LE CERVEAU EN ÉBULLITION : Hyperactivité

Table ronde animée par M. Bertrand Kiefer
11 mars 2003


Trouble encore mal connu, l'hyperactivité touche en priorité les jeunes. Egalement appelé trouble d'hyperactivité avec déficit d'attention (THADA), ce dysfonctionnement débouche sur une incapacité à maintenir un niveau suffisant de concentration pour achever une tâche spécifique. Bien qu'il n'existe pas vraiment de chiffres précis, l'hyperactivité toucherait 3 à 5% des populations scolaires et trois fois plus de garçons que de filles en sont atteints. Les " hyperactifs " seraient en outre plus nombreux dans les milieux défavorisés.

Si l'hyperactivité représente aujourd'hui une importante préoccupation dans notre culture, elle n'apparaît dans la littérature médicale qu'à partir de 1902. Elle est alors comprise comme un déficit du contrôle moral. Toutefois, les spécialistes s'accordent, en général, à dire que ce trouble a probablement toujours existé dans nos sociétés. Dans les années 70, ils se penchent plus précisément sur les difficultés d'attention que l'hyperactivité entraîne. C'est durant cette période que le médicament Ritalin fait son apparition. Stimulant agissant sur les neurotransmetteurs, le Ritalin est perçu comme bénéfique pour les enfants d'âge scolaire, même si certains de ses effets secondaires sont dénoncés par la suite. La table ronde " Le cerveau en ébullition : Hyperactivité " permettra de faire un tour d'horizon des différents points de vue sur l'hyperactivité et ses traitements.

A cette occasion, le Dr Charles-Antoine Haenggeli présentera une synthèse des connaissances actuelles et évoquera les nombreuses interrogations que le sujet suscite. Il abordera notamment les aspects génétiques de l'hyperactivité et la corrélation entre ses symptômes cliniques et les anomalies génétiques. Avec ses collaborateurs, il prépare actuellement un projet de recherche dont le but est justement d'identifier les gènes de susceptibilité de ce trouble parmi de nombreux gènes candidats.

Pour sa part, le Dr Francisco Palacio Espasa se propose de traiter l'hyperactivité sous l'angle de la psychopathologie de l'enfant. En effet, l'hyperactivité n'est pas un phénomène constant ou immuable, dans le sens où elle peut aussi bien apparaître que disparaître au fil des âges : seuls 50% des jeunes enfants hyperactifs continuent de l'être à l'âge scolaire et 70% des enfants d'âge scolaire deviennent hyperactifs à l'adolescence. Enfin, seulement 50% des adolescents hyperactifs le sont encore à l'âge adulte. De telles disparités à travers les âges incitent à considérer ce symptôme dans une optique plus large.

De plus, le déficit de l'attention et l'impulsivité peuvent se constater pendant la consultation du pédiatre ou du pédopsychiatre sans être accompagnés d'autres problèmes. Mais l'hyperactivité (THADA) fait le plus souvent partie de troubles psychiques de sévérité diverse : les troubles anxieux comme les difficultés de séparation et les phobies scolaires ; les troubles de l'humeur qui se manifestent chez l'enfant par un syndrome hypomaniaque avec euphorie, excitation, hyperactivité ; les troubles de la personnalité avec des problèmes de conduite et de contrôle des impulsions ; les troubles envahissants du développement avec agitation, désorganisation et retards importants.

Pour Francisco Palacio, dans ces cas, même si le traitement avec des psycho-stimulants comme le Ritalin s'avère efficace, il est important de ne pas se limiter à certains symptômes, mais de traiter tous les problèmes psychologiques, c'est-à-dire l'ensemble de la personne de l'enfant. D'autres traitements psychopharmacologiques, comme les antidépresseurs, ou psychothérapeutiques doivent alors être utilisés. Les troubles envahissants du développement et les troubles graves de la personnalité nécessiteraient, en plus de ces mesures thérapeutiques, l'insertion de l'enfant dans des centres de jour spécialisés. Cela pour mettre en place des activités pédagogiques et éducatives adaptées à l'enfant, afin de préserver ses capacités d'apprentissage fortement menacées par ce type de troubles.

Enfin, le psychologue Pascal Zesiger présentera la contribution de la psychologie à l'étude de l'hyperactivité et des troubles de l'attention. Pour les psychologues, un des objectifs principaux est d'identifier et de caractériser les processus cognitifs qui semblent fonctionner de manière différente chez l'enfant hyperactif. Ils cherchent ensuite à élaborer des procédures d'évaluation de ces processus. Il s'agit d'une démarche qui a d'importantes implications pour le diagnostic, pour le suivi et pour la prise en charge des enfants.

Pascal Zesiger se tournera notamment du côté de la neuropsychologie développementale. Cette science pluridisciplinaire s'intéresse au développement de l'enfant en tentant d'établir des liens entre les comportements, les processus cognitifs qui le sous-tendent et leurs soubassements neurobiologiques : gènes et structures cérébrales. Elle vise également à mieux définir le rôle de l'environnement physique et social dans les phénomènes de développement et d'apprentissage, que ce soit auprès de l'enfant " ordinaire " ou de l'enfant qui présente des troubles.

Intervenants :

Charles-Antoine Haenggeli fait ses études de médecine à l'Université de Berne, puis ses études postgraduées de pédiatrie dans le Service de l'Hôpital de Delémont et à l'Hôpital des enfants à Genève. Il fait ensuite un fellowship de neuropédiatrie à Pittsburgh aux Etats-Unis, avant de revenir à Genève. Charles-Antoine Haenggeli est actuellement médecin adjoint responsable de la neuropédiatrie à l'Hôpital des enfants (HUG) et chargé de cours à la Faculté de médecine de l'Université de Genève. Avec ses collaborateurs, il s'intéresse tout particulièrement aux maladies épileptiques et au traitement chirurgical de l'épilepsie chez l'enfant, aux maladies neuro-musculaires, aux infirmités motrices cérébrales et handicaps sensoriels, ainsi qu'au trouble déficit de l'attention avec hyperactivité (THADA). Enfin, il est l'auteur d'un livre, richement illustré par Pécub, destiné à informer enfants, parents et enseignants sur cette affection fréquente : " Toby et Lucy, deux enfants hyperactifs ".

Francisco Palacio Espasa fait ses études de médecine et sa spécialisation en psychiatrie à Madrid. Il vient en Suisse en 1969 où il réalise une thèse à la Faculté de médecine de l'Université de Genève sur les indications des approches psychothérapeutiques brèves avec des enfants d'âge préscolaire et leurs parents. Depuis 1973, il travaille au Service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, anciennement appelé Guidance Infantile, comme médecin chef de service et professeur ordinaire depuis 1999. Francisco Palacio Espasa a publié de nombreux ouvrages sur la psychopathologie de l'enfant, les conflits de la parentalité et les troubles précoces des enfants d'âge préscolaire. Il a également participé à des recherches sur l'évaluation des psychothérapies brèves parents-enfant et sur l'autisme. Il dirige actuellement une recherche sur les psychothérapies parents-bébé avec trouble précoce du comportement.

Pascal Zesiger est psychologue de formation. Il obtient sa licence en 1988, son diplôme de spécialisation l'année d'après et un doctorat en psychologie à l'Université de Genève en 1992. Il est actuellement maître d'enseignement et de recherche à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, rattaché à la formation de logopédie. Ses principaux centres d'intérêts comprennent le développement du langage oral et l'apprentissage du langage écrit ainsi que les troubles du développement et des apprentissages. Il a exercé pendant plusieurs années en tant que neuropsychologue clinicien pour enfants dans l'Unité de neuropédiatrie du CHUV.