Semaine internationale du cerveau
du 13 au 19 mars 2000

LA CELLULE NERVEUSE: UNE MERVEILLE DU MONDE
Conférence de Yves Dunant

Découverte du neurone
Le premier qui en aperçut un petit bout fut l'inventeur du microscope, A. Van Leeuwenhoek en 1719. A l'âge de 86 ans, il découvre "des centaines de fibres dans un rameau nerveux plus fin qu'un poil de ma barbe". Par la suite, le perfectionnement du microscope, les progrès dans la manière de préparer les tissus et l'intérêt pour le système nerveux des invertébrés et des poissons permettent de faire le portrait de cette cellule incroyable par ses dimensions et son fonctionnement.

Aujourd'hui, le microscope électronique permet d'étudier les cellules nerveuses et de parcourir leurs prodigieuses ramifications. Le corps cellulaire est la partie qui renferme le noyau ; il dirige l'organisation et fournit l'intendance pour l'ensemble de la cellule. Les dendrites dessinent une arborisation très variable d'un neurone à l'autre. C'est par eux que les signaux nerveux sont reçus et intégrés. L'axone est le prolongement qui convoie les influx nerveux vers d'autres cellules, les cellules-cibles; il se ramifie à son extrémité et forme des points de contact, les synapses, où s'effectue la transmission des signaux. Certains axones peuvent être très longs: dans le nerf sciatique, on trouve des axones moteurs dont le corps cellulaire se situe dans le dos (moelle épinière) et dont les terminaisons synaptiques prennent contact avec des muscles du pied (plus d'un mètre).

Il s'agit alors pour le neurone de nourrir les extrémités des axones. Des protéines et autres éléments synthétisés dans le corps cellulaire sont convoyés le long des axones par un système de transport appelé flux axonique que l'on peut comparer à un petit train à crémaillère où les matériaux seraient accrochés dans des sacs minuscules. Ce flux axonique centrifuge se double d'un flux en sens inverse qui transporte certains composants des terminaisons vers le corps cellulaire lui-même.

Vie et mort des neurones
Chez les vertébrés, les neurones prennent naissance dans le tube neural, une structure située dans la région dorsale de l'embryon. Puis ils se divisent et migrent en émettant des prolongements qui cherchent leurs cellules-cibles, avec lesquelles ils seront en contact pour la vie.

A un certain stade du développement, le nombre des neurones chez le fœtus est le double de celui qu'il aura à la naissance. Puis une sélection s'opère: les neurones qui n'ont pas atteint leur cible dégénèrent et meurent. Ainsi, à la naissance, nous possédons à peu près le nombre définitif de nos neurones: quelque 100 milliards dans le cerveau et des millions dans le reste du corps. Cependant ils n'ont pas, et de loin, établi entre eux toutes leurs connections synaptiques. Celles-ci s'organiseront pendant la croissance sous l'influence de facteurs génétiques et environnementaux.

La vie et le fonctionnement des neurones sont sous la dépendance de différentes substances sécrétées notamment par les cellules-cibles. Parmi elles, les facteurs de croissance ou de différenciation sont actuellement l'objet de recherches intensives. En effet, une population de cellules de neurones peut entrer en dégénérescence si ces facteurs viennent à manquer ou à mal fonctionner. On estime actuellement que ces mécanismes pourraient être altérés dans les maladies neuro-dégénératives telles que Parkinson, Alzheimer, paralysies progressives.

Un neurone, comment ça marche?
Le neurone reçoit des signaux - excitateurs ou inhibiteurs - au niveau des milliers de synapses qu'il porte sur son arborisation dendritique. Il les intègre et les traduit en influx électrique (potentiels d'action) qui se propagent le long de son axone. A leur arrivée aux synapses, il y a l'émission d'un brusque jet d'une substance appelée neurotransmetteur. L'impulsion électrique est donc convertie en impulsion chimique. L'espace entre deux neurones étant extrêmement court, il est franchi quasi instantanément par le neurotransmetteur. Des récepteurs fichés dans la membrane de la cellule suivante reconnaissent le neurotransmetteur et participent à la création d'un nouveau signal.

La transmission synaptique se déroule en l'espace de quelques millièmes de seconde dans un réseau au câblage très rigoureux. On n'imagine pas qu'un influx destiné à informer le cerveau de ce qui se passe en un point de la rétine vienne tout d'un coup faire bouger un muscle du petit doigt.

Dans ce cadre si rigide, les synapses peuvent pourtant faire preuve d'une surprenante liberté que les neurobiologistes appellent plasticité. Sans elle, pas d'apprentissage, pas d'adaptation, pas de mémorisation. Une grande plasticité s'observe au cours du développement: des synapses et même des régions entières du système nerveux ne se forment pas si elles ne reçoivent pas les signaux appropriés. Ainsi, les aires visuelles du cerveau restent atrophiées si la vision est absente à un moment critique du développement peu après la naissance. Autre exemple de plasticité neuronale: la mémoire. Des chercheurs genevois ont en effet réussi à démontrer que les cellules nerveuses créent de nouveaux contacts synaptiques afin de transmettre plus efficacement le message qui doit être mémorisé.

Conclusion
Stables toute la vie mais se renouvelant sans cesse, strictement câblés et pourtant capables d'une grande plasticité, robustes et fragiles, ultra-rapides dans leur fonctionnement, les cellules nerveuses font partie des merveilles de l'univers, des merveilles qui sont en nous. Ce sont d'elles que nous tirons notre personnalité et nos pensées.

Pour tout renseignement: 022 / 702 54 27/28

Sylvie Détraz Presse, Informations, Publications
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- Louis Monney