Soutien aux programmes
Créer le bachelor en sciences biomédicales
Références du programme
Intitulé du programme: Bachelor en sciences biomédicales
Entité: Faculté de médecine
Responsable: Prof. Pierre Cosson
Entrée en vigueur du programme: septembre 2017
Situation de départ
Pôle SEA : Pourquoi avoir créé le programme à ce moment? Quelle a été l'impulsion de départ?
Pierre Cosson : Beaucoup de personnes partageaient le sentiment qu’il y avait une opportunité à saisir pour mieux intégrer les étudiant-es à la vie professionnelle dans le domaine des sciences biomédicales. L’offre de formation existante visait essentiellement à former des académiques, or toutes les personnes diplômées ne peuvent occuper un poste à l’université car les places y sont limitées. Compte tenu des besoins en emploi dans la région et de la difficulté pour les entreprises à recruter des scientifiques possédant le profil recherché, nous percevions l’intérêt de cibler d’autres débouchés professionnels.
Enfin, au niveau personnel, j’aime beaucoup l’enseignement et j’étais animé par une envie d’entreprendre un nouveau projet. Pour moi c’était le bon moment.
Pôle SEA : Quels étaient les objectifs poursuivis par l'équipe?
P. Cosson : D’une part, nous souhaitions former des personnes compétentes pour occuper les postes disponibles dans le domaine des sciences biomédicales, et ainsi combler un besoin non satisfait des entreprises.
D’autre part, parmi les personnes inscrites en 1e année à l’UNIGE dans une filière en sciences de la vie, nombreuses sont celles qui ne terminent pas leur bachelor initial, soit parce que leur intérêt pour la discipline ne se confirme pas, soit parce qu’elles sont éliminées de leur cursus. L’idée était de leur offrir dès le départ de nouvelles perspectives en matière de formation et d’emploi.
Déroulement de la création
Pôle SEA : Qui a été associé au projet et de quelle façon?
P. Cosson : À l’origine de la démarche, plusieurs personnes partageant les mêmes questionnements par rapport à la formation en sciences biomédicales se sont réunies à quelques reprises. Ce groupe de réflexion auto-géré était constitué de collègues des facultés de médecine, de sciences et de droit, des HES, des écoles professionnelles, des filières d’apprentissages, etc.
Ce groupe a évolué en une commission d’enseignement mixte HES-UNIGE, dont j’étais le président. Cette commission a été mandatée et soutenue par le Rectorat pour approfondir la réflexion. Nous nous sommes assurés à ce stade d’inclure des enseignant-es-chercheurs/euses de toutes les facultés de l’UNIGE et des principaux corps potentiellement intéressés des HES, en particulier de la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (hepia) et de la Haute Ecole de Gestion (HEG).
En parallèle, nous avons ponctuellement consulté des externes, des représentant-es de sociétés, pour leur présenter certaines idées et recueillir leur feed-back. Nous les avons notamment questionnés sur les compétences spécifiques et linguistiques à acquérir, ce qui nous a orientés dans nos décisions par la suite. Toutefois ces personnes n’étaient pas représentées dans la commission.
Pôle SEA : Comment l’équipe s’est-elle organisée pour se concerter et collaborer?
P. Cosson : L’organisation s’est mise en place plutôt informellement. De la commission mandatée par le rectorat a émergé progressivement un groupe de collègues intéressé-es à participer activement à un projet de formation. Le décanat de la faculté a aussitôt soutenu notre projet.
A partir de là, de nouvelles personnes intéressées se sont spontanément jointes au projet au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Lors de la période intensive de conception du cursus, nous organisions des réunions toutes les semaines. Le travail s’est fait de façon collégiale. Il nous arrivait de convier des invité-es qui venaient partager leurs pratiques, nous donner des idées liées à la pédagogie ou à une thématique précise. Cela s’est avéré très intéressant et utile.
Pôle SEA : Quelles principales étapes ont balisé la démarche et quelle a été leur durée approximative?
P. Cosson : La commission a été créée en septembre 2013, suite au travail initié quelques années auparavant au sein du groupe de réflexion.
Au départ, nous avons épluché les offres d’emploi pendant quelques mois. Nous avons constaté qu’elles étaient très nombreuses, en très grande majorité dans le secteur privé et pas nécessairement là où nous les attendions. Par exemple, bon nombre d’entre elles concernaient les sites de production, la mise sur le marché de médicaments, le suivi de médicaments lorsqu’ils sont sur le marché, etc.
Nous avons aussi interviewé des représentant-es d’entreprises, environ une cinquantaine, un processus qui n’a pas cessé depuis. Encore aujourd’hui, nous rencontrons régulièrement des acteurs et actrices issu-es du monde professionnel.
En septembre 2014, nous avons soumis un rapport au rectorat qui présentait la démarche d’étude de marché et proposait la création du cursus. A la rentrée 2015, le rectorat a accepté notre projet. Pour des raisons budgétaires, il a fallu attendre la rentrée 2016 pour obtenir l’aval définitif pour l’ouverture du bachelor en septembre 2017.
Il s’est donc écoulé 4 ans entre la mise sur pied de la commission et l’entrée en vigueur du programme. Toutefois, en raison de la conjoncture par moments favorable et par moments plus incertaine, certaines périodes ont été plus calmes pour nous alors que d’autres ont été très intensives.
Avec le recul, cette durée a été bénéfique dans la mesure où elle a permis la maturation de notre projet. Si notre vision de départ est restée globalement la même, le temps nous a permis d’aller jusqu’aux bout de nos réflexions, de faire évoluer nos idées jusqu’à obtenir la version actuelle du bachelor. C’est par exemple au fur et à mesure de ces réflexions qu’a émergé l’idée que la communication scientifique était un élément essentiel, puis que se sont précisées les différentes façons de renforcer cette compétence chez les étudiant-es.
Résultats et effets
Pôle SEA : En quoi ce nouveau programme est-il innovant du point de vue de la pédagogie ?
P. Cosson : Une originalité de ce projet, c’est qu’il s’agit d’une création entièrement nouvelle, pas une construction à partir d’un cursus existant déjà au moins en partie. On s’est retrouvés devant une page blanche. Dans ce cas certaines approches pédagogiques prennent tout leur sens: il faut définir le profil final des étudiant-es à la sortie, les compétences et les connaissances que les étudiant-es doivent acquérir, la façon de les tester par des examens. Il faut aussi hiérarchiser les compétences, bâtir un programme graduel d’apprentissage sur plusieurs années. C’est passionnant, et en même temps on redécouvre tout le sens de ces modes de pensée.
Au niveau du contenu, notre bachelor couvre les bases scientifiques que l’on retrouve habituellement dans les cursus des sciences de la vie (pharmacie, biologie, biochimie, etc.). Notre particularité est l’accent sur la biologie médicale, la biologie du corps humain. Ce choix est délibéré et inspiré de nos discussions avec les entreprises, qui travaillent en majorité dans la santé humaine. Cette orientation spécifique forte nous distingue des cursus similaires, tout comme la sensibilisation des étudiant-es aux enjeux éthiques, du droit du vivant, de la prospective, etc.
Au niveau de la pédagogie, la communication occupe une place centrale et fait l’objet d’un enseignement en soi. Cela reflète la réalité des métiers dans ce domaine, où savoir communiquer, notamment en anglais, est une compétence-clé. Une gradation vers les objectifs visés en matière de communication est pensée tout au long du cursus, beaucoup de temps est consacré à cet apprentissage. D’ailleurs, nous avons défini dès le départ le profil de compétences visées pour nos diplômé-es. Ce travail nous a servi de référence au moment de prendre des décisions pédagogiques par la suite.
Nos travaux pratiques auront également une originalité, puisque nous avons pour principe de ne proposer aux étudiant-es que des activités authentiques. Notre règle est: «cela doit être pour de vrai». Il s’agira de leur proposer des activités dont les résultats soient comestibles ou publiables. Par exemple, elles et ils pourront participer à des projets de recherche en cours, fabriquer leur propre bière, ou encore publier un article de vulgarisation médicale imprimé dans un média reconnu dans le milieu académique. À nos yeux, les activités pédagogiques prennent un autre sens lorsque la finalité dépasse le cadre du cours, tant pour l’enseignant-e que pour l’étudiant-e.
Retour et conseils
Pôle SEA : Qu’est-ce qui a facilité votre démarche de création de programme?
P. Cosson : Ce cursus a pu voir le jour grâce à l’implication de personnes enthousiastes et motivées, et qui le sont restées pendant toutes ces années.
Le soutien du rectorat, notamment pour la phase initiale d’exploration, et l’appui fort du décanat pour la mise en œuvre du cursus se sont également avérés indispensables.
Enfin, le fait d’avoir explicité notre vision et identifié les compétences visées par le cursus nous a guidés tout au long du processus de conception pédagogique. Revenir aux questions «pourquoi fait-on cela?», «où cela mène-il les étudiant-es?» nous a permis de prendre des décisions cohérentes avec nos intentions de départ.
J’ajouterais ma boussole personnelle qui m’a souvent servi et facilite la prise de décisions: «Aimerais-je que mes enfants fassent ceci, en retireraient-ils réellement quelque chose?». La réponse à cette question peut aider à faire des choix d’activités ou d’orientations pour le cursus.
Pôle SEA : Quels ont été les défis rencontrés et quelles pistes ont été explorées pour y répondre?
P. Cosson : Un premier défi s’est présenté sur le plan idéologique. S’agissant d’un programme à visée professionnalisante, beaucoup de discussions ont porté sur l’ouverture de la formation universitaire au monde extérieur et le lien avec les entreprises. Il s’agit d’un sujet délicat qui peut générer des tensions entre des personnes ne partageant pas la même philosophie. C’est probablement une facette d’une problématique plus vaste: comment s’ouvrir au monde extérieur tout en gardant sa propre identité (académique dans ce cas)?
Ensuite, comme les sciences biomédicales sont à l’interface de plusieurs disciplines, la question du rattachement facultaire du nouveau cursus a également été l’objet de nombreuses réflexions. Différentes options étaient possibles et cette décision soulevait des enjeux importants.
Face à ces deux défis, le dialogue soutenu que nous avons établi avec tous les groupes concernés a certainement été un allié pour la concrétisation du projet. Être résilient dans la mise en place d’un nouveau programme me semble être une qualité essentielle, en particulier lorsque celle-ci dépend de nombreux acteurs.
Notre défi actuel consiste à nous fixer des critères d’auto-évaluation. Nous cherchons à établir la liste complète des objectifs que nous poursuivons avec ce cursus (en termes de volume d’inscriptions, de satisfaction des étudiant-es, d’accès aux cycles supérieurs, d’insertion professionnelle, etc.), de sorte à nous donner les moyens de vérifier dans le futur que ceux-ci sont effectivement atteints.
Pôle SEA : Pour terminer, un conseil aux équipes souhaitant créer un programme?
P. Cosson : Il est utile de former un noyau dur de 2 ou 3 personnes qui portent le projet et partagent la même vision. Idéalement, ce noyau dur pourrait être en place dès le début, il peut évoluer en cours de projet, et devrait participer à la mise en place effective. Ces personnes peuvent ainsi partager les joies comme les défis qui se présentent en cours de route. Il importe que ces personnes soient motivées et déterminées à aller jusqu’au bout, à persévérer dans la durée. Dans ce contexte, la stabilité de leur poste est à considérer.
En savoir plus sur le bachelor en sciences biomédicales
Descriptif du bachelor (structure, perspectives professionnelles, etc.)