pour une valeur de
aux alentour de 0.2
, un coefficient de déphasage résiduel
non nul et d'autant plus important que le rayon du tube est grand (d'une valeur d'environ 0.4
pour un échangeur plan), alors que le coefficient d'amortissement
est déjà complètement réduit à néant. Pour une telle configuration en 'couche mince' et adiabatique, il en résulte un déphasage certes moins important qu'avec une couche complètement développée, mais accompagnée d'un amortissement quasi nul de l'oscillation d'entrée. Il devient dès lors possible, sous réserve d'un bon couplage convectif, d'obtenir un déphasage complet d'une valeur
, pour un amortissement quasi nul (Fig. 27, droite). Un couplage convectif médiocre entraînant comme nous l'avons vu un redressement du comportement de
à faible épaisseur de sol, ce phénomène est alors fortement amoindri.
Ce phénomène de déphasage à amortissement quasi nul étant à notre connaissance tout à fait inconnu, nous l'avons préliminairement mis en évidence expérimentale en mode journalier, avec un échangeur plan (lame d'air de 5 mm entre deux plaques de béton de 2.5 cm d'épaisseur, 25 cm de large et 2 m de long, isolation latérale en polystyrène de 12 cm), soumis à un flux d'air de débit estimé à 8 m3/h (Fig. 28). L'oscillation météorologique de la période en question étant relativement faible, elle a été accentuée par chauffage électrique d'une fréquence de 12 heures. Bien que la surface d'échange n'ait pas été suffisamment grande pour atteindre un déphasage complet de 12 heures et que l'échange convectif encore trop faible induise un amortissement résiduel non négligeable, le phénomène est clairement mis en évidence. L'expérience montre par ailleurs clairement l'importance critique de l'épaisseur de la couche active, dimensionné ici pour le déphasage de la fréquence de base, toutes les fréquences plus rapides inclues dans le signal 'carré' étant quant à elles peu à peu amorties.
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La solution analytique développée dans la section précédente permet en principe de dégager une règle du pouce pour le dimensionnement des échangeurs air/sol, basée en particulier sur le rapport entre débit d'air et surface d'échange qui intervient dans (47) ou (62). Ainsi que nous le verrons, cette règle du pouce dépendra de la fréquence à laquelle on s'intéressera (journalière ou annuelle), ainsi que l'effet recherché (amortissement ou déphasage). Ceci dit, le couplage convectif air/tube joue un rôle important et relativement complexe dans le couplage thermique entre l'air et le sol, si bien que le développement complet et rigoureux d'une telle règle du pouce demande un travail d'envergure qui dépasse le travail effectué jusqu'ici.
Nous nous limiterons donc pour l'instant, sur la base d'un exemple concret, à mettre en évidence les paramètres cruciaux qui interviendront dans le développement d'une telle règle, ainsi qu'à sortir quelques ordres de grandeur préliminaires.
Nous nous baserons pour cela sur un exemple concret, soit le traitement d'un flux d'air de 200 m3/h (suffisant en principe au renouvellement d'air d'une surface de plancher de 160 m2), correspondant le cas échéant en une fraction d'un débit d'air plus important, traité en sections parallèles (nappe de tubes). Afin d'examiner la pertinence de traiter 200 m3/h par tube, nous comparerons les résultats obtenus à ceux d'un dimensionnement pour débits 2 ou 4 fois plus petits (2 à 4 fois plus de tubes en parallèle).
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Outre le fait de nous intéresser à deux types de fréquences et deux types d'effets, nous considérerons séparément les échangeurs cylindriques et plans, ces derniers consistant en un échange diffusif unidimensionnel mais bidirectionnel avec le terrain alentour (Fig. 29). Pour l'un et l'autre, l'ajustement du rayon du tube ou de l'épaisseur de la lame (de largeur arbitrairement définie à 1 m) se fera de manière à obtenir des vitesses de 1, 2 ou 4 m/s (Tab. 11 et 12). Les propriétés thermiques du sol seront fixées à 1.9 W/K.m pour la conduction et 1.9 MJ/K.m3 pour la capacité calorifique, valeurs correspondant à un sol sablonneux à faible teneur en eau (Ch.2).
Notons en fin que nous nous intéresserons ici plus particulièrement à l'influence de la quantité de matière à mettre en oeuvre autour de tubes (profondeur, entre-axe) et donc à l'influence qu'ils peuvent avoir les uns sur les autres, questions que nous aborderons via la solution périodique adiabatique. Nous écarterons donc l'hypothèse d'une source thermique proche, que celle-ci soit à température égale à la moyenne du signal (problème périodique isotherme), ou qu'elle présente un différentiel de température avec à la base du signal (problème isotherme stationnaire), comme pourrait l'être une nappe phréatique de température égale à la moyenne météo annuelle, respectivement un bâtiment non isolé.
Le choix de la fréquence à traiter a évidemment une conséquence fondamentale sur la longueur de pénétration de l'oscillation dans le sol. En effet, déterminée par (43), celle-ci est pour un signal annuel de l'ordre de 20 fois () plus grande que pour un signal journalier : pour le type de sol choisi elle vaut respectivement 317 et 17 cm. Il en résulte que les volume de matière à mettre en oeuvre (ou encore la profondeur d'excavation ou l'écartement des tubes) sera nettement plus importante pour faire de l'amortissement ou du déphasage en base annuelle que journalière.
Coefficient d'amortissement stationnaire
Par conséquence, lorsque cette matière est à disposition (profondeur et distance entre tubes ou lames d'air supérieure à ), le coefficient d'amortissement 'naturel'
qui s'y développe est, pour le cas plan, 20 fois plus faible en valeur annuelle que journalière, indépendamment de l'épaisseur de la lame d'air. Ce n'est pas le cas pour l'échangeur cylindrique, pour lequel la dépendance de
en fonction de
est logarithmique, la diffusion de chaleur radiale étant plus efficace que la diffusion linéaire. Il en découle pour le cas cylindrique : 1) que la valeur de
, plus importante que dans le cas plan, augmente lorsque le rayon du tube diminue; 2) que pour un rayon donné, le rapport entre coefficients annuel et journalier est supérieur à 1/20, atteignant dans notre exemple entre 0.2 et 0.4 pour les rayon de 3 à 13 cm qui nous concernent.
Conformément à l'analyse du Ch. 2, nous supposerons ici un coefficient d'échange convectif air/tube dépendant linéairement de la vitesse. Par mesure de simplicité, vu les faibles vitesses et la variation relativement restreinte des rayons ou épaisseur de tube, nous supposerons par ailleurs une relation homogène sur les configurations géométriques étudiées, donnée par
où est en W/K.m2 et
en m/s. Bien que cette hypothèse simplificatrice ne reflète pas tout à fait la réalité, elle sera suffisante pour expliciter les ordres de grandeur en jeu.
Ainsi, vu les faibles vitesses choisies, dans le cas de l'échangeur cylindrique il est primordial de noter que le coefficient est globalement de même ordre de grandeur que
, ce dernier variant peu avec le choix de l'une ou l'autre des deux fréquences. Relativement à la diffusion maximale à escompter dans le terrain (pour une couche de sol autour des tubes suffisamment épaisse), le couplage convectif restera donc relativement médiocre, induisant grosso modo une division de potentiel de 0.2 à 0.5 (fréquence journalière) ou 0.5 à 0.7 (fréquence annuelle).
Si tel est également le cas de l'échangeur plan utilisé en mode journalier, ce n'est plus vrai en mode annuel, pour lequel eu égard à la très faible valeur de le défaut de couplage convectif devient relativement secondaire.
Dans le contexte général posé ci-dessus, nous évaluerons la possibilité et les contraintes liées à l'amortissement adiabatique d'une oscillation journalière ou annuelle. Dans les deux cas nous fixerons l'épaisseur de la couche de sol entre les tubes / lames à environ une fois la longueur de pénétration (plus précisément à 15 cm pour le cas journalier et 3 m pour le cas annuel), de façon à bénéficier d'un coefficient complètement développé.
En se fixant comme but un amortissement d'un facteur e-2 de l'amplitude thermique à l'entré, il résulte de (47) la nécessité d'une surface d'échange :
qui, selon la géométrie choisie (rayon du tube, épaisseur de la lame), détermine la longueur de l'échangeur.
Amortissement journalier
De façon générale, le couplage médiocre entre le flux d'air et le tube réduit presque à néant le léger avantage du coefficient (proche de
) d'une géométrie cylindrique, par rapport à celui d'une géométrie plane : les coefficients effectifs
sont finalement dans l'un comme l'autre cas de valeur similaire (Tab. 11 et 12). Pour le traitement de 200 m3/h, il en résulte une surface d'échange d'un peu moins de 30 m2 pour une vitesse de 1 m/s, qui se réduit à environ 20 ou 15 m2 pour des vitesses de 2 ou 4 m/s.
Dans le cas plan, le fractionnement du débit pour un traitement en parallèle aurait les conséquences suivantes. A épaisseur de lame constante (p.ex. 1.4 cm), la division du débit par 2 ou par 4 entraîne des vitesse et donc un coefficient d'échange convectif réduits, d'où in fine la nécessité d'une surface d'échange totale (pour les 2 ou 4 lames) légèrement supérieure. Seul le maintient d'une vitesse constante, par rétrécissement de la lame, permet de garder une surface totale constante et de réduire ainsi par 2 ou 4 la longueur associée.
Bien que le phénomène soit similaire pour l'échangeur cylindrique, le maintien absolu de la surface d'échange constante n'y est pas possible, puisque la diminution du rayon nécessaire à maintenir la vitesse induit également une diminution du périmètre du tube et donc de la surface d'échange par unité de longueur. Bien qu'elle soit en partie compensée par un coefficient légèrement meilleur (
augmentant lorsque le rayon diminue), la surface totale pour le traitement par débit fractionné implique dans tous les cas une surface totale un peu plus importante.
Quoiqu'il en soit, en admettant un amortissement légèrement moins drastique que e-2, on pourra garder comme règle de dimensionnement simple, la nécessité d'un rapport entre surface d'échange (en m2) et débit (en m3/h) de l'ordre de 1/10 pour une vitesse de 1 m/s, pouvant passer à 1/15 ou 1/20 pour des vitesses de 2 ou 4 m/s.
Amortissement annuel
Le comportement similaire des géométries planes et cylindriques est rompu dans le cas de l'amortissement annuel. En effet, la chute dramatique du coefficient en diffusion plane décuple approximativement la surface d'échange nécessaire à l'amortissement de l'amplitude d'entrée. L'échange convectif étant de toute façon largement réduit par le coefficient diffusif, l'augmentation de vitesse n'entraîne quasiment plus aucun gain et le traitement par bloc ou fractionnement du débit revient strictement au même, nécessitant dans tous les cas un rapport surface (en m2) sur débit (en m3/h) de l'ordre de 1/1. Cette même règle s'appliquera dans le cas d'une nappe de tube serrée, qui ne bénéficierait pas de la distance entre tube nécessaire pour de l'amortissement annuel et travaillerait alors (du moins pour cette fréquence) en mode plan. En assumant que le terrain au voisinage immédiat des tubes se sature alors à la même température que ceux-ci, ce sera en première approximation la surface d'emprise totale de l'échangeur et non celle des tubes qui fera foi dans le calcul (multipliée par 2 si la diffusion annuelle peut avoir lieu vers le haut comme vers le bas)
Il n'en va pas de même dans le cas cylindrique, pour lequel le coefficient reste en valeur annuelle relativement proche de sa valeur journalière (à condition toute fois que la profondeur des tubes d'environ 3 m et leur écartement de 2 x 3 = 6 m soient respectés). Un dimensionnement avec un rapport de surface (en m2) sur débit (en m3/h) de l'ordre de 1/5 à 1/10 pour des vitesses de 1 à 4 m/s devrait alors être suffisante à l'amortissement de l'oscillation saisonnière.
De même de ce qui a été fait pour l'amortissement, nous évaluerons la possibilité et les contraintes liées au déphasage adiabatique d'une oscillation journalière ou annuelle. Conformément à la condition nécessaire à l'apparition du phénomène, nous fixerons l'épaisseur de la couche de sol entre les tubes / lames à environ 0.2 fois la longueur de pénétration (plus précisément à 3 cm pour le cas journalier et 60 cm pour le cas annuel), de façon à bénéficier d'un coefficient résiduel, mais un coefficient
quasi nul.
En se fixant comme but un déphasage de p de l'amplitude thermique à l'entré (12 heures en mode journalier, 6 mois en mode annuel), il résulte de (47) la nécessité d'une surface d'échange :
qui, selon la géométrie choisie (rayon, épaisseur), détermine à nouveau la longueur de l'échangeur.
Déphasage journalier
De façon générale et tout comme dans le cas de l'amortissement journalier, malgré le léger avantage du coefficient à la base d'une géométrie cylindrique, les coefficients
relatifs aux géométries plane et cylindrique s'avèrent finalement être très proche l'un de l'autre, ceci suite au couplage médiocre entre l'air et le tube qui, tout en agissant comme diviseur de tension thermique, réduit les disparités (Fig. 26). D'autre part, à faible
la division de tension a globalement moins d'incidence sur le coefficient résiduel
qu'elle n'en avait sur le coefficient
développé autour de
=1 (cas de l'amortissement traité plus haut). Dès lors le coefficient effectif
mis en oeuvre pour le déphasage journalier s'élève finalement aux alentour de 0.5 fois le coefficient effectif
de l'amortissement journalier. Un rapport p/2 différenciant l'un et l'autre des dimensionnement (66) et (67), la surface d'échange nécessaire au déphasage ne s'élève finalement en régime journalier qu'à guère plus que 3 fois celle nécessaire à l'amortissement (soit aux alentour de 80, 60 et 50 m2 pour le traitement de 200 m3/h à vitesse de 1, 2 ou 4 m/s, Tab. 11 et 12). Cependant, vu l'épaisseur de matière réduite par rapport au cas de l'amortissement, le volume mis en oeuvre sera lui globalement réduit (échangeur plan) ou aura, selon les rayons, tendance à rester constant (échangeur cylindrique).
Ainsi que nous l'avons mis en évidence plus haut, l'incidence principale du mauvais couplage air/tube a cependant une incidence désastreuse sur le coefficient résiduel , fortement augmenté par rapport au coefficient
quasi-nul que nous recherchons. Pour une simple mise en oeuvre comme celles proposées ici, l'amplitude résiduelle à la sortie de l'échangeur s'en trouverait fortement réduite, contrairement au but recherché. Ceci montre clairement la nécessité, pour du déphasage journalier, de travailler plus finement le couplage convectif entre air et tube, par exemple en remplaçant l'air par de l'eau (échange convectif d'au moins un ordre de grandeur supérieur), ainsi probablement qu'en s'intéressant à des matériaux à effusivité différente que celle du sol sablonneux choisi ici.
Déphasage annuel
La situation est quelque peu différente pour le déphasage annuel, pour lequel le couplage convectif imparfait est relativement peu important par rapport à la chute du coefficient (donc du coefficient
), principalement pour l'échangeur plan. Ce dernier permettrait aisément un déphasage de 6 mois avec une amplitude résiduelle de 80 à 90% de sa valeur à l'entrée, mais nécessiterait également des surfaces d'échanges (en m2) extrêmement grande, d'un rapport de 5/1 par rapport au débit (en m3/h) à traiter. Vu l'invariance de ce rapport avec le fractionnement du débit par 2 ou 4, il n'est à priori pas impossible qu'une mise en oeuvre techniquement et économiquement viable puisse cependant voir le jour.
Une conclusion similaire s'impose pour l'échangeur cylindrique, qui nécessite de surfaces réduites d'un facteur 3 par rapport à l'échangeur plan, mais également des volumes plus importants vu l'extension radiale de la matière à mettre en oeuvre.
Quoi qu'il en soit, si le couplage convectif n'est pas ici le problème fondamental, la condition d'adiabaticité risque quant à elle de poser problème si l'on s'attaque réellement à du déphasage saisonnier.
Le calcul effectué plus haut pour un signal sinusoidal simple peut évidemment se généraliser à un signal périodique quelconque. Pour une température d'entrée de période (p.ex. annuelle) donnée à pas de temps
(p.ex. horaire), le signal d'entrée peut se décomposer comme suit
où
où les amplitudes et déphasages sont obtenus par transformée de Fourier. Sous hypothèse d'un débit d'air constant, l'évolution de la température le long du tube est alors directement donnée par superposition de solutions du type (47) :
où, via (44-45) et (48-52), les coefficients et
sont calculés pour chaque profondeur de pénétration
Une fois l'analyse de Fourier du signal d'entrée effectuée et moyennant accès aux fonctions de Bessel sous-jacentes au calcul des coefficients et
, la solution (71) est très facilement mise en oeuvre, par exemple sur un tableur, permettant l'appréciation rapide de l'influence de paramètres tels que
,
,
et
. Cette méthode est d'autant plus rapide que la somme dans (68) et (71) peut : 1) être approximer par sélection restreinte des fréquences les plus importantes (
les plus grands); 2) être calculée en toute rigueur pour une sélection restreinte d'instants (p.ex. lors des minima/maxima journaliers du signal d'entrée).
Nous illustrerons l'intérêt et l'efficacité de la modélisation par transformée de Fourier sur deux exemples, à savoir l'analyse de mesures et le pré-dimensionnement de systèmes.
Analyse de mesures
Nous commencerons par reprendre l'expérience de mise en évidence du phénomène de déphasage à amortissement quasi-nul décrite plus haut (Fig. 28). En décomposant le signal 'carré' utilisé comme input de l'échangeur diffusif, sur une fréquence de base correspondant aux quatre jours de mesure, nous pouvons reconstruire le signal de sortie, à 2 m de l'entrée (Fig. 30). La correspondance entre mesure et calcul peut être jugée satisfaisante étant donnée l'incertitude sur la valeur exacte du débit, du coefficient d'échange convectif et de la composition exacte du béton. Cette analyse confirme par ailleurs le filtrage des fréquences les plus rapides, seule persistant ici la fréquence de base.
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Pré-dimensionnement
Nous utiliserons également la modélisation analytique par transformée de Fourier pour illustrer les règles de dimensionnement développées plus haut pour un échangeur air/sol avec prise d'air extérieure, sur la base de l'année météorologique standard de Genève en pas horaire [Meteonorm, 1995]. Nous considérerons alternativement un 'faible' et 'fort' débit d'air (200 ou 800 kg/h, pour lesquels le coefficient d'échange convectif estimé par (65) vaut 5.8 ou 14.0 W/K.m2) balayant un tube (rayon : 12.5 cm) noyé dans un cylindre de sol sablonneux faiblement saturé (conduction thermique : 1.9 W/K.m, capacité thermique : 1.9 MJ/K.m3) parfaitement isolé en sa surface. Dans ce contexte nous considérerons 3 types d'épaisseur de sol (0.4, 0.6 ou 2 m, rayon du tube compris) associées alternativement à 2 longueurs de tube (50 ou 400 m). Les paramètres d'amortissement et déphasage journaliers et annuels, résultant de la solution analytique (47) sont données ci-dessous (Tab. 13).
Les quatre premières configurations, de 50 m de long, sont essentiellement destinées à examiner l'amortissement annuel ou journalier. Si 200 kg/h d'air et 2 m de sol permettent sur une longueur de 50 m d'obtenir un amortissement quasi complet des amplitudes tant journalière qu' annuelle (Fig. 31) , une réduction de la couche de sol à 40 cm ne permet plus l'accès à la capacité de stockage saisonnière (=0), malgré une surface d'échange en principe suffisante (
=3). Pour le débit à 800 kg/h, 2 m de sol (
=0.6) permet quant toujours un certain amortissement annuel, malgré une surface d'échange déjà relative réduite (
=0.8), alors que l'amortissement journalier reste confortable, la surface d'échange généreuse compensant une capacité de stockage restreinte. Finalement, tout comme pour le faible débit d'air, lorsque la couche de sol est à nouveau réduite à 40cm seul reste effectif l'amortissement journalier.
Alors que les déphasages journaliers résiduels atteignent 0.4 rad (1 heure et demie) pour l'une ou l'autre des épaisseurs de sol et l'un ou l'autre des débits, les déphasages annuels de 0.4 et 1 rad (23 et 58 jours) ne se développent qu'à condition d'une couche suffisamment épaisse.
Pour le faible débit, le déphasage annuel complet avec amortissement quasi-nul (e-0.4) s'obtient quant à lui pour un sol de 60 cm d'épais et un tube de 400 m de long, longueur insuffisante au déphasage complet du débit élevé. Remarquons encore qu'il ne s'agit pas la d'une configuration optimisée, l'épaisseur de 60 cm (0.2 fois la longueur de pénétration annuelle) comprenant ici le rayon du tube (et non la seule couche de sol).
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L'outil de pré-dimensionnement ainsi développé sur tableur permet par ailleurs de visualiser la construction de la série météorologique complète, ainsi que la réponse de l'échangeur, par superposition successive des fréquences les plus importantes (Fig. 32). Si les deux premières fréquences (annuelle et journalière) sont amplement suffisante à grossièrement caractériser le comportement de l'échangeur, nécessitant un temps de calcul dérisoire, le choix des 100 premières fréquences donne l'essentiel de la dynamique plus fine et le passage au delà de 1'000 fréquences (sur 4'380) devient en principe superflu.
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On trouve dans la littérature une relative grande quantité de modèles numériques permettant de simuler les échangeurs air/sol. Parmi ceux-ci il convient cependant de distinguer : 1) les modèles qui traitent explicitement la diffusion thermique dans le terrain sous influence du flux d'air (généralement par éléments ou différences finies); 2) les modèles qui supposent donnée la température de terrain, éventuellement variable en fonction du mois et de la profondeur, mais homogène le long du tube et indépendante du flux d'air.
Bien que présentés sous formes différenciées, ces derniers modèles [Schiller, 1982; Santamouris et Lefas, 1986; Rodriguez et al., 1988; Levit et al., 1989; Seroa da Motta et Young, 1985; Elmer et Schiller, 1981; Chen et al., 1983] ne reprennent en fait essentiellement rien d'autre que la solution de l'échangeur stationnaire brièvement rappelée au chapitre précédent. Il n'est dès lors pas étonnant qu'une étude comparative ne mette en évidence qu'une dispersion très faible entre leurs résultats [Tzaferis et al., 1992], ce qui ne valide par pour autant leur pertinence pour le calcul de systèmes oscillants ou dont les conditions de surface pourraient fortement interférer avec les échanges convectifs air/sol. Dans ce même cadre, un modèle légèrement plus évolué [Benkert et al., 1994] se base sur la solution analytique de diffusion saisonnière dans un sol non perturbé, couplée au flux d'air via un coefficient de transfert thermique tenant compte de la profondeur du tube. Le modèle se limite cependant à un seul tube, à une dynamique saisonnière parfaitement sinusoïdale, ainsi qu'à un couplage parfait entre l'air extérieur et la surface.
D'un autre côté, parmi les divers modèles traitent explicitement de la diffusion dans le sol, une bonne partie ne permettent le calcul que sur un seul tube 'typique' du système [Bojic et al., 1997; Mihalakakou et al., 1994; Huber et Remund, 1996]. Alors que dans le premier cas la diffusion unidimensionnelle s'effectue entre tranches de sol horizontales uniformes (avec couplage radiatif/convectif en surface et condition adiabatique au fond) et sans segmentation en longueur, les deux autres modèles travaillent avec des couches de sol cylindriques ainsi que par segmentation horizontale le long du tube (calcul itératif, la température d'air à la sortie d'un segment servant d'input au segment suivant). Dans le premier cas une condition adiabatique est supposée s'appliquer à grande distance radiale du tube (ne tenant ainsi pas compte de l'influence réciproque de tubes parallèles) et le couplage avec la surface libre se fait, de façon mal explicitée, via la solution analytique de diffusion saisonnière dans un sol non perturbé. Dans le deuxième cas, les cylindres concentriques sont subdivisés en trois portions (aux proportions réglables), chacune soumise (à distance réglable) à condition au bord adiabatique ou isotherme.
Trois autres modèles diffusifs permettent la description de plusieurs tubes posés en parallèle [De Paepe, 2002; Gygli et Fort, 1994; Boulard et al., 1989; Gauthier et al., 1997], le premier basé sur un réseau géométrique à structure variable (permettant une définition précise de la diffusion aux alentour de tubes circulaires), les trois autres s'appuyant sur un réseau tridimensionnel cartésien (les tubes étant décrit par des sections rectangulaires). La diffusion dans le sol, bi- ou tridimensionnelle selon les cas, est à chaque fois accompagnée d'un couplage convectif et parfois radiatif au niveau de la surface libre.
Cependant, tous les modèles décrits ci-dessus supposent des conditions latérales adiabatiques qui ne permettent pas le calcul d'éventuels effets de bord et seule une minorité d'entre eux [Gygli et Fort, op. cit.; Gauthier et al., op. cit.] permettent la description de sols inhomogènes. Les échanges latents (évaporation/ condensation) qui peuvent accompagner les échanges sensibles (thermiques) entre air et tube ne sont généralement pas traités, sauf rares exceptions [Boulard et al., op. cit.; Gauthier et al., op. cit.] pour lesquelles l'infiltration d'eau (accidentelle ou volontaire) n'est pas prévue. De plus, aucun des modèles ne tient compte des apports thermiques par pertes de charge (frottement de l'air) et le contrôle du sens du flux d'air, éventuellement utile lors d'un fonctionnement en circuit fermé (p.ex. pour le stockage en serres horticoles, cf. Ch. 5), ne semble en aucun cas être prévu.
Par ailleurs, dans tous les cas la validation par rapport à des mesures se limite lorsqu'elle existe à quelques heures ou jours typiques, rarement pour des installations in situ, et la seule validation par rapport à une solution analytique [De Paepe, op. cit.] traite un cas de diffusion unidimensionnelle, en l'absence de flux d'air.
Fair | m3/s | flux d'air dans le tube |
rair | kg/m3 | densité de l' air |
rtub | kg/m3 | densité du tabe |
Dt | s | pas de temps |
Divers
Lors de la description de l'algorithme les symboles représentent la maille sous considération et le pas de temps actuel, sauf si indicés par i (maille adjacente) ou t-1 (pas de temps précédent).
A l'origine de l'outil de simulation développé ici se trouve un modèle dynamique à éléments finis traitant conjointement les échanges sensibles et latents entre flux d'air et tube, ainsi que la diffusion thermique dans le sol adjacent [Boulard et al., op. cit.]. Nous avons retravaillé de fond en comble le modèle d'origine pour permettre une définition de géométries, caractéristiques de sol et conditions de surface variées, la prise en compte d'éventuelles infiltrations d'eau et des pertes de charge ainsi que le contrôle du sens du flux d'air. Particulièrement soigné au niveau de des in- et outputs, qui sont gérés de façon flexible et contrôlée, il a été adapté à TRNSYS [Trnsys, 1994], un environnement modulaire largement diffusé de simulation dynamique des systèmes énergétiques (pour lequel il a été agréé et est commercialisé), permettant un couplage facile avec des modules préexistant tels que ceux du bâtiment (Fig. 33).
Les hypothèses et les options retenues sont les suivantes :
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Au coeur du modèle se trouvent les échanges d'énergie et de masse entre le débit d'air et son tube (Fig. 34). Ils sont calculés de façon itérative pour chaque segment de tube, de la prise d'air vers la sortie, et comprennent :
La chaleur sensible perdue par l'air, déterminée par le différentiel de température air/tube :
où le coefficient h dépend de la vitesse de l'air :
La chaleur latente, déterminée par l'approche de Lewis, qui considère que l'échange sensible précédent résulte d'un échange de masse entre le flux d'air et une couche superficielle saturée en humidité, à la température du tube. L'analogie entre transferts de masse et de chaleur détermine le débit d'air échangé :
Ce transfert de masse induit un transfert d'humidité qui est déterminé par la différence entre les ratios d'humidités du flux d'air et de la couche superficielle saturée :
où, selon les gaz parfaits :
Selon son signe, ce transfert d'eau correspond à de la condensation ( > 0) ou de l'évaporation (
< 0). Dans ce cas
est limité par le contenu en eau libre effectif de la maille en question, ainsi que par l'humidité maximale pouvant être absorbée par l'air (pression de saturation). Finalement, la puissance latente s'exprime par :
La chaleur diffusée par les 4 mailles de sol latérales et les 2 mailles de tube précédente et suivante :
L'humidité de saturation étant non-linéaire en température, la valeur de Ttub ainsi que les puissance précédentes sont déterminée par résolution itérative du bilan énergétique de la maille en question :
où les gain capacitifs du tube et de l'eau sont donnés par :
Le bilan hydrique permet quant à lui de calculer le nouveau contenu en eau :
En tenant compte des pertes de charges, déterminées par un coefficient de frottement f dont on trouve des valeurs typiques sur un diagrames de Moody [Am. Soc. of HVAC, Ch.2, 1989] :
les bilans énergétiques et massiques sur l'air donnent les conditions d'entrée de la maille suivante :
où le calcul se poursuit manière identique.
Une fois terminé ce calcul pour l'ensemble des mailles de tube, on traite une à une la diffusion tridimensionnelle des mailles de terrain, le cas échéant en prenant en compte les conditions de surface spécifiées par l'utilisateur (adiabatique, input en température ou input en puissance, avec ou sans résistance de surface).
La confrontation du modèle numérique avec la solution analytique précédemment développée permet une validation bien contrôlée de l'un comme de l'autre. Avec à l'entrée une température donnée par la météo annuelle standard de Genève en pas horaire, mais un air sec (humidité forcée à zéro), nous reprenons pour cela les 2 débits d'air et 3 configurations géométriques (induisant respectivement amortissement journalier, amortissement annuel ou déphasage annuel) pour lesquels la température de sortie a précédemment été calculée par voie analytique, suite à la transformée de Fourier du signal d'entrée (Fig. 31).
Pour chacune des 3 configurations, la simulation numérique se fera sur un maillage rectangulaire de section équivalente (au niveau du tube comme de la couche de sol), extérieurement soumise à condition adiabatique, par tranches longitudinales de 1 m (Fig. 35). Afin d'étudier l'effet de la diffusion longitudinale, non prise en compte dans le modèle analytique, celles-ci se voient alternativement entrecoupées ou non d'une couche de super-isolation (diffusion : 2.810-5 W/K.m, capacité calorifique: 2.8 kJ/m3). Les propriétés du sol (diffusion : 1.9 W/K.m, capacité calorifique: 1900 kJ/m3) ainsi que le coefficient d'échange convectif (5.8 W/K.m2 pour le débit de 200 kg/h, 14.0 W/K.m2 pour celui de 800 kg/h) sont fixés à la même valeur que pour le calcul analytique.
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Ainsi contrôlées au niveau géométrique, une excellente correspondance se manifeste entre les deux approches (Tab. 14 et Fig. 36), avec une très légère surestimation du modèle numérique (peut-être suite à l'approximation rectangulaire). Avec un écart moyen d'au maximum 0.5 K dans le cas du déphaseur (400 m de tube, 60 cm de sol) et des écarts-type inférieurs à 0.2 K, on peut estimer la corrélation parfaite et la validation du modèle numérique acquise, du moins en absence d'échanges latents.
La quasi parfaite équivalence des résultats de simulation avec ou sans diffusion longitudinale confirme par ailleurs le peu d'importance de cette dernière, du moins pour des systèmes de cette taille.
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Cette section a pour but de compléter l'analyse précédente par une série de validation effectuée sur des systèmes mesurés in situ (Ch. 1). Sauf indication contraire, les hypothèses de simulation qui y sont définies sont à la base de l'analyse ultérieure de ces systèmes (Ch. 5 et 6)
Caroubier
Dans le cas du puits canadien des 'Caroubiers', une simulation d'une année (Tab. 15 pour les hypothèses) permet, sur la vingtaine de jours qu'a durée la période de monitoring, de très bien reproduire les échanges sensibles entre l'air et le sol (Fig. 37), avec un écart moyen de 3% (0.03 kW) en défaveur de la simulation. Avec 43 % (0.49 kW) l'écart-type reste élevé en base horaire, à cause d'une chute de puissance en fin de journée plus rapide pour la simulation, mais ce rétabli à 7 % (0.08 kW) en base journalière.
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Schwerzenbacherhof
Dans le cas du puits canadien de 'Schwerzenbacherhof', l'analyse d'une année complète de mesures en pas horaire, transmise par l'Office fédéral de l'énergie, indique la présence d'évaporation tout au long de l'année, sans aucune condensation jamais. Il pourrait s'agir d'une erreur de mesure, le monitoring précis des humidités étant relativement délicat. Ceci expliquerait un défaut de bilan important lorsque, en complément des échanges sensibles et latents portés par le flux d'air, on estime la perte diffusive et la variation capacitive du stock via les gradients et variations de température du sol [Hollmuller et Lachal, 1998]. L'infiltration d'eau dans les tubes n'est cependant pas à exclure, hypothèse qui nous permet de tester la capacité du modèle numérique à reproduire de l'évaporation en présence d'eau stagnante. Deux simulations distinctes, en absence et présence d'infiltration d'eau (donnée dans ce deuxième cas en base journalière, par la quantité d'eau apparemment évaporée, uniformément répartie sur 24 heures), mais à part cela basées sur les mêmes hypothèses (Tab. 16), permettent de tirer les conclusions suivantes.
En ce qui concerne les échanges sensibles on observe une bonne reproduction dynamique des mesures, en pas horaire comme hebdomadaire, tant pour la simulation sans qu'avec infiltration d'eau (Fig. 38 et 39). En valeur moyenne, la première ne s'écarte que de 4% en charge estivale, pour 10% en décharge hivernale, résultats un peu moins bons lorsque l'infiltration est à l'oeuvre (42 et 20%).
Les échanges latents, complètement absents de la simulation lorsque l'infiltration n'est pas activée (pas de condensation/évaporation spontanée), est relativement bien reproduite avec l'adjonction d'eau, avec un léger défaut d'évaporation en été (-14%), compensée en hiver par l'évaporation du solde estival (+22%).
La diffusion depuis (+) ou vers (-) le parking situé en surface, dans le cas de la mesure approximativement évaluée par différentiel de température à 50 et 75 cm au dessus de la nappe de tube (3 points de mesure), est également bien reproduite, avec des écarts de 11 et 22 % lors de la charge estivale (le bilan quasi nul en hiver ne permettant guère, sous forme relative, d'appréhender des écarts absolus de même ordre de grandeur). Le même genre d'écarts se retrouve pour la diffusion depuis (+) ou vers (-) la nappe phréatique en profondeur.
Geoser
Dans le cadre du projet 'Geoser', très soigneusement mesuré, en parallèle au stockage/déstockage sensible d'excédents solaires, d'importants échanges latents ont également été observés, cette fois-ci tant sous forme d'évaporation que de condensation. Ainsi, pendant le déstockage nocturne l'air qui se réchauffe au contact thermique du sol évapore de l'eau accumulée à la surface des tubes, alors que le rafraîchissement du flux d'air assez humide (serre fermée) conduit pendant les premières heure de stockage à de la condensation [Hollmuller et al. 2002], dont une partie, mesurée, est éliminée par drainage. Cependant, un déficit d'eau qui se généralise à l'ensemble de l'année de mesure indique la présence d'un apport d'eau supplémentaire vers les tubes. Malgré le soin amené à l'étanchéité, celui-ci provient peut-être parfois de la pluie (ponctuellement corrélée avec l'eau récoltée à l'extrémité des tubes). C'est toutefois le système de brumisation de la serre qui semble constituer la principale source 'd'infiltration' d'eau : afin de maintenir l'humidité minimale du programme agronomique, particulièrement lors des périodes d'aération, celui-ci injecte dans la serre, à une hauteur de 2 m, des gouttelettes d'environ 80 microns. Ainsi que le montrent des études sur la brumisation et ses effets thermiques [Lefebvre, 1989 et Rodriguez, 1991], l'énergie d'évaporation d'une telle goutte est, en un premier temps et jusqu'à ce qu'elle atteigne la température humide de l'air, pompée exclusivement dans la goutte elle-même, puis seulement dans l'air et dans l'eau. Ceci explique pendant ces périodes, surtout à une hauteur de 1 m ç'est à dire quelque peu éloigné des buses d'injection, l'abaissement de la température de la serre - effet tout à fait comparable aux valeurs observées lors de l'EXPO'92 à Séville, où des systèmes de brumisation avaient été utilisés pour rafraîchir les espaces extérieurs [Alvares, 1991]. Or selon ces mêmes études, la durée d'évaporation d'une goutte de cette taille varie entre 3 secondes (air sec) et 40 secondes (air humide), alors qu'elle perd sa vitesse d'injection dans la serre en moins de 0.1 seconde : cela lui laisse amplement le temps d'être emportée dans le flux d'air aspiré vers les tubes, sans y être encore évaporée donc mesurée par la sonde d'humidité à l'entrée du puit.
Dans ce contexte, deux simulations distinctes, en absence et présence d'infiltration d'eau (à nouveau définie, en base journalière, par le déficit d'eau apparent donné par les mesures, uniformément réparti sur 24 heures), mais pour le reste basées sur les mêmes hypothèses (Tab. 18), permettent de tirer les conclusions similaires au cas de 'Schwerzenbacherhof'.
Ainsi les échanges sensibles, bien reproduits au niveau de la dynamique (Fig. 40 et 41), présentent sans infiltrations des écarts moyens de 1% en charge comme en décharge, contre 6 et 3% lorsque l'infiltration est activée. Celle-ci permet de reproduire très correctement l'évaporation mesurée (1% d'écart), mais pas la condensation, qui reste bien trop basse.
Etant donné la difficulté, par simple mesure de gradient thermique dans le sol, d'évaluer les flux diffusifs avec bonne précision, une corrélation satisfaisante bien que partiellement entachée d'incertitude apparaît également pour ces derniers.
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La culture sous abris est devenue un instrument ordinaire de notre approvisionnement en produits frais. Quelle que soit l'optique choisie: économique, sociale ou écologique, la production locale apparaît plus sensée que l'importation de régions lointaines, lorsqu'il s'agit de produits cultivés de toutes façons sous abris [Reist A. et Gysi C., 1990]. Cela étant, sous nos climats l'exploitation raisonnée des infrastructures impose à quasi toute saison le chauffage des serres (de mi septembre à mi juin), alors même que de jour elles rejettent par ventilation naturelle d'importants excès solaires.
Ceci dit le coût énergétique des cultures sous abris a pris de l'importance avec la augmentation brusque du prix des combustibles des années 70, qui a été suivie d'une lente décrue accompagnée d'une baisse continue du prix de vente des produits. Dans un contexte de maigre plus-value, la rentabilité des facteurs de production est devenue critique, le chauffage représentant actuellement de 15 à 20% des coûts de production sous abris. Le rapport au produit brut peut être abaissé de deux manières : en augmentant la valeur de la production, par une amélioration quantitative ou qualitative des rendements, ou en réduisant la consommation d'énergie par m2. Les deux peuvent se combiner : les années 80 ont vu les rendements augmenter de 3.5% par an (soit 40% en 10 ans) et la consommation d'énergie par m2 baisser de moitié, si bien que la productivité de l'énergie consommée a quasiment triplé.
La réduction par deux de la consommation de combustible par unité de surface a logiquement été amorcée par l'amélioration de l'enveloppe et des équipements de distribution de chaleur. Il n'en reste pas moins qu'elles consomment aujourd'hui, selon le type d'utilisation qui en est faite, entre 360 et 1440 MJ/m2.an (3-5 PJ pour les 600 hectares sur sol suisse, soit 0.5% de la consommation énergétique du pays). Afin d'économiser d'avantage d'énergie ou de l'utiliser plus rationnellement, restent l'éventuelle possibilité d'utiliser en direct des rejets thermiques (en provenance d'industries proches, ou lors de cogénération liée à l'éclairage artificiel des plantes) et le stockage de l'énergie solaire excédentaire, objet de la présente étude.
Plusieurs expériences ont déjà été menées dans ce domaine, sous divers climats et avec différents type de stockage, mais leurs conclusions ne sont pas aisément généralisables. Plus particulièrement, deux expériences d'utilisation de stocks en citerne [Picciuro et Martincigh, 1987; von Zabeltitz, 1987, p 116-123] ne sont pas comparables parce qu'elles impliquent d'une part une architecture très particulière, d'autre part deux réservoirs et une pompe à chaleur. Un exemple israélien [Zamir et Arbel, 1986] donne un temps d'amortissement de 3 ans avec un couverture de 40% des besoins thermiques annuels et un exemple grec [Grafiadellis, 1986] montre la possibilité d'assurer, à faible coût, un DT de 5K entre la serre et l'extérieur. Le stockage direct en sol a également fait l'objet de nombreuses publications [Bascetincelik, 1985; Bredenbeck, 1984; Darmrath, 1983; Eggers, 1986; Jelinkova, 1986; Kurtan, 1985; Mavroanopoulos et Kiritsis, 1985; Nir et al., 1981; Portales, 1984; Razafinjohany, 1989; Santamouris et al., 1994]. Les grandes différences entre les types d'installation et conditions d'exploitation ne permettent cependant pas de tirer des conclusions claires quant à l'opportunité de réaliser un stockage souterrain, et encore moins d'en établir la configuration. Il n'existe surtout à ce jour pas d'étude comparative de ces deux systèmes de stockage (ni entre eux, ni avec une serre standard) et les bilans énergétiques complets, incluant l'électricité auxiliaire, font défaut.
Le but du projet 'Geoser' fut de compléter cette lacune, en analysant simultanément trois serres récentes, de même construction et soumises à programme agronomique commun, dont deux seraient pourvues de systèmes de stockage à court terme de l'excédent solaire : l'un en citerne via des échangeurs air/eau, l'autre dans le terrain sous la serre via un échangeur air/sol (cf. Ch. 1), utilisé ici en boucle fermée par opposition au puits canadien que nous traiterons au chapitre suivant. Outre la possibilité de traiter un problème de stockage solaire particulier (limité par l'échauffement autorisé de l'air de la serre), cette étude permet de mettre en évidence ce qui distingue les stocks de type diffusif (échangeur air/sol) et capacitif (citerne).
Elle sera éclairée par l'analyse serre solaire de 'Waedenswil', également pourvue d'un stockage à court terme par échangeur air/sol (Ch. 1), qui met en évidence l'importance d'une mise en service et d'un suivi soignés de tels systèmes.
Le principe de stockage en serres horticoles de l'excédent solaires s'observe particulièrement bien sur un jour de mi-saison comme le 10 mai 1994, belle journée de printemps (ensoleillement de 27 MJ/m2) mais encore relativement froide (températures moyenne et extrêmes de 14.3, 9.9 et 20.3 °C), pour laquelle nous analyserons le comportement parallèle des trois serres du projet 'Geoser' (Fig. 42).
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Dans la serre témoin, il est fait appel au chauffage (222 MJ) pendant toute la période nocturne, afin de maintenir la température dans la serre au minimum requis par le programme agronomique. Dès apparition du soleil, vers 8 heures, la température intérieure augmente et atteint rapidement la consigne supérieure. Les ouvertures latérales sont alors progressivement actionnées pour évacuer les excès solaire (irradiation de 2'600 MJ sur les 96 m2 de surface de référence de la serre), jusqu'à disparition de l'astre derrière l'horizon vers 20 heures. Suit la chute de la température de la serre et la reprise du chauffage dès 22 heures.
Dans la serre à eau (stockage en citerne), alors que durant la première partie de la nuit la citerne est plus chaude que la consigne inférieure de la serre, la chaleur stockée précédemment dans la cuve est déchargée dans celle-ci via les aéroconvecteurs (110 MJ), permettant d'éviter le recours à la chaudière. Lorsque le déstockage devient impossible - ici à l'occasion du changement de consigne vers 5 heures - la chaudière prend le relais (77 MJ) jusqu'à l'apparition du soleil et la montée de température dans la serre. Dès que celle-ci dépasse à nouveau la température de la cuve, peu après 9 heures, l'excès de gains solaires est à nouveau stocké (195 MJ). Pour maintenir la consigne supérieure, une partie importante des gains solaires est cependant toujours évacuée par ventilation naturelle, cependant retardée et moindre que dans la serre témoin.
Un cycle similaire a lieu dans la serre à air (stockage en sous-sol), le déstockage (62 MJ) étant également actif jusqu'au changement de consigne matinal. Moins puissant que dans la serre à eau et indépendant du circuit de chauffage, celui-ci est cependant complété par le chauffage auxiliaire (158 MJ), qui reprend seul la relève en fin de nuit. Dès que, un peu avant 9 heures, la température de la serre dépasse à nouveau celle du stock, le stockage (133 MJ) se met en route en parallèle à la ventilation naturelle de la serre.
Pour l'un et l'autre des deux systèmes, le solde du stockage/déstockage (différence entre énergies stockées et déstockées, dans le cas de la serre à air y compris les échanges latents discutés au Ch. 4 et électricité du ventilateur) correspond à la somme de la variation capacitive du stock et de ses pertes thermiques (Fig. 43 et 44). Pour quantifier séparément ces deux flux nous utilisons un modèle simplifié à un noeud :
qui relie le solde du stockage/déstockage à la variation de température du stock DtT (variation capacitive) pendant l'intervalle de temps
, ainsi qu'au gradient de température stock-environnement
(pertes diffusives), où K et C sont respectivement les coefficients de diffusion et de capacité apparents.
Dans le cas du stock en cuve, les phénomènes capacitif et diffusif sont clairement dissociables (masse active séparée du terrain), si bien que trois sondes dans la cuve et une sonde de à 70 cm sous le sol de la serre définissent clairement les températures en jeu. Il n'en va pas de même pour le stock en terre (continuum entre masse active et terrain) qui allie phénomènes capacitif et diffusif, et fait clairement apparaître amortissement et déphasage de la propagation de température dans le sol, plus lente par diffusion que par convection. S'agissant d'un stockage à court terme, on considère dès lors une couche active de +/- 30 cm (environ deux fois la longueur de diffusion journalière) en dessus/dessous de la nappe de tuyaux. La température moyenne de cette couche est définie par des sondes dans le plan et à +/- 20 cm de la nappe de tuyaux, alors que le différentiel entre ces dernières et des sondes à +/- 40 cm définissent les gradients des pertes diffusives.
Finalement, les faibles pas de temps induisant trop d'imprécisions dans un modèle uni-nodal qui ne tient pas compte des régimes diffusif/capacitif délocalisés du terrain, la détermination par régression bilinéaire des coefficients K et C se fait pour les deux stocks en base hebdomadaire.
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Dans le cas du stock en cuve, la dissociation des phénomènes en jeu se manifeste par une température de stock homogène, dont la variation est en phase avec les pertes thermiques. Il en résulte une bonne détermination des coefficients de régression : K = 47.6 ± 1.5 W/K, C = 47.1 ± 1.6 MJ/K. Rapportée aux 25 m2 de surface de cuve la conductivité apparente s'élève ainsi à 1.9 W/K.m2 et correspond à la diffusion au travers d'une couche de terre de 1 m (soit environ un tiers de la longueur de diffusion saisonnière), alors que par rapport aux 10 m3 d'eau (41.8 MJ/K) le surplus de capacité apparente correspond à une couche de 11 cm de terrain perturbé aux alentours immédiat de la cuve (soit environ deux tiers de la longueur de diffusion journalière).
Dans le cas du stock en terre, les inhomogénéités et déphasages entre les températures des différentes couches du stock induisent une détermination imprécise des coefficients de régression : K = 1860 ± 170 W/K, C = 116.6 ± 29.6 MJ/K. Cette incertitude se traduit pour une semaine donnée (et à fortiori pour une journée ou une heure donnée) par un défaut de bilan dans la dissociation en composants diffusifs et capacitifs (Fig. 45), d'où la nécessité de modèles numérique plus élaboré pour plus de précision de calcul. Finalement, s'agissant d'un stockage relativement extensif (quelques 53 m3 de masse dans la couche active, pour une surface de déperdition de 2 x 96 m2 aux interfaces inférieure et supérieure), les pertes s'avèrent plus fortes et la variation de température plus faible que dans le cas du stockage en cuve. Rapportées aux volumes et surfaces susmentionnées, les conductivité et capacité apparentes du sol s'élèvent enfin respectivement à 1.90 W/K.m et 1.94 MJ/K.m3, valeurs compatibles avec la littérature [Musy et Soutter, 1991] pour un sol sablonneux à faible teneur en eau tel qu'observé sur place lors d'une analyse de sol.
Une étude simplifiée des bilans des serres vient compléter celle des stocks.
Caractérisation de l'enveloppe
Les pertes par le sol sont évaluées grâce au coefficient de conductivité du sol, déterminé pour la serre à air et appliqué aux gradients de température des sols de chaque serre. Le captage solaire et les pertes de l'enveloppe (transmission et infiltration, pertes par le sol non-comprises) sont alors déterminés grâce à un modèle à un noeud :
Ptherm = KDTenv - SGsol
qui relie, en base journalière, l'ensoleillement Gsol et le différentiel de température serre-météo DTenv aux besoins thermiques Ptherm. Ceux-ci comprennent le chauffage, le déstockage, et l'électricité dissipée dans la serre (aéroconvecteurs et pompe de brassage), dont on retranche les pertes par le sol en période de charge thermique (cf. plus bas). La détermination par régression linéaire du coefficient de pertes K et de la surface de captage effectif S se fait après changement de variable :
H = K - SM
où:
H = Ptherm / DTenv : besoins thermiques réduits
M = Gsol / DTenv : variable météo réduite
Pour une forte contrainte météo (faible ensoleillement et fort différentiel de température, soit petite valeur de M) les ouvrants des serres restent fermés et l'on observe le comportement linéaire attendu (Fig. 46 à gauche), qui permet la détermination des paramètres K et S par régression linéaire sur les valeurs de M inférieurs à 5 W/K.m2. Dès ce seuil dépassé les gains solaires excessifs sont évacués par ventilation, ce qui se traduit par une chute de la surface de captage effective, comportement nettement plus prononcé que pour des bâtiments à surface vitrée standard [Lachal et al., 1992].
Ramené à la surface d'emprise, le coefficient K ainsi obtenu (Tab. 20) est dans l'un et l'autre cas très proche de la valeur théorique de 9.2 W/K.m2 (obtenus par pondération sur les périodes nocturnes et diurnes des 7.9 et 11.2 W/K.m2 avec et sans écran thermique). Légèrement plus élevé dans la serre à air, il corrobore une étanchéité moins bonne de cette dernière, telle qu'établie lors d'une mesure ponctuelle par pressurisation (taux de fuite à 50 Pa de 11.9 vol/h pour la serre à air, contre 9.8 vol/h pour les deux autres).
Les surfaces effectives de captage, serres fermées, sont moins bien déterminées que les coefficients K. Ramenées à la surface d'emprise de la serre, elles définissent cependant des coefficients effectifs de transmissivité à peine inférieur à celui du vitrage.
Périodes en/hors charge thermique
On bouclera finalement les bilans des serres en distinguant entre les périodes de charge thermique (chauffage et/ou déstockage actifs) et les périodes hors charge thermique. Dans le premier cas, la serre étant fermée, on évalue le captage solaire via le coefficient S et on détermine les pertes diffusives de l'enveloppe par défaut de bilan. Ce calcul reste bien corrélé quoique légèrement inférieur à celui via le coefficient K moyen (Fig. 46 à droite), ce qui correspond bien à des périodes majoritairement nocturnes, avec activation de l'écran thermique. Au contraire, hors charge thermique on évalue les pertes diffusives par l'enveloppe via le coefficient K, puis on détermine le captage solaire par défaut de bilan (bien inférieur au captage maximal, obtenu via le coefficient S, qui est partiellement évacué par ouverture de la serre et ventilation).
De façon analogue à ce qui a déjà été proposé par avant [Joliet, 1988] le potentiel d'énergie solaire théoriquement récupérable en base journalière se définit, pour la serre témoin, comme le captage solaire maximal hors charge thermique (calculé à partir de la surface de captage solaire S définie dans la section précédente), dont on déduit les pertes par l'enveloppe et par le sol, le solde excédentaire étant retenu à concurrence des besoins thermiques journaliers de la serre (chauffage et électricité des aéroconvecteurs). Ce potentiel récupérable (676 MJ/m2) est particulièrement important en mi-saison (Fig. 47), lorsque énergie incidente et besoins thermiques sont de même amplitude. Il s'élève à un quart de l'excédent solaire total (2'792 MJ/m2), qui ne tient lui pas compte de la contrainte du besoin et supposerait pour être utilisable de passer à un stockage saisonnier.
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Antérieurement au douze mois de comparaison des systèmes, un trimestre de mise hors service des stockages permet de confirmer la caractéristique similaire des trois serres. Ainsi la demande de chauffage (Tab. 22) est très similaire pour les serres témoin, à eau (+3.6 %) et à air (-4.7 %). Dans la serre à eau, où l'air est puissamment brassé par les aéroconvecteurs, l'écart peut s'expliquer par une température plus homogène et donc plus élevée que dans la serre témoin (+0.2°C en période de charge thermique, Tab. 21), donc une contrainte thermique légèrement supérieure (+1.4 %). Dans la serre à air, il peut provenir de l'enveloppe légèrement moins étanche, qui entraîne une température (-0.8°C) et une contrainte thermique (-5.6 %) plus basses. Malgré une levée de consigne passagère dans la serre à air qui provoque un épisode de 10 jours de stockage, mais pas de déstockage, les pertes diffusives vers le sous-sol restent également en bonne concordance, de même que les pertes par l'enveloppe et le captage solaire, reconstitués par équilibrage des bilans.
Notons encore que durant cette période sans stockage/déstockage, les aéroconvecteurs de la serre à eau ont été bloqués à une puissance électrique très faible (moyenne de 40 W sur la période) mais largement suffisante au fonctionnement à large DT, d'où une consommation électrique 3 fois plus faible que dans les serres témoin et à air.
Bilans des stocks
Durant l'année de comparaison complète des systèmes (25 mars 1994 - 24 mars 1995), les bilans de stocks (Tab. 24 ainsi que Fig. 48) se décomposent de la façon suivante.
Dans la serre à eau, la chaleur stockée (328 MJ/m2) l'est au 2/3 à partir de gains solaires, le reste provenant du stockage intempestif de chaleur fossile en période de chauffage, suite à la 'surchauffe' ponctuelle de la serre due aux puissants aéroconvecteurs et à l'inertie du circuit hydraulique (ce problème n'ayant pas pu être résolu avec les possibilités de la régulation en place). Le déstockage (273 MJ/m2) représente tout de même 80% de la chaleur stockée. Au reliquat capacitif près (3 MJ/m2 emmagasinés suite aux trois mois de mise hors service des stockages) le solde est perdu en pertes diffusives vers le sous-sol de la serre. A noter que l'importante consommation électrique contribue directement au bilan de la serre et non à celui du stock.
Dans le cas de la serre à air, le stockage sous-terrain de chaleur sensible (268 MJ/m2) s'élève à environ 80% de celui de la serre à eau. Il est accompagné d'une importante contribution par condensation (2'800 lit) dont plus de la moitié est directement réévaporée pendant la période de stockage. Le reste est pour les 2/3 évaporé en phase de déstockage, le solde ne compensant pas totalement l'élimination d'eau stagnante par drainage (630 lit), le déficit d'une centaine de litres corroborant l'hypothèse d'un apport supplémentaire de gouttelettes en provenance du système de brumisation (cf. Ch. 4). Le déstockage de chaleur sensible (93 MJ/m2) ne s'élève finalement qu'à 35% de celui de la serre à eau. Il ne représente surtout qu'un gros tiers de sa contrepartie emmagasinée. Les deux autres tiers (auxquelles s'ajoutent l'électricité du ventilateur et le bilan net des échanges latents) se dissipent quasi exclusivement en pertes diffusives, pour un reliquat capacitif identique à la serre à eau. Ces importantes pertes par diffusion (4 fois plus que dans la cuve à eau) se répartissent à proportion sensiblement égales en direction du sous-sol et de la serre, la moitié de cette dernière composante contribuant en période de charge thermique au maintien de la consigne dans la serre.
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Tout comme pour la dynamique horaire, la dynamique hebdomadaire comparée de ces deux systèmes (Fig. 49 et 50) permet d'apprécier le fonctionnement distinct d'un stockage capacitif compact (cuve à eau) par rapport à un stockage diffusif étendu (sous-sol). Si le premier se caractérise par un champ de températures homogènes, jouxtant un sol relativement indépendant (avec une dynamique saisonnière proche de celle d'un sol non-perturbé), le stockage en sol affiche quant à lui un gradient de température important dans sa couche active, qui se délimite mal de ses couches voisines inférieures et supérieures. Il en résulte un déphasage qui s'observe particulièrement bien à la suite du pic de stockage des 14 et 15ème semaines (serres en fluctuation libre), quand la diffusion de chaleur se poursuit longuement dans le sous-sol de la serre à air alors que la température de cuve de la serre à eau chute rapidement au niveau du sol environnant. On observe également l'importance des pertes diffusives du stockage en sous-sol, dues aux grandes surfaces d'échange, ainsi que celle des échanges latents. Finalement, le décompte des heures de chauffage met clairement en évidence le fonctionnement alternatif chauffage/déstockage de la serre à eau (durée de chauffage inférieure à la serre témoin, Fig. 49, l'anomalie des 33 à 36ème semaines provenant d'un fonctionnement de la pompe de brassage quasi continu mais sans appel à la chaudière), contrairement à la serre à air où les systèmes fonctionnent en parallèle (durée de chauffage similaire à la serre témoin, Fig. 50).
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Bilans des serres
En complémement, l'analyse comparée des serres donne les bilans suivants (Tab. 24 à 25 et Fig. 51).
Excepté durant les trois mois d'été, pendant lesquels il n'est pas besoin de faire appel au chauffage, la période hors charge thermique (4'470 heures) se calque relativement bien sur la longueur du jour (Fig. 49 et 50), indiquant que la plupart du temps les apports solaires sont sinon excessifs, du moins suffisants à maintenir la température préscrite. Ainsi, dans la serre témoin, le captage solaire effectif pendant cette période ne représente que 25% du rayonnement incident, pour sa plus grande part directement rejeté par ventilation naturelle. Ce captage contrôlé permet aisément de maintenir une température moyenne supérieure (+5.5 K) à la consigne (18.7 °C), en contrant des pertes qui ont lieu essentiellement par l'enveloppe et très accessoirement par le sol. Inversément, l'autre moitié du temps (principalement de nuit), l'ensoleillement résiduel (5 % du total annuel) est insuffisants à lui seul à maintenir une température qui, à peine supérieure à la consigne, engendre des pertes effectives une fois et demie plus importantes que hors chauffage. Ce dernier (1'415 MJ/m2), de l'ordre de grandeur du captage solaire annuel total, induit une consommation électrique des aéroconvecteurs quasiment négligeable (18 MJ/m2).
On retrouve dans la serre à eau des pertes sensiblement égales à celles de la serre témoin, tant par l'enveloppe que par le sol (le léger accroissement de ces dernières pouvant provenir du fort brassage d'air, qui induit une température proche du sol plus élevée, Tab. 23). Alors que hors charge thermique elles sont toujours compensée par captage solaire direct, un supplément de 4.8 % de l'ensoleillement annuel est envoyé dans la cuve. Déduction faite du stockage intempestif, n'en sont en période de chauffage récupérés que 273 - 91 = 182 MJ/m2 (13 % du chauffage de la serre témoin, Tab. 25). Cette valeur est à comparer aux 202 - 18 = 184 MJ/m2 de surconsommation électrique totale, dont 125 MJ/m2 en charge thermique ('économie' de chauffage supplémentaire de 9 %), le système ne produisant finalement dans l'état guère mieux qu'une substitution fossile/électricité (COP = 1.7). Quoiqu'il en soit, pour une même température intérieure, on obtient finalement dans la serre à eau une somme d'apports hors solaire (chauffage, électricité, déstockage net) quasiment identique à ceux de la serre témoin (-0.6%), cohérence qui met en valeur la précision des mesures.
Par comparaison, 5.4 % de l'ensoleillement annuel est stocké dans le sol de la serre à air et bien que seul un gros tiers de cette énergie soit récupérée par déstockage actif, en charge thermique la diffusion de chaleur vers la serre contribue au maintien de sa consigne, ce qui par rapport à la serre témoin correspond à un gain passif de 46 + 24 = 70 MJ/m2. Le déstockage net (actif et passif) s'élève ainsi à 163 MJ/m2 (11% du chauffage de la serre témoin), quasiment aussi haut que dans la serre à eau, cette fois-ci pour une surconsommation électrique globale mieux maîtrisée 28 MJ/m2 (COP = 5.8). L'étanchéité moins bonne de cette serre peut finalement expliquer sa température de 1K inférieure aux deux autres (-6.4% sur la contrainte climatique) qui, contrebalancée par un coefficient de transmission effectif légèrement supérieur (+6.2 %), explique une somme d'apports hors solaire (chauffage, électricité, déstockage net) et une perte par enveloppe identiques à celles de la serre témoin.
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Les résultats effectifs de stockage/déstockage observés dans les serre à eau et à air peuvent être mis en relation avec le potentiel d'énergie solaire théoriquement récupérable défini plus haut. Ainsi le stockage solaire effectivement réalisé représente, dans la serre à eau comme dans la serre à air, un bon tiers du potentiel théoriquement récupérable en base journalière (Tab. 26). Quant au stockage net (une fois déduit le stockage intempestif de la serre à eau, respectivement ajouté le surplus de diffusion passive de la serre à air), il s'élève dans les deux cas à environ un quart du potentiel théorique, dont les pics de mi-saison ne sont que partiellement absorbés (Fig. 52).
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Afin de délimiter de possibles configurations optimales des deux systèmes de stockage étudiés ici et d'en identifier les paramètres déterminants, nous avons en parallèle à la campagne de mesure mené une étude de sensibilité par simulation numérique, menée dans le cadre de l'environnement TRNSYS, logiciel de siumulation modulaire pour systèmes énergétiques dynamiques [TRNSYS, 1994].
Pour la serre à eau, simulée par le bureau Sorane, un grand effort a commencé par être porté sur l'utilisation combinée de modules préexistants, incluant :
Pour la serre à air, un nouveau module a été développé et validé pour le stockage diffusif en sous-sol (cf. Chap. 5), incluant :
Lors d'une première série de simulations nous avons utilisé ce module en version « stand-alone », avec comme input les données de température et humidité mesurées dans la serre, c'est-à-dire en négligeant d'éventuels variation du climat intérieur et des durées de stockage/déstockage dus à une configuration alternative du stock.
Nous avons en un second temps entrepris l'intégration de ces deux approches en un ensemble cohérent, comprenant pour le stockage l'un ou l'autre des modèles détaillés, couplé en ce qui concerne la serre et son interaction avec la météo à un seul et même modèle, simplifié au strict nécessaire. Ce projet dépasserait toutefois le cadre du mandat, si bien que les optimisations présentées ici se basent sur la double approche décrite plus haut, complétée par quelques calculs par règle de trois, notamment en ce qui concerne les consommations électriques.
Par rapport aux résultats de mesure (Tab. 27, config. no 0), l'optimisation du stockage en cuve passe nécessairement par l'éradication du stockage intempestif et le contrôle de la consommation électrique.
La première mesure devrait sans problème pouvoir être atteinte par une révision de l'algorithme de régulation. On en évalue l'effet en considérant comme 'solaire' la partie du stockage intempestif qui aura prématurément chauffé le stock et aurait normalement pû être réalisé hors charge thermique : elle s'estime sur une base journalière en considérant le stockage total effectivement réalisé (solaire + intempestif) à concurrence du potentiel récupérable, le reliquat étant considéré comme du stockage fossile, qu'on déduit également du déstockage total afin d'en obtenir la composante 'solaire'. Les valeurs ainsi corrigées s'élèvent à 255 MJ/m2 pour le stockage pour 200 MJ/m2 pour le déstockage. Ces estimations, que nous prenons ici comme base de comparaison (config. no 1), est confirmé par une simulation numérique qui se base sur une consigne de chauffage (20/18 °C jour/nuit) légèrement supérieure à la moyenne mesurée et qui donne lieu à 237 MJ/m2 de déstockage.
Si l'éradication du stockage intempestif induit une légère hausse du déstockage net, on observe également une légère baisse de la consommation électrique qui lui est sous-jacente et qui contribue également aux apports thermiques dans la serre. Ainsi, pour un COP quasiment inchangé, l'économie nette de chauffage (301 MJ/m2, soit 21.3 % du chauffage de la serre témoin) s'avère finalement très légèrement moindre que pour la configuration mesurée.
On peut sur cette base évaluer (config. no 2) la suppression du pincement de température opéré sur le circuit auxiliaire et la réduction subséquente de la puissance électrique en mode chauffage, ramenée à sa valeur initiale de 40 W. Bien que la réduction d'électricité doive être thermiquement compensée par un appel accru à la chaudière, il en résulte une économie nette de chauffage tout à fait acceptable (16.5 %), pour un COP quelque peu amélioré. Cependant, la réelle augmentation de ce dernier doit inévitablement passer par la mise en place d'aéroconvecteurs plus efficaces et un équilibrage plus attentif des flux d'air et d'eau. Ces mesures devraient probablement permettre une réduction d'un facteur 2 ou 3 de la consommation électrique en mode stockage/déstockage, induisant une économie de l'ordre de 200 MJ/m2 (14 %) pour un COP aux alentour de 10.
Finalement, pour un COP assez stable, une diminution/augmentation du volume de cuve par un facteur 2 (config. 5 et 6) induit une diminution/augmentation par un facteur 0.9 / 1.1 de l'économie de chauffage (14.2 / 15.5 %), signe d'un choix robuste mais non exagéré de ce paramètre (100 lit/m2).
Une série de simulations complémentaires portant sur un coefficient d'échange amélioré des aéroconvecteurs (taille/nombre) devrait enfin pouvoir induire, tout comme pour la serre à air, une économie de chauffage de l'ordre de 340 MJ/m2 (50 % du potentiel récupérable) pour un COP de l'ordre de 10.
De même, pour le stockage en sous-sol, nous reprenons comme base de comparaison les résultats de la configuration mesurée (Tab. 28, config. no 0). Ceux-ci sont assez bien reproduits par une première simulation numérique (stockage/déstockage : 247 / 85 MJ/m2 ; diffusion vers serre hors/en charge thermique : 56 / 29 MJ/m2) qui, par simple règle de trois, défini les facteurs de renormalisation appliqués aux simulations subséquentes.
Avant d'explorer la possibilité d'accroître les performances du système, nous commençons par évaluer l'importance de deux effets particuliers : l'infiltration d'eau par le système de brumisation et la réversibilité du flux d'air pour le stockage/déstockage.
Dans la configuration de base, les échanges latents observés dans les tubes ne sont reproduit dans la simulation numérique qu'à condition d'y définir un régime d'infiltration d'eau qui correspond vraisemblablement aux gouttelettes du système de brumisation entraînées par le flux d'air . La suppression (techniquement difficile) de cette infiltration d'eau et de l'évaporation qui en découle (config. no 1) permettrait un report partiel au déstockage de la puissance latente sur la puissance sensible et ainsi un léger accroissement de l'énergie de chauffage économisée.
Par rapport à cette dernière configuration, l'abandon de la stratégie de stockage/déstockage à contreflux (config. no 2) ne présenterait quant à lui quasiment aucune perte sur le rendement global du système, la perte de puissance aéraulique du ventilateur en mode inversé compensant la stratification du stock.
Ceci étant, l'optimisation du stockage en sous-sol doit passer par une augmentation des énergies stockées/déstockées, tout en maintenant la consommation électrique au niveau raisonnable observé. A cet effet nous étudierons ci-dessous plusieurs alternatives à la configuration mise en oeuvre dans l'expérience Geoser.
Pour une géométrie inchangée on observe ainsi (config. 4 à 5) que si l'accroissement du débit d'air par un facteur 1.5 ou 2 entraînerait une augmentation sensible de l'économie de chauffage, de l'ordre de grandeur de celle observée dans la serre à eau, la surconsommation électrique deviendrait elle aussi catastrophique (accroissement des pertes de charges avec le cube de la vitesse), alors qu'une diminution par un facteur 2 (config. no 3) induirait toujours une économie de chauffage raisonnable (8.8 %) pour un COP défiant cette fois-ci toute concurrence.
L'isolation inférieure du stock, simulé ici par des conditions adiabatiques à 40 ou 70 cm sous le plan des tubes (config. no 6 et 7), ne permettrait quant à elle qu'une trop légère amélioration eu égard aux frais supplémentaires de mise en oeuvre. Au contraire, une disposition moins profonde des tubes (config. no 8 à 10) permettrait à moindre coût d'atteindre la même économie de chauffage (13 à 14 %), principalement par augmentation de la diffusion passive vers la serre. Seules des contraintes agronomiques, en l'occurrence absente pour cause de culture hors-sol, ne devraient ainsi dicter une excavation importante.
Dans la mesure des possibilités constructives, une piste intéressante consisterait à opter pour des tubes à plus grand diamètre (config. no 11 à 13). Contraint par la largeur de la serre, la réduction de leur nombre est compensée par une plus grande surface d'échange, mais surtout par une section qui va au carré du rayon et qui permet, à pertes de charges égales, de fortement accroître le débit d'air. Le passage à des diamètres de 22, 33 ou 52 cm permettrait ainsi de viser une économie de chauffage de 16 à 23 %, pour un COP aux alentour de 10. Il convient cependant de noter que les débits d'air alors mis en oeuvre correspondent à un 'renouvellement d'air' de 75 à 160 volume par heure (vitesse moyenne dans la serre de 10 à 30 cm/s), probablement irréaliste dans la gamme supérieure.
De même, en augmentant le nombre des tubes par diminution de leur écartement (config. 14), il est possible de passer à un débit nominal de 10'500 m3/h (choisi de telle sorte à garder les pertes de charges invariables) et d'accroître ainsi l'économie de chauffage à quelques 19 %. Avec des tubes de 33 cm (config. no 15), le même écartement conduirait à une économie de 22 % pour un COP de 12.
Il est enfin intéressant de noter que la longueur de diffusion journalière se situant aux alentour de 15 cm, la superposition de plusieurs couches de tubes à 30 cm de distance l'une de l'autre peut également amené un effet multiplicatif des énergies stockées/déstockées, mais également des pertes de charges (config. no 16). Cette remarque ouvre également le champs à des options constructives dans lesquelles une partie seulement de la surface d'emprise de la serre est utilisée pour le stockage multicouche, avec cependant une perte au niveau de la diffusion passive vers la serre.
Il ressort de ces dernières simulations qu'un ensemble relativement souple de configurations géométriques permettraient de réaliser de l'ordre de 50 % du potentiel récupérable de 676 MJ/m2, pour un COP aux alentour de 10.
Analyse des mesures
Mené en parallèle au projet 'Geoser', celui de la serre solaire de 'Waedenswil' (Ch. 1) met clairement en lumière l'importance d'une bonne mise en service et d'un suivi approprié des systèmes de préchauffage passifs, lorsqu'ils fonctionnent comme ici en parallèle et complément d'un système auxiliaire traditionnel, ainsi que d'une gestion énergétique raisonnable des infrastructures.
Dépouillées par nos soin quelques deux ans après la mise en service, sur demande du maître d'ouvrage, les mesures 24 mois de fonctionnement ont relevé un grave problème de régulation du système : un mauvais choix des paramètres de régulation cumulé à un problème de hardware dans l'automate ont ainsi induits quelques 120 MJ/m2 de stockage sur une année complète de mesure (juillet 96 - août 97). Plus de 60% de ce stockage est cependant d'origine fossile, ayant eu lieu en période de chauffage, période pendant laquelle les ouvrants étaient par ailleurs régulièrement actionnés (vraisemblablement pour réglage de l'humidité de la serre), ce qui semble en parfaite contradiction avec les buts premiers d'une telle expérience. Pire, aucun déstockage n'a jamais eu lieu sur toute l'année !
Simulations numériques complémentaires
Afin d'améliorer notre compréhension du système et de cerner des valeurs qui n'ont pas été mesurées (énergies mises en jeu par l'évaporation / condensation, chaleurs diffusées par le sol) nous avons poursuivi notre analyse par simulation numérique, ce qui nous a également permis d'obtenir des données sur ce qu'aurait été un fonctionnement correct de l'échangeur air/sol.
Une première simulation, basée sur les valeurs mesurées de la température de la serre à 2 m et au faîte, de la température et de l'humidité à l'entrée du puits canadien et de l'état du ventilateur de stockage-déstockage, nous a permis de valider le modèle par comparaison aux valeurs mesurées, ainsi que de compléter le bilan énergétique du stock et son apport à la serre (dont nous n'avons cependant pas boucler le bilan par captage solaire et pertes thermiques), ceci en et hors période de charge thermique. Afin de cerner ce qu'aurait pu amener un système correctement réglé, nous avons en un second temps simulé le comportement du stock avec un algorithme de régulation simplifié (stockage/déstockage uniquement hors/en période de chauffage, pour un écart de température serre/sol d'au moins 0.5 K) et une prise d'air pour le stockage qui s'effectue uniquement au faîte. La simulation d'une serre témoin sans hypocauste, nous donne enfin les références énergétiques nécessaires pour étudier l'apport réel du système étudié.
Ainsi, le stockage intempestif constaté dans la situation réelle (Fig. 53a) induit une diffusion passive vers la serre qui, en période de chauffage, constitue la seule restitution de chaleur depuis le stock (31 MJ/m2), puisque le déstockage actif n'a pas fonctionné. Par rapport à une serre sans stock (Fig 53c), qui perd par diffusion en période de chauffage (38 MJ/m2), le gain net de déstockage passif en période de chauffage s'élève ainsi à 31 + 38 = 69 MJ/m2, valeur quasiment identique au stockage intempestif (71 MJ/m2). Ceci explique pourquoi la serre mesurée ne consomme ni plus ni moins de chauffage que si elle n'avait pas eu de système de stockage.
Si le système de stockage avait parfaitement fonctionné (Fig. 53b), la situation aurait été très différente:
Globalement, si le système avait fonctionné correctement, il aurait ainsi permis d'économiser 62 + 14 = 76 MJ/m2 (5% de l'énergie de chauffage), valeur inférieur à celle obtenue dans le cadre de 'Geoser' principalement pour cause de températures de consigne différentes (à 'Geoser' l'écart entre de consigne de chauffage et de ventilation étant plus grand), ainsi que d'un climat valaisan plus favorable en hiver.
En Europe Centrale le chauffage des bâtiments représente environ 40% de la demande d'énergie finale, chiffre difficile à estimer avec précision vu le manque de statistiques précises en la matière [Branco, 2002], mais avancé par recoupement de données et par calculs 'bottom-up' [Aebischer et Giovannini ainsi que Prognos, cités par Lachal et Weber, 2000]. D'autre part, la demande de froid pour le rafraîchissement estival est en constante augmentation, tant au niveau des installations d'air conditionné centralisées (dans certain cantons soumises à autorisation de construire particulière, sur base de la preuve du besoin [SIA 382/2, 1992]), que des systèmes individuels en vente libre [Jeanneret, 2000]. Au niveau européen, particulièrement en Espagne, on s'attend d'ailleurs à une telle poussée de la demande liée à cette prestation, que même dans le cas d'interventions relativement volontaristes on anticipe une croissance de 25 GW de la puissance de pointe d'ici à 2020 [Bossoken et al., 1999].
Dans ce contexte il est nécessaire de rappeler que la maîtrise de la demande énergétique au niveau du bâtiment passe avant tout par un travail soigné de l'enveloppe, en combinant isolation, protection solaire et utilisation de la masse thermique. Ce n'est en général qu'une fois prises ces mesures de base que l'appel à des techniques de préchauffage et rafraîchissement passives ou à faible consommation auxiliaire prennent de l'intérêt.
Le concept du puits canadien permet en principe de répondre à ces deux demandes : il consiste à injecter dans le bâtiment un flux d'air provenant de l'extérieur, que l'on force préalablement à travers d'un registre de tubes enterrés (ou système équivalent), l'inertie du sol étant utilisée comme un amortisseur saisonnier. A y regarder de plus près, la tension entre contrainte climatique et seuils de confort induit cependant une asymétrie fondamentale entre potentiels de préchauffage et rafraîchissement utilisant le sol comme stock tampon. Ainsi que nous le verrons, le préchauffage du renouvellement d'air (accroissement hivernal de la température d'aération) a ainsi une fonction d'économie sur la consommation énergétique, qui en limite le potentiel par minimisation du débit d'air, alors qu'en été le rafraîchissement, par amortissement en dessous du seuil de confort de l'oscillation jour/nuit, peut au contraire être accru par augmentation du débit d'air (virtuellement 'à l'infini' puisqu'il s'agit d'un système ouvert).
L'interaction entre le puit canadien et d'autres parties du systèmes de chauffage/ventilation n'est par ailleurs pas toujours anodin, ainsi que nous le montrerons pour le cas des récupérateurs sur air vicié généralement présents sur les installations de ventilation contrôlée, pas plus que ne l'est l'interaction avec le bâtiment lui-même. En se basant sur l'analyse systémique de plusieurs projets pilotes, nous nous efforcerons donc dans ce chapitre de poser clairement les bases pour une évaluation énergétique des puits canadiens, absentes de toute la littérature consultée, ou alors lacunaires [Zimmermann, 1999]. En particulier, via le projet pilote 'Aymon', nous évaluerons l'apport concret de l'échangeur air/sol par rapport à d'autres techniques de rafraîchissement passifs (problèmes d'inertie), alors que 'Schwerzenbacherhof' nous amènera à nous intéresserer au couplage diffusif entre le puits canadien et le bâtiment. En sus des mesures, nous utiliserons pour cela largement le modèle de simulation numérique présenté au Ch. 4.
Ceci dit, malgré le développement conceptuel des interfaces et la mise en évidence de certaines règles de bases, notre sujet restera centré sur l'échangeur air/sol lui-même, l'analyse paramétrique de l'intérêt réel de la technique, en fonction de la typologie de bâtiments, étant un sujet qui resterait à aborder.
Nous terminerons alors par une étude comparée du potentiel de rafraîchissement par puits canadien, par laquelle nous explorerons un peu plus concrètement, sur le cas de Genève et de Séville, ce qui différencie les stratégies d'amortissement et de déphasage mises en évidence au Ch. 3. Là encore, le concept de déphaseur thermique n'ayant à l'heure actuelle pas été réalisé, nous baserons notre étude sur de la simulation numérique
En Suisse, la contrainte entre climat et seuils de confort induit une asymétrie fondamentale entre potentiels de préchauffage et de rafraîchissement par puits canadien (Fig. 54a)
La saison de chauffage couvre quelques 8 mois de l'année (3'200 degrés-jours) pendant lesquels le renouvellement d'air, nécessaire à l'apport d'oxygène et à l'évacuation des odeurs et de l'humidité, a un effet négatif sur le bilan énergétique des bâtiments, induisant à lui seul une demande de chauffage d'environ 120 MJ/m2.an (pour un taux de renouvellement standard de 0.5 vol/h et une hauteur de plafond de 2.5 m). Suite à l'instauration d'une norme à 300 MJ/m2.an [SIA 380/1, 1988] ou le développement plus récent d'un label de qualité à 160 MJ/m2.an [Minergie] pour l'indice de chauffage des bâtiments neufs, cette perte représente une fraction importante de la demande de chauffage des bâtiments bien isolés, justifiant la mise en place de solutions techniques destinée à la réduire. Parmi celles-ci, le recours à un puits canadien permet en principe l'amortissement de l'onde saisonnière et la recherche de la température annuelle moyenne. Celle-ci se situant nettement en dessous du seuil inférieur de confort de 20°C, la prestation d'économie énergétique se voit cependant limitée par minimisation du débit (renouvellement d'air) et ne peut en aucun cas complètement substituer la production de chaleur par un auxiliaire.
Alors qu'en hiver la température se situe généralement en dessous du seuil inférieur de confort de 20 °C, en été elle n'excède pas, en moyenne journalière, le seuil de confort supérieur de 26 °C. Sous ces conditions les bâtiments traditionnels ne nécessitent généralement pas d'apport de froid : seuls ceux présentant de forts gains internes ou solaires, ou encore ceux à faible inertie (construction en bois), pouvant plus ou moins ponctuellement avoir besoin de rafraîchissement actif, pour éviter les poussées diurnes en température liées aux importants flux solaires. Contrairement au préchauffage hivernal (accroissement saisonnier de la température d'entrée), le potentiel de rafraîchissement estival d'un puits canadien ne provient dès lors pas forcément de l'amortissement de l'onde saisonnière, un lissage météorologique sur 24 heures à quelques jours pouvant suffire à amener le frais nécessaire au bâtiment et, le cas échéant, à éviter un système d'air conditionné.
L'asymétrie de la contrainte climatique prend toute son importance lorsque l'on garde en mémoire (cf. Ch. 3) que l'amortissement d'une oscillation journalière nécessite une couche de sol moins épaisse (de l'ordre de 20 cm) et une surface d'échange plus faible (de l'ordre de 0.05 à 0.1 m2 par m3/h d'air) que l'amortissement d'une oscillation saisonnière (3 m de sol, 1 m2 par m3/h d'air pour une nappe de tube serrés). Dès lors, les coûts de construction d'un puits destiné au rafraîchissement seront inférieurs à ceux d'un puits voué au préchauffage, ou il sera encore possible d'utiliser ce dernier avec un débit de ventilation estival accru.
Si, pour le préchauffage hivernal, le potentiel du puits canadien est limité tant au niveau énergétique (débit restreint) que constructif (profondeur, taille), il se confronte surtout sous nos climats à son manque de compétitivité avec la récupération de chaleur sur air vicié. En effet, cette technique de préchauffage autrement plus efficace et généralement moins onéreuse fonctionne avec une source de chaleur à 20 plutôt qu'à 10°C. Lors d'un couplage en série des deux techniques, comme on l'observe communément sur les bâtiments pourvus de puits canadien, l'apport de ce dernier ce fait par ailleurs au détriment partiel du récupérateur sur air vicié, la synergie entres les deux n'étant pas purement additive (voir le décompte énergétique ci-dessous).
L'utilisation d'un puits canadien de taille restreinte et de mise en oeuvre peu onéreuse (en utilisant des fouilles préexistantes) peut par contre éviter le gel du récupérateur sur air vicié (soumis à forte humidité sur le flux sortant), le dimensionnement étant alors en principe déterminé par l'amortissement d'une onde de froid de quelques jours à un mois.
Enfin il va sans dire (mais on observe hélas encore trop souvent cette erreur dans la pratique), que dans le cas d'un couplage en série avec un récupérateur sur air vicié pour le préchauffage, il est nécessaire de by-passer ce dernier pendant la période estivale (cf. schéma de 'Schwerzenbacherhof', Ch. 1).
Contrairement au cas hivernal, la température de sortie estivale du puits se situant en dessous du seuil de confort supérieur, la prestation de ce dernier ne se limite plus à une économie énergétique mais permet une production de frais à part entière : le débit d'air peut alors être élevé à des taux de ventilation plus importants de quelques vol/h, permettant de ventiler le bâtiment avec de l'air frais et d'en extraire les excédents thermiques et dégageant un accroissement proportionnel du potentiel de rafraîchissement du bâtiment (voir le décompte énergétique ci-dessous).
Rafraîchissement
Dans ce contexte il convient de procéder correctement au décompte de l'apport énergétique du puits canadien, par rapport à une prise d'air faite directement sur l'extérieur. Avec un débit de renouvellement d'air image820 cette dernière induit un apport thermique au bâtiment :
où c dénote la capacité calorifique de l'air, Text la température extérieure et Tbat celle du bâtiment. Avec un débit de ventilation image824 plus important le puits canadien fournit quant à lui une puissance :
où Tpc dénote la température à la sortie du puits canadien. L'apport relatif du puits canadien est alors donné par :
et ne correspond donc globalement pas, comme cela est généralement admis, à la puissance sensible échangée dans le puits, seule la fraction incontournable du renouvellement d'air (premier terme) étant déterminée par le différentiel entrée-sortie : il représente un apport de chaud lorsque la température extérieure chute en dessous du sol à proximité du tube (en hiver ou de nuit, selon qu'il s'agisse d'un dimensionnement saisonnier ou journalier), un apport de frais dans le cas contraire.
Le second terme, vraisemblablement omis dans la littérature par inadvertance du potentiel offert par l'accroissement de débit, est quant à lui donné par le différentiel de température bâtiment-sortie : contrairement à la ventilation nocturne, qui procède également par débit de ventilation accru, il représente comme nous le verrons plus loin la possibilité d'utiliser l'inertie du sous-sol pour rafraîchir le bâtiment de façon active mais découplée de la dynamique extérieure, étant entendu qu'il s'agit de couper cet apport supplémentaire lorsqu'il est indésirable (en hiver) ou lorsqu'il amène un surplus de chaleur (en été, si la température de sortie du puits dépasse celle du bâtiment, comme cela peut être le cas pour un puits trop petit ou sous des climats plus chauds).
S'agissant d'un décompte énergétique relatif (par rapport à une aération avec prise d'air directe sur l'extérieur), soumis à deux composantes distinctes d'un seul et même débit d'air, qui plus est de direction inverse (extraction de chaleur du bâtiment) à ce dernier (injection d'air dans le bâtiment), la représentation de ce potentiel de rafraîchissement sous forme de diagramme de flux n'est pas des plus évidentes. Nous adopterons cependant une forme condensée qui a le mérite de représenter explicitement chacune des deux composantes et de les relier avec la puissance de stockage dans le sol (Fig. 55).
Il est par ailleurs utile de remarquer que ce même décompte s'applique à la ventilation directe, cas particulier d'un puits de longueur nulle pour lequel Tpc doit être remplacer par Text, l'apport relatif étant directement donné par le surplus de débit et le différentiel météo-bâtiment.
Préchauffage
Le débit étant alors limité au renouvellement d'air, le décompte précédent s'applique en principe également au cas du préchauffage et correspond alors à la puissance sensible échangée dans le puits :
Ainsi que nous l'avons signalé, il s'agit cependant sous nos climats de déterminer l'apport net, compte tenu de son couplage à un récupérateur sur air vicié. Pour une efficacité supposée indépendante de la température, ce dernier engendrerait un apport :
relativement à une aération prise sur l'extérieur, alors que le système couplé fournit une puissance :
L'apport net du puits canadien est alors donné par :
ce qui montre bien la chute de l'apport du puits canadien avec l'accroissement de l'efficacité de l'échangeur. Cet argument est d'ailleurs évident en considérant un échangeur à efficacité théorique de 100% qui chaufferait intégralement l'air extérieur à la température du bâtiment et pour lequel le puits n'amènerait plus aucun apport.
De même que pour le rafraîchissement, ce décompte peut être représenté sous forme d'un diagramme de flux qui relie le déstockage à l'apport net du puits canadien (Fig. 55), le solde du bilan étant précisément la partie du préchauffage qui aurait de toute façon été produite par le récupérateur sur air vicié.
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Ces phénomènes souvent mal compris sont bien illustrés par le puits canadien de l'immeuble d'habitation des 'Caroubiers' à Genève, principalement conçu pour le préchauffage du renouvellement d'air. Couplé à un récupérateur sur air vicié il est d'autre part by-passé, en hiver et lorsque l'ensoleillement le permet, au profit d'un collecteur solaire à air intégré à la toiture (Ch. 1), qui n'a pas été étudié dans le cadre de notre mandat d'étude.
Une analyse par simulation numérique, bien validée sur une campagne de mesure d'hiver d'une vingtaine de jours (Ch. 4) permet d'évaluer les potentiels de préchauffage et rafraîchissement annuels de la configuration réalisée (Fig. 54b), ainsi que de certaines variantes (Tab. 29).
A priori sous-dimensionnée pour l'amortissement de l'onde saisonnière (rapport surface d'échange / débit de 0.3 au lieu des 1 m2 par m3/h d'air nécessaires à une nappe de tube serrée et peu profonde), la configuration réalisée bénéficie par contre de la contiguïté immédiate du parking souterrain, dont la température annuelle oscille entre 7 et 23°C (monitoring d'hiver et mesures ponctuelles en été) et auquel il s'avère être fortement couplé, ainsi que de celle d'une nappe phréatique à 15°C (rapport du géologue cantonal), considérée stable à 2.5 m sous les tubes.
Préchauffage
Favorable en hiver, cette configuration particulière induit un préchauffage brut du renouvellement d'air (3'000/2'400 m3/h diurne/nocturne) de 27.9 MWh (35 MJ/m2 de plancher), soit environ autant que le récupérateur sur air vicié (efficacité mesurée de 60/68% sur les débits diurnes/nocturnes) le potentiel du système couplé s'élevant à 59.7 MWh. En supprimant le puits canadien (air froid directement vers l'échangeur) cette valeur s'élèverait encore à 49.7 MWh, si bien que le gain net du puits canadien reste finalement faible (59.7 - 49.7 = 10.0 MWh, soit 12 MJ/m2 de plancher). Un échangeur mieux dimensionné (surface d'échange doublée pour amener les efficacités à 80 et 85 %) pourrait par ailleurs à lui seul produire quelques 64.2 MWh (80 MJ/m2 de plancher).
Au contraire, dans le cas présent le puits canadien, fortement couplé au parking et à la nappe phréatique, s'avère en fait être surdimensionné, puisque une configuration deux fois plus petite fournirait encore 80% de l'apport brut actuel (pour un apport total quasiment inchangé, le récupérateur sur air vicié assurant le relais).
Ainsi l'échangeur de chaleur résulte être une meilleure technique de préchauffage que le puits canadien, et la mise en oeuvre coûteuse des deux techniques n'amène pas de gains substantiels. Ceci encore moins en absence hypothétique du collecteur solaire, puisque pendant les heures ensoleillées le sol ne serait plus suffisamment chaud pour le préchauffage de l'air extérieur, que seul l'échangeur pourrait encore fournir (apports supplémentaires respectifs de 1.0 et 7.4 MWh).
Rafraîchissement
A première vue défavorable en été, le parking à 23°C induisant un échauffement global de l'air de 2.8 MWh, l'utilisation estivale du puits canadien permet cependant de bénéficier d'une température très stable (amplitude journalière de moins de 0.2 K) située bien en dessous du seuil de confort supérieur et contribuant au confort du bâtiment pendant les pointes. Surdimensionné en ce qui concerne l'amortissement journalier (rapport surface d'échange/débit 3 fois supérieur au strict nécessaire de 0.1), une augmentation du débit par un facteur 3 (8'800 m3/h jour et nuit, par des tubes de plus grand diamètre afin de maintenir les pertes de charge à même niveau) permettrait d'accroître le potentiel offert par cette source de fraîcheur à une valeur de 44.9 MWh (46.0 MWh sur le surplus de débit, évalué avec à une température intérieure supposée à 26°C, pour un échauffement résiduel de 1.2 MWh sur le renouvellement d'air). Il n'en reste pas moins que dans le cas précis d'un immeuble locatif comme celui-ci, bien isolé et sans gains solaires excessifs, la demande réelle reste sans aucun doute bien inférieur à ce potentiel.
Ainsi que nous l'avons vu sur l'exemple des 'Caroubiers', le principal bénéfice estival d'un puits canadien provient d'une température d'aération/ventilation constamment en dessous du seuil de confort, contrairement à la ventilation directe, uniquement possible lorsque la température extérieure se situe en dessous de ce dernier.
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Cette différence apparaît clairement sur la plus chaude période de l'été, pendant laquelle la température extérieure moyenne se situe proche du seuil de confort supérieur de 26°C (Fig. 56). Alors que le renouvellement d'air direct induit un apport de chaleur indésirable pendant les heures les plus chaudes, la ventilation directe (ici avec débit de ventilation 3 fois supérieur au renouvellement d'air) permet d'accroître le rafraîchissement nocturne, proportionnellement à la différence entre débits de ventilation et d'aération. Pour être utile au long de la journée, ce surplus de frais doit cependant être stocké dans le bâtiment, nécessitant l'accès à une capacité thermique suffisante.
Au contraire, le rafraîchissement inertiel par puits canadien agit directement comme un stock tampon journalier en lissant et déphasant légèrement l'oscillation météorologique, si bien que le débit accru de ventilation peut être maintenu 24 heures sur 24. L'apport de frais qui en résulte est ainsi bien plus régulier que pour la ventilation nocturne, avec des pointes favorablement repoussées vers les heures les plus chaudes de la journée.
Alors que les deux technique de rafraîchissement induisent globalement un apport de frais similaire sur l'ensemble de la période en question, contrairement à la ventilation directe le rafraîchissement inertiel par puits canadien continue à fonctionner durant les heures où la température extérieure se situe au dessus du seuil de confort. L'avantage comparatif du puits canadien consiste ainsi principalement dans la possibilité d'accéder à de la masse thermique de façon découplée du bâtiment, ce qui peut dans certain cas alléger les contraintes constructives.
Contrairement au préchauffage, répondant 24 heures sur 24 à un besoin, dans le cas du rafraîchissement il devient donc important de classer les apports potentiels de froid selon leur période de disponibilité, ce que nous ferons en considérant consécutivement toute la période d'été ou seules les heures pendant lesquelles la température extérieure dépasse les 18 ou 26°C. Ce décompte classé, assimilable à un décompte en puissance plutôt qu'en énergie, sera illustré ici sur l'exemple des 'Caroubiers' (Tab. 30).
Ainsi, alors que de par la proximité du parking le puits canadien des 'Caroubiers' induit comme nous l'avons vu un léger échauffement du renouvellement d'air estival pris dans son ensemble, sa température très stable permet en fait un apport de frais effectif de 3 kW sur le 40% du temps où la température extérieure dépasse les 18°C, respectivement de 8 kW sur les quelques heures (8%) où elle dépasse 26°C.
Agissant essentiellement par amortissement de l'onde journalière, les puissances moyenne obtenues par ventilation sont quant à elles quasiment identiques, pour les différentes configuration du puits canadien, à celle de la ventilation directe, induisant de 15 à 20 kW de potentiel de frais (5 à 7 W/m2 de plancher). Alors que pour le puits canadien cet apport se maintien et tend même à s'accroître sur les seules heures les plus chaudes, dans le cas de la ventilation directe il diminue drastiquement lorsque la température externe dépasse les 18°C et disparaît complètement pendant les quelques heures au dessus de 26°C, pendant lesquelles la ventilation directe doit être réduite au simple renouvellement d'air.
De façon synthétique cette dynamique ressort également de l'analyse de ces grandeurs à l'heure la plus chaude de chaque jour (Fig. 57), pour lesquelles les températures de ventilation/aération peuvent être mise en rapport direct avec les seuils de confort cible et limite (Tab. 31). On observe clairement la chute du potentiel de ventilation directe sur les jours le plus chauds et la coupure à 26°C du débit de ventilation afin de minimiser les apports de chaud dans le bâtiment, l'apport net de frais chutant alors à zéro. Au contraire, même avec un débit de ventilation ininterrompu, le puits canadien (ici la configuration 'gros diamètre') fourni une température constamment en dessous du seuil de confort et un apport de frais beaucoup plus régulier.
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Le propos précédent est bien illustré par le bâtiment 'Aymon', dans lequel un système de ventilation inertielle analogue au puits canadien (prise d'air dans la cave du bâtiment, cf. Ch. 1) permet de rafraîchir des bureaux construits en attique, bien isolé et muni de bonne protection solaire, mais jouissant d'une faible inertie thermique (structure en bois). Une série de mesure sur la période la plus chaude de l'année (16-25 août 1993) permet de confirmer l'efficacité du système, caractérisé lors de sa mise en service 3 ans plus tôt [Lachal et al., 1991], qui amorti 80% de l'oscillation journalière, fournissant jour et nuit de l'air à 22 °C à raison d'un taux de ventilation de 3.3 vol/h.
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Une série de simulations numériques, menée avec le logiciel ESP [ESP, 2002] et documentée dans le cadre du programme européen Pascool [Lachal et al., 1994], permet de juger de l'apport de confort amené par ce système de ventilation inertielle, par comparaison à une stratégie de ventilation directe ou à une simple aération (Fig. 58). Alors que la ventilation inertielle, disponible jour et nuit, permet sur toute la période de maintenir les bureaux en dessous du seuil de confort supérieur, la faible inertie thermique ne permettrait pas de bénéficier pleinement d'une ventilation directe, même à 10 vol/h, la température intérieure diurne passant dans ce cas plus de la moitié du temps au dessus des 26°C (de façon cependant bien plus satisfaisante qu'avec un simple renouvellement d'air, qui induirait une situation franchement inconfortable). Une structure plus massique (brique au lieu de bois) permettrait certes d'améliorer la performance de la ventilation directe, qui n'égalerait cependant pas celle de la ventilation inertielle. Enfin une stratégie mixte (ventilation inertielle/directe en période diurne/nocturne), plus compliquée techniquement (nécessité de 2 ventilateurs, la cave devant continuer à être rechargée pendant la nuit), permettrait de baisser encore la température des bureaux.
L'exemple des 'Caroubiers' a clairement montré l'importance que peut prendre le couplage thermique entre un puits canadien et l'espace situé en dessus, ce qui, lorsqu'il s'agit d'un bâtiment, peut avoir des conséquences non négligeables sur le bilan thermique global de ce dernier.
Nous analyserons cet effet sur l'exemple du puits canadien de 'Schwerzenbacherhof', de taille similaire à celui des 'Caroubiers' (900 m2 de surface d'échange, nourrices inclues ), pour un débit de renouvellement d'air quatre fois plus grand (11'900 m3/h, soit 0.6 vol/h). Utilisé pour le préchauffage lorsque la température extérieure chute en dessous des 7°C, il est également utilisé pour le rafraîchissement estival, lorsque la température dépasse les 22°C (débit de ventilation variable allant jusqu'à 17'300 m3/h, soit 0.8 vol/h). Tout comme les 'Caroubiers' il bénéficie d'un couplage préférentiel avec le parking souterrain situé à quelques 75 cm en dessus, dont la dalle oscille annuellement entre 9.4 et 21.6°C, mais n'est qu'accessoirement influencé par la température très stable (12.7°C ± 0.5 K) mesurée 6 m en dessous. Conditionnées par ces deux températures et bien validées sur une année complète de mesure (Ch. 4), une série de simulations numériques sur plusieurs configurations alternatives permet de tirer les conclusions suivantes (Fig. 60 et 61).
Préchauffage
En absence du puits canadien et en supposant la température du parking indépendante de ce dernier (chose plausible vu le fort taux d'aération imposé à de tels ouvrages), en hiver le sous-sol aurait tendance, tout comme en présence d'un sol extérieur, à diffuser de la chaleur vers le haut, en déstockant l'énergie accumulée de la même manière pendant l'été. Par l'amenée d'air froid dans le sous-sol, la présence du puits canadien réduit cette diffusion quasiment à zéro, le déstockage actif permettant cette fois-ci de préchauffer le renouvellement d'air du bâtiment, à raison de 17.4 MWh, dont seuls 6.1 MWh (2.6 MJ/m2 de plancher) représentent un gain net par rapport au récupérateur sur air vicié couplé en série (dont l'efficacité mesurée est de 65%).
Contrairement à ce qui se passerait pour des locaux chauffés (voir plus loin), une isolation (supposée parfaite) du sol du parking, froid en hiver, ne modifierait guère l'apport hivernal par le puits, la température légèrement plus froide du sol (suppression du stockage diffusif d'été) résultant principalement en une diminution de la 'perte' diffusive à 6 m de profondeur.
Celle-ci, dirigée été comme hiver vers le bas, met par ailleurs en évidence une température urbaine du sous-sol légèrement plus élevée que la moyenne météo, suite notamment au captage solaire de l'asphalte, aux pertes diffusives des bâtiments, aux égouts, etc. Fortement déphasée et donc découplée de la température du sol au voisinage des tubes (prise au niveau de l'entre-axe et à ±50 cm en dessus/dessous de ces derniers, à mi-distance entrée/sortie), cette diffusion est par ailleurs quasiment identique en présence/absence du puits, invisible à de telles profondeur. Telle que simulée elle reste cependant sujette à caution lors d'un apport nul de l'extérieur (cas adiabatique sans puits canadien), le bilan moyen de diffusion annuel (0.8 W/m2) correspondant alors au reliquat de mise en température du terrain (simulation avec une année de mise en train, avec une température initiale donnée par la moyenne météo).
Rafraîchissement
De façon analogue à l'hiver, en été le stockage actif de la chaleur ambiante via le puits canadien entraîne une réduction de l'échange diffusif entre parking et sol, qui se trouve essentiellement transféré sur le rafraîchissement du débit d'air, en moyenne à peine supérieur au débit d'aération. C'est donc cette dernière composante qui porte l'essentiel du rafraîchissement effectif du bâtiment, pour un total relativement faible de 13.4 MWh (5.7 MJ/m2, soit 2.3 W/m2 de plancher) sur les 700 heures les plus chaudes pendant lesquelles le puits est activé. Quoi qu'il en soit, couplé à une ventilation nocturne directe (34'300 m3/h, soit 1.6 vol/h), le puits parvient sur ces périodes de canicule à maintenir le bâtiment à une température moyenne très confortable de 24.7°C (avec moins de 15% des heures au dessus des 26°C, mais toujours en dessous du seuil de tolérance de 28°C).
Contrairement à l'hiver, pendant lequel le parking s'approche de la moyenne météo/nappe phréatique, sa poussée en température estivale lui permet, même de façon réduite, de continuer à diffuser vers le sol lorsque le puits est actif. Dans ce contexte, une isolation complète du sol du parking induirait une diminution de la température du sol et ainsi une augmentation considérable du potentiel de rafraîchissement du bâtiment, qui passerait à 21.4 MWh (9.1 MJ/m2, soit 3.6 W/m2 de plancher).
Echanges latents
Si le contenu en eau de l'air ambiant et le différentiel de température météo-terrain n'induisent généralement pas de condensation dans les tubes, d'importants échanges latents peuvent cependant avoir lieu lorsque de l'infiltration d'eau est à l'oeuvre. Ainsi, dans le cas de 'Schwerzenbacherhof', les mesures d'humidité entrée/sortie impliqueraient de l'évaporation tout au long de l'année sans aucune condensation jamais. Bien qu'il puisse s'agir d'une erreur de mesure (cf. Ch. 4), le monitoring précis des humidités étant relativement délicat, il n'est à priori pas exclu que de l'infiltration d'eau ait réellement eu lieu, phénomène par ailleurs observé lors des campagnes de mesure du CUEPE au 'Caroubier' et à la 'Cité solaire de Plan-les-Ouates' (non traitée dans ce travail). Quoiqu'il en soit, une simulation numérique avec une infiltration d'eau correspondant à la quantité journalière évaporée permet de reproduire convenablement cette dernière et d'en discuter l'implication sur le bilan global du puits. Nous utiliserons pour cela un diagramme de flux de masse et d'énergie superposé, tel que schématiquement présenté dans la Fig. 59.
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Ainsi, on observe dans le cas de 'Schwerzenbacherhof' que l'énergie nécessaire à l'évaporation vient en partie amputer le préchauffage hivernal, respectivement enrichir le rafraîchissement estival de l'air, mais de façon relativement marginale, la partie la plus importante de cette énergie étant, été comme hiver, directement pompée au parking. Bien que cette diffusion accrue n'ait dans le cas présent en principe pas d'influence directe sur le bâtiment, on imagine bien que si les locaux contigus au puits étaient chauffés, ce supplément de diffusion entraînerait une perte considérable en hiver, pour un gain supplémentaire de fraîcheur en été. La perspective d'eau stagnante dans les tubes n'est cependant pas du meilleur aloi et l'utilisation volontaire de phénomènes d'évaporation en conjonction avec un puits canadien devraient en principe se faire de façon découplée et en aval de ce dernier.
Dans l'hypothèse de la même infiltration d'eau, l'isolation entre parking et sous-sol entraînerait toujours une baisse du préchauffage hivernal et un accroissement du rafraîchissement estival. Dans ce dernier cas le flux d'air n'aurait cependant plus assez de marge de température pour évaporer la totalité de l'infiltration, le reliquat de 17 m3 d'eau stagnante au fond des tubes (un tiers de leur capacité) pouvant poser de sérieux problème, s'il n'est pas évacué par drainage.
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Etude paramétrique de la diffusion de surface
Les considérations précédentes nous amènent à évaluer l'effet de diverses conditions de surface, intérieures comme extérieures, couplées à diverses profondeurs d'ensevelissement des tubes, sur les potentiels de préchauffage et rafraîchissement d'un puits canadien (Fig. 62 et 63). Nous utilisons pour cela une série de simulations numériques représentant une nappe de tubes (longueur : 50 m, diamètre : 25 cm, entre-axe : 40 cm), dimensionnée essentiellement pour le rafraîchissement, par amortissement de l'oscillation journalière, d'un débit de ventilation accru (aération/ventilation : par tube 175/700 m3/h, permettant le renouvellement d'air de 140 m2 de plancher). Conformément à la discussion menée plus haut, le débit hivernal est ramené au seul débit d'aération. Les hypothèses retenues pour les conditions de surface inférieure/supérieure sont données dans le Tab. 32, des conditions latérales étant considérée adiabatiques. Le sol est supposé avoir une conductivité de 1.9 W/K.m et une capacité de 1.9 MJ/K.m3.
Afin de bien comprendre les phénomènes en jeux, l'apport net du puits est reconstitué selon ses diverses composantes, discutées plus haut :
Les apports ainsi définis sont discutés sous forme de puissances moyennes (pour l'été seules les périodes excédant 18°C étant prises en compte), ramenées à la surface de plancher ventilé.
Ainsi, si un puits non-isolé passant sous des locaux chauffés ou tempérés résulte apparemment en un préchauffage plus efficace qu'en présence d'une isolation de surface (ce d'autant plus que la profondeur est faible !), le surplus d'énergie provient en fait directement du bâtiment, auquel il impose une perte à priori équivalente. Pire, même si cette énergie est réinjectée dans le bâtiment via le flux d'air, dans le cas de locaux chauffés le puits canadien non-isolé donne globalement lieu à une perte sèche, puisqu'une fraction importante du préchauffage aurait de toute façon été produite par le récupérateur de chaleur, sans pour autant dans ce cas augmenter la diffusion par le sol ! Cette constatation n'aurait pas été différente dans le cas d'un puits dimensionné pour de l'amortissement saisonnier, les phénomènes en jeu étant les mêmes bien que les ordres de grandeur différents (préchauffage brut plus important dans l'une et l'autre des configuration). Il ressort de cela que l'isolation en surface d'un puits passant directement sous un local chauffé est une nécessité absolue.
De façon analogue à ce qui a déjà été constaté sur le cas de 'Schwerzenbacherhof', l'isolation de surface permet par ailleurs dans la majorité des cas de figure d'accroître le potentiel de rafraîchissement estival, par abaissement supplémentaire de la température de l'air pulsé. Principalement efficace sur la composante de base du débit (aération), cette effet est, relativement parlant, moins important lorsque l'on passe comme ici à un débit de ventilation accru. Seul le cas d'un bâtiment maintenu artificiellement à 26°C bénéficierait globalement (mais en été seulement) d'un puits non-isolé, la température météorologique moyenne injecté dans le sol contribuant passivement, par diffusion, à son rafraîchissement
Quoi qu'il en soit, cette analyse paramétrique confirme également qu'il n'est pour de l'amortissement journalier pas nécessaire, sauf pour les configurations soumises à fort ensoleillement, d'aller chercher le frais en profondeur.
L'apport thermique d'un puits canadien doit enfin être confronté à la surconsommation électrique des ventilateurs, qui doivent à la fois établir le flux d'air (énergie cinétique) et vaincre les pertes de charge du système de ventilation (énergie de frottement). Du moins en régime d'aération, la première de ces composantes est inhérente au système de ventilation, que celui-ci comprenne un puit ou non. La deuxième composante se réparti d'une part le long des tubes, composante inhérente au puits lui-même, d'autre part dans les nourrices, filtres, coudes, gaines, échangeurs, grilles, embranchements et autres pertes accidentelles, en majeure partie présentes de façon indépendante du puits.
Ainsi, pour le puits des 'Caroubiers', pour le débit d'aération supérieur de 3'000 m3/h une dépression totale de 160 Pa est mesurée entre la prise d'air et l'entrée du récupérateur (avant le filtre). Seule une faible fraction représente les pertes linéaires théoriques le long des tubes (14 Pa), complétée par les nourrices (30 Pa) et l'énergie cinétique à l'entrée du récupérateur (10 Pa pour une vitesse de 3.8 m/s), le solde (env. 100 Pa) provenant en principe des embranchements du collecteur solaire, des coudes et des différentes pertes accidentelles.
En ne tenant compte que des pertes de charge linéaires le long des tubes et en supposant une efficacité de conversion électromécanique de 50% pour le ventilateur, la surconsommation électrique due à la présence du puits peut être estimée à quelques 200 kWh annuels, soit 2% de l'apport net de préchauffage (cf. Tab. 33, déduction faite du défaut de synergie avec le récupérateur).
Les pertes de charge allant, pour une géométrie donnée, comme le carré de la vitesse (différentiel de pression), respectivement son cube (puissance), elles augmentent rapidement lorsque l'on passe à des débits élevés : dans la configuration de base elles passent pour le débit estival des 'Caroubiers' à 122 Pa (600 W électriques). La surconsommation électrique annuelle de 1'900 kWh qui lui est associée reste encore aux alentour de 3% du potentiel de rafraîchissement total sur la période d'été (avec puits isolé), mais représente tout de même 7% de ce potentiel ramené sur les heures dépassant les 18°C (cf. Tab. 33), d'où l'intérêt éventuel à passer pour de telles applications à un diamètre plus grand.
Quoi qu'il en soit, des calculs préliminaires indiquent qu'en respectant un rapport débit / surface d'échange propice à l'amortissement de l'oscillation journalière (ou annuelle) et en répartissant ce débit sur un nombre suffisant de tubes, de telle sorte à ne pas dépasser les 6 m/s (3 m/s en version annuelle), on devrait pouvoir maintenir une surconsommation électrique inférieures à 5% des gains thermiques réalisés.
Nous terminerons ce travail par une étude comparative du potentiel de rafraîchissement par puits canadiens, sous climat d'Europe Centrale (Genève) et du Sud (Séville), ainsi que pour différentes configurations (notamment l'amortissement ou le déphasage, en mode annuel ou journalier, de l'oscillation météorologique).
L'un et l'autre des deux climats considérés sont sujets à d'importantes d'amplitudes thermiques, similaire tant au niveau saisonnier qu'annuel, mais décalées de presque 10 K (Tab. 34 et Fig. 65 et 66, haut). Ainsi que nous l'avons vu précédemment, dans le cas de Genève la contrainte majeure est celle de la saison de chauffage (octobre-mai), pendant laquelle 98% des heures se situent en dessous de 20°C (3'200 K.jour pour l'indice de chauffage), alors qu'en été seules 8% des heures dépassent le seuil de confort supérieur de 26°C (250 K.jour pour l'indice de rafraîchissement). Séville au contraire possède un hiver doux (indice de chauffage de 760 K.jour) pour un été quasi africain, avec plus de ¾ des heures en dessus de 18°C et quasiment 1/3 en dessus de 26°C.
Notons que ces valeurs, reprises d'une base de donnée météorologique standard en pas horaire [Météonorm, 1995], concernent des zone non urbaine et ne tiennent pas compte de l'effet d'îlot de chaleur observé au centre ville (avec des températures estivales hivernales et nocturnes facilement de 5 K supérieures). Nous ne tiendrons donc pas compte de ces effets et essayerons plutôt de mettre en évidence ce qui différencie un climat chaud d'un climat tempéré via la comparaison Genève/Séville.
Configurations géométriques et débits
Pour l'un et l'autre des climats nous considérerons 4 configurations de puits, destinés respectivement à de l'amortissement (annuel ou journalier) et du déphasage (annuel ou journalier) d'un débit d'aération de 100 m3/h, permettant le renouvellement d'air de 80 m2 de plancher de 2.5 m de plafond (200 m3). Le cas échéant ce débit peut être considéré comme une fraction d'un débit plus important, la configuration géométrique associée correspondant alors à un module d'un ensemble plus grand. En ce sens les conditions latérale du puits seront toujours considérées comme adiabatiques, ce qui revient à dire que les tubes s'isolent mutuellement et que nous supposons les effets de bord négligeables. Suite à l'analyse menée plus haut, nous considérerons par ailleurs les différentes configurations comme étant (parfaitement) isolées en surface.
La contrainte imposée est une longueur de 25 m, sauf pour le déphaseur journalier que nous essayerons de réduire de taille. Le sol est le même sol sablonneux que celui utilisé dans l'analyse paramétrique précédente (conductivité : 1.9 W/K.m, capacité : 1.9 MJ/K.m3). Pour le reste les hypothèses retenues (récapitulées dans le Tab. 37) sont les suivantes :
Enfin les prestations de ces quatre configurations seront comparées à une aération constante de même débit de base, ainsi qu'à un système de ventilation avec prise d'air prise directe sur l'air extérieur de 400 m3/h (réduit à 100 m3/h lorsque la température extérieure dépasse les 26°C).
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A défaut de données concernant le bâtiment, nous considérerons en hiver qu'il se trouve au seuil de confort minimum de 20°C, en été au seuil de confort variable défini par le standard suisse (Tab. 31), ce qui est probablement exagéré pour le cas de Séville, mais permet de comparer les choses sur une base simple.
Comme précédemment, les décomptes de rafraîchissement brut (positif lors d'un apport de froid, négatif lors d'un apport de chaud) sont ramenés en valeur nette, après déduction de l'apport qu'aurait fourni une aération avec prise directe sur l'extérieur.
Sur les pages qui suivent nous représentons, pour chacune des configurations susmentionnées, la dynamique journalière sur une année complète et la dynamique horaire sur quelques jours d'été (Fig. 64 et 65). Suit un tableau synthétique de ces mêmes décomptes ramenés à la totalité ou aux périodes les plus chaudes de l'été, ainsi que la réciproque hivernale.
Le potentiel de préchauffage, indiqué à titre indicatif et sans soustraction du défaut de synergie avec un éventuel récupérateur sur air vicié, ne sera pas discuté.
Genève
Ainsi que nous l'avions déjà souligné plus haut, sous nos latitudes la ventilation directe représente un gros (sinon le plus gros) potentiel de rafraîchissement global (10.3 W/m2 de plancher pour la configuration retenue, la limite de débit n'étant par ailleurs pas directement liée au dimensionnement d'un échangeur). Il chute cependant fortement et finit par disparaître sur les heures les plus chaudes de l'été, pendant lesquelles la ventilation inertielle par puits canadien (amortissement journalier) parvient elle à se maintenir relativement stable, 50% du potentiel de puissance (5.8 W/m2) étant encore délivré pendant les (rares) périodes où la température externe dépasse les 26°C.
A défaut de débit accru de ventilation, l'amortissement de l'oscillation annuelle est quant à elle bien moins efficace sur la globalité de la période (1 W/m2), mais se maintient évidemment assez bien sur les périodes les plus chaudes (4.7 W/m2).
Par définition le déphaseur journalier fonctionne à l'inverse de la ventilation directe, délivrant le plus gros de sa puissance (13.0 W/m2) pendant les heures les plus chaudes. Il se couple donc à merveille avec la ventilation directe, le fonctionnement alternatif nécessitant cependant 2 ventilateurs (l'air devant continuer à circuler dans le déphaseur, même s'il n'est pas utilisé). Ensemble les deux techniques produisent une puissance moyenne de 14.4 W/m2, dont 13.0 sont encore délivrées pendant les heures les plus chaudes (Tab. 35).
Le déphaseur annuel, théoriquement assez fascinant, s'avère quant à lui relativement décevant, ne permettant pas non plus le traitement de débits importants. En été le fort refroidissement de l'air est par ailleurs fortement amoindri par d'importants phénomènes de condensation.
Séville
En intégrale, le potentiel de rafraîchissement par ventilation directe de Séville est très similaire à celui de Genève, induisant un peu plus de 100 MJ/m2 d'apports nets de frais sur l'été. Ceux-ci se concentrent cependant essentiellement sur la mi-saison, lorsque la température moyenne se situe encore en dessous des 26°C. Autrement dit, sur la durée quasiment 2 fois plus longue de l'été, la puissance moyenne est environ deux fois plus faible qu'à Genève (5.9 W/m2). Contrairement au cas genevois, cette fois-ci l'amortissement de 60 % de l'oscillation journalière ne suffit plus, au coeur de l'été, à délivrer de la température en dessous du seuil de confort, si bien que le débit accru de ventilation doit régulièrement être coupé, ne permettant plus qu'un rafraîchissement relativement restreint pendant les heures les plus chaudes (2.7 W/m2). Une configuration avec surface d'échange légèrement plus généreuse aurait probablement permis de meilleurs résultats.
Quoiqu'il en soit, sur ces périodes de canicule et avec la configuration retenue, l'amortisseur annuel produit cette fois-ci un meilleur résultat que l'amortisseur journalier (3.7 W/m2, pas loin de 80% de son homologue genevois).
Même face à un déphaseur annuel qui bat cette fois ci les records (5.8 W/m2), le déphaseur journalier reste un excellent candidat (5.6 W/m2), surtout lorsqu'on garde en tête sa facilité de mise en oeuvre et son possible couplage avec de la ventilation directe (6.1 W/m2).
Si le déphaseur journalier apparaît donc comme un outil fort prometteur, il n'en reste pas moins que différentes stratégies restent disponibles, le choix entre l'une et l'autre allant essentiellement dépendre du type de bâtiment, ainsi que de l'espace à disposition.
En réponse aux trois problèmes que ce travail était sensé éclaircir nous conclurons de la façon suivante :
Resteraient néanmoins, comme suite souhaitable, la mise en oeuvre d'un projet pilote et démonstration de taille et intégration correctement planifiée, ainsi que de façon plus générale l'étude, esquissée ici, de l'apport réel du potentiel de rafraîchissement en fonction de la typologie de bâtiment.