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Un «chasseur de matière noire» décortique les rayons cosmiques

Co-dirigée par l’Université de Genève, la mission DAMPE, chargée de détecter de la matière noire dans l’Univers, fait part de ses premiers résultats scientifques. 

Jamais détectée, la matière noire est pourtant considérée comme un élément important pour la compréhension et l’étude de nombreux phénomènes dans l’Univers. La mission DAMPE (DArk Matter Particle Explorer), initiée en 2012 par l’Académie des Sciences Chinoises (CAS) en collaboration avec l’Université de Genève (UNIGE) et l’Institut National de Physique Nucléaire d’Italie (INFN), s’est donné pour mission d’en découvrir la trace ; ses premiers résultats scientifques sont publiés aujourd’hui dans la revue Nature. Les données collectées par le satellite révèlent la distribution des particules des rayons cosmiques selon leur énergie : plus l’énergie mesurée est basse, plus les particules sont nombreuses, et inversement. Mais ce qui devait être une courbe régulière présente en réalité une cassure inexpliquée dans le domaine des hautes énergies, autour de 0.9 TeV, à partir duquel les particules sont moins nombreuses qu’attendu. Comprendre cette «rupture de spectre» pourrait nous permettre de remonter jusqu’à la source qui a émis ces particules. Et parmi les sources candidates, l’annihilation ou la désintégration de matière noire.

DAMPE, le premier satellite astronomique de Chine, a été lancé depuis le Centre de lancement de satellites de Jiuquan en orbite héliosynchrone le 17 décembre 2015. DAMPE est le fruit d’une collaboration de plus d'une centaine de scientifiques, techniciens et étudiants de neuf instituts en Chine, en Suisse et en Italie. L’équipe du professeur Xin Wu, de la Section de physique de la Faculté des sciences de l’UNIGE, en collaboration avec des scientifiques italiens de l’Institut national de physique nucléaire (INFN) d’Italie (Bari, Lecce et Perugia), a conçu une partie de ce satellite : le Silicon Tungtser Tracker (STK). Celui-ci permet la détection des traces de particules qui traversent DAMPE, afin d’appréhender l’origine et la nature de la matière noire.

 

Une rupture de spectre détectée avec une précision inédite

Au cours de ses 18 premiers mois de fonctionnement scientifique, DAMPE a détecté 1,5 million d'électrons et positons, l’antiparticule de l’électron, issus de rayons cosmiques. Les données concernant ces particules, d’une qualité inédite, ont pu être collectées jusqu’à des niveaux d’énergie très élevés, de l’ordre de quelques Teraélectronvolt (TeV), soit l’énergie d’un moustique en vol, mais concentrée dans une seule particule, le tout avec un très faible bruit de fond. C’est ainsi que DAMPE a détecté directement une rupture, c’est à dire une diminution du flux de particules, dans le spectre des électrons et des positrons à environ 0,9 TeV. Cette mesure très précise vient compléter d’autres anomalies déjà observées et réduit considérablement le champ d’investigation des chercheurs ; elle permet d’affiner les modèles expliquant le comportement des flux, et donc d’en définir plus précisément les sources possibles.

 

De nouvelles données permettront prochainement une mesure plus précise du spectre des électrons et des positons des rayons cosmiques, jusqu'à une énergie dix fois supérieure à celle des premiers résultats fournis par DAMPE. Les scientifiques seront également en mesure d'explorer les caractéristiques spectrales potentiellement générées par l'annihilation et la désintégration de particules de matière noire ou par des sources astrophysiques proches, par exemple des étoiles à neutrons tournant très rapidement sur elles-mêmes et émettant un flux de particules à la manière d’un phare, les fameux pulsars. « Mais ces premières données représentent déjà une formidable avancée et laissent entrevoir une connexion entre un excès de positons et la désintégration de la matière noire », détaille Xin Wu.

 

Contact : Xin Wu, Xin.Wu(at)unige.ch, +41 22 379 62 72

 
30 novembre 2017
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