Trois leçons à tirer de la catastrophe de Blatten
Bernard Debarbieux, professeur de géographie culturelle et politique à l’Université de Genève, revient sur la catastrophe de Blatten dans un article d’opinion publié le 27 juin 2025 dans le journal Le Temps. Pour le chercheur cette catastrophe, bien qu’elle soit encore toute récente, mérite qu’on en tire trois leçons qui donnent à voir une Suisse tiraillée entre des voies (voix) contradictoires. Il constate d’abord que des alertes précoces et précises ont permis d’anticiper la catastrophe et de limiter les dégâts humains, grâce à l’excellence de la recherche et des services de prévention des risques, qu’il importe donc de cultiver. Ensuite Bernard Debarbieux souligne que la population et des autorités publiques ont fait preuve d’une générosité qui montre que les habitants du village sinistré pouvaient compter sur la solidarité de leurs concitoyens, apportant la preuve que le destin d’un village de montagne frappe l’imagination populaire.
Toutefois la catastrophe a aussi donné prise à des propos tendancieux qui sont allés à rebours des constats précédents. Certains sont allés jusqu’à banaliser la catastrophe en la mettant sur le compte d’une fatalité relevant de cycles séculaires ou millénaires alors que les chercheurs y voient plutôt un événement sans précédent ; d’autres ont avancé que le maintien de populations dans certaines hautes vallées alpines serait trop coûteux, au vu des investissements à prévoir pour protéger les villages et routes d’accès, adoptant ainsi une logique comptable qui va elle aussi à l’encontre de nombreuses recherches scientifiques. Cela amène Bernard Debarbieux à conclure que "la catastrophe de Blatten aura servi de tribune, non sans opportunisme et non sans cynisme à l’égard des habitants du Lötschental, à quelques acteurs de la vie publique qui ont bien peu à proposer pour faire face aux sources du problème. [...] Ne pourrait-on pas rêver plutôt, en guise d’alternative, à une mobilisation nationale pour faire face aux défis d’aujourd’hui qui cultiverait ce que certains cherchent à affaiblir : l’excellence scientifique et la vigueur des identités collectives ?"
27 juin 2025