Sex Tech
Désirs en échec? Expérience et traitement des défaillances de la sexualité féminine: la Construction d'un problème médical et social
Durée : 1.11.2013 - 30.10.2016
Financement : Fonds Universitaire Maurice Chalumeau (appel d’offres 2012)
Responsables
Requérante principale : Delphine Gardey, historienne et sociologue, professeure ordinaire au Département de sociologie, Institut des Etudes genre, Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève
Corequérant: Bruno J. Strasser, biologiste et historien des sciences, professeur ordinaire en Section de biologie, Faculté des sciences de l’Université de Genève & adjunct professor à l'Université de Yale.
Collaborateurs/trices
Iulia Hasdeu, anthropologue, Maître assistante ; Marilène Vuille, Collaboratrice de recherche et doctorante ; Laura Piccand, assistante-doctorante.
Résumé
Revendiquée comme un facteur d’émancipation depuis les mouvements sociaux des années 1970, la « sexualité libre », de même que le choix de sa sexualité et le « droit au plaisir » sont devenus une réalité pour un nombre croissant de femmes. Bien qu’ancienne, la prise en charge médicale des problèmes sexuels des couples et des individus prend une forme nouvelle au cours de la période récente avec l’émergence d’exigences plus fermes de la part des partenaires des deux sexes et la mise au point de traitements pharmaceutiques pour remédier aux troubles sexuels masculins, puis féminins.
Cette recherche consiste à retracer la socio-histoire de la médicalisation des troubles de la sexualité (ou du désir) des femmes, de son émergence comme problème biomédical et clinique, mais aussi comme problème social, ainsi que des modalités de sa définition et de sa prise en charge. De ce fait, la question de la singularité et de la normalité (des normes), tant poursuivies au niveau médical qu’attendues au niveau social (et en particulier de la norme hétérosexuelle) se trouve au centre de l’investigation. Il s’agira, en effet, d’étudier le rapport complexe qu’entretiennent les normes sexuelles et leurs contextes institutionnels de production et de contestation : Quelle est la définition du normal et du pathologique concernant la sexualité des femmes ? Comment ce qui relève ou non du médical et de son intervention se trouve-t-il négocié et renégocié dans le cadre de l'offre médicale institutionnelle, mais aussi en dehors de ce cadre, dans un contexte plus large de circulation dans l'espace public, de l'expertise médicale et de savoirs « profanes » ainsi que de produits ou de substances biomédicales ?
La recherche portera tout particulièrement sur le « syndrome du désir sexuel hypoactif » (HSSD) tel qu’identifié par le corps médical concernant la sexualité des femmes. Au-delà de l’arène médicale et pharmaceutique, il s’agira de s’intéresser à l’émergence et au développement de l’idée d’une dysfonction de la sexualité des femmes en Suisse depuis les années 1970, de façon large, en retraçant les logiques institutionnelles qui y président, en détaillant les modes de circulation des savoirs et en cartographiant les réseaux d’acteurs et d’actrices qui en sont parties prenantes.
Centrée sur l'offre institutionnelle de santé et de soins, sa pensée et ses pratiques, l’enquête s’intéresse également aux logiques entrepreneuriales et d'innovation dans ces secteurs d'activité ainsi qu’aux savoirs médicaux spécifiques qu’elles suscitent ou auxquelles elles contribuent. Bénéficiant des résultats des recherches historiques et sociologiques conduites sur la question de l’interface ou de la coproduction maladie/médicament, elle aborde la socialisation plus large de ces innovations et produits et à la façon dont se trouvent plus largement relayées et diffusées dans l’espace public des conceptions à propos de ce qui apparaît comme souhaitable ou « sain » en matière de sexualité des femmes. Au-delà des logiques propres au milieu médical et de la réalisation d’une ethnographie de la pharmacopée du désir défaillant, nous nous intéressons aux logiques des actrices, au sens qu’elles donnent de leur sexualité « problématique », aux conduites qu’elles déploient et aux ressources dont elles disposent
A l’articulation des questions institutionnelles et individuelles, il s’agira aussi, à travers l’étude du trouble du désir, d’envisager les mécanismes d’individualisation d’un problème social.
Située à l’intersection des études de genre, de l’étude sociale des sciences et des techniques, et de l’analyse des discours et pratiques culturelles, la recherche mobilisera des outils méthodologiques variés allant du suivi des acteurs/trices, des produits et des artefacts, à la cartographie des milieux médicaux et scientifiques, en passant par des séries d’entretiens individuels et des analyses de contenu. Visant à rendre compte des normes et des contraintes mais aussi des marges de manoeuvre ou de l’agency des femmes, la recherche s’attachera à rendre compte d’expériences et récits alternatifs, tant au niveau individuel que collectif. Elle valorisera le point de vue et l’expertise de collectifs de femmes. Elle veillera, enfin, à trouver des formes originales de restitution de ses résultats aux différents publics concernés : milieux scientifiques, acteurs/trices de la santé publique et groupes de femmes.
Collaborations nationales et internationales autour du projet :
- Institut universitaire d'histoire de la médecine et de la santé publique (IUHMSP), Département universitaire de médecine et santé communautaires (DUMSC/CHUV), Lausanne
- Institut des sciences sociales, Faculté des sciences sociales et politiques, Université de Lausanne
- Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES 3), CNRS, Paris
- Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS), Unité mixte de recherche Ecole des hautes études en sciences sociales
- Uni Paris 13 - Center for Cognitive Science, University of Freiburg